Critique Le peuple de l'enfer [1956]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le jeudi 19 mars 2009 à 17h30
Terre creuse sans le sou
Une équipe d'archéologues, par le hasard d'un séisme providentiel, découvre un chemin menant vers les profondeurs de la Terre. Au cours de leur périple intraterrestre, les scientifiques vont découvrir une antique et cruelle civilisation humaine, qui a réduit en esclavage une espèce d'humanoïdes inconnue: les Hommes-Taupes.
Ecrit par Laszlo Görög (l'oasis des tempêtes, L'Araignée-vampire), le scénario de The Mole People, re-baptisé par chez nous Le peuple de l'Enfer, est un film d'exploration et d’aventures exotiques puisant son inspiration dans des oeuvres romanesques de la fin du 19ème siècle. Y est exploitée en effet la théorie de la Terre Creuse, brillamment utilisée dans certains ouvrages d' Edgar Rice Burroughs (Cycle de Pellucidar) et dans le Voyage au centre de la terre, le classique de Jules Verne. Cependant, en place et lieu d'animaux préhistoriques et d'hommes primitifs, le scénariste a préféré orienté son récit vers le thème de la civilisation disparue.
Ainsi, ce peuple aux senteurs "antiques" qui se veut regrouper les derniers survivants de la civilisation Sumérienne, adorateur de la déesse Ishtar, évoque sans peine les civilisations narrées dans She (Henry Rider Haggard), Le monde perdu sous la mer (Sir Arthur Conan Doyle) ou dans L'Atlantide de Pierre Benoît, trois oeuvres littéraires ayant servies de creuset pour la création d'une bonne partie de la culture pulp. L’idée de Görög est pertinente, d'ailleurs, car le péplum est alors un genre très en vogue.
Il faut savoir aussi qu’en ces années 50, le centre de la Terre devient, dans ce film comme dans bien d'autres, l'ultime terra incognita terrestre jugée exploitable (l'autre se situant au-delà des étoiles). Pour construire son métrage, le cinéaste Virgil W. Vogel (un faiseur sans grand talent dont The Mole People est le premier film) se base donc sur les récits d'explorations des époques victoriennes, en modifiant simplement la nature du décor, la voûte des cavernes remplaçant la canopée des jungles africaines. Si l’on ne peut que le féliciter de cette initiative, le réalisateur se retrouve cependant face à un problème épineux difficilement contournable: le manque de moyens. Car si dans un film d'aventures exotiques il est aisé de contourner les écueils budgétaires en glissant des stock-shots documentaires dans le fil du récit (même les films Hollywoodiens les plus prestigieux en sont remplis), il en est tout autrement pour The Mole People, qui a pour ambition d'exposer des lieux inédits sans en avoir les moyens. Ainsi démuni, Virgil W. Vogel ne peut nous offrir alors qu’un film d’une grande pauvreté visuelle, le monde souterrain se voyant réduit à quelques rochers en carton-pâte et à de médiocres matte-painting.
Le cinéphile va bien entendu trouver assez attendrissant cet aspect kitch, mais force est d’admettre que le responsable des décors, Russell A. Gausman (directeur artistique de Spartacus, tout de même), ternit ici un peu sa réputation en nous proposant un travail situé bien en deçà de ce qu’offre en général les films de l’Universal.
Du coté du script, on progresse en terrain balisé, dans le pur style du b-movie. Des héros, une jeune pin-up bien glamour, des méchants caricaturaux, des monstres ; tous les éléments pour passer une divertissante pause pop-corn sont réunis. Et c’est bien le cas. Il est certain que l’on ne manquera pas de sourire, un brin moqueur, devant quelques situations bien naïves et quelques désuètes séquences mélodramatiques, mais dans l’ensemble, l’on passe un agréable moment à visionner ce The Mole People. Le mérite en revient notamment aux acteurs, qui sont tous très sympathiques et très professionnels.
Le rôle principal est tenu par un acteur que j’apprécie énormément : John Agar. Véritable star de la série B, à l’aise aussi bien dans le film de guerre, le western ou le film de SF, John Agar est un grand monsieur du cinéma, l’une des valeurs sûres de l’Universal des années d’après-guerre. Ici encore, comme dans tous ses autres films, cet attachant comédien interprète un personnage héroïque, pulp, mais toutefois très humain, très accessible. Son capital sympathie est si fort qu’il parvient même à faire passer sans trop de mal les très naïves séquences romantiques, tout simplement en restant naturel. John Agar, c’est l’humilité personnifiée, un homme qui s’efface devant son rôle.
A coté de lui, de nombreuses valeurs sûres : Nestor Paiva, l’éternel second couteau ; Hugh Beaumont, un très bon acteur qui ressemblait peut-être trop à Stewart Granger pour devenir une star ; et Phil Chambers, un acteur expérimenté et polyvalent (moulticarte, dirait Leelo). Puis, si l’on jette un œil du coté des méchants, c’est Alan Napier, un homme de métier, doté d’un regard incisif, qui incarne le « vilain » de l’histoire, le prêtre d’Ishtar. Un personnage ambitieux et vil, qui n’hésite pas à sacrifier à la déesse du feu ses opposants politiques, des jolies brins de fille (le fou !)… et qui va bien entendu chercher à y jeter nos braves aventuriers. Bref, l’archétype parfait du méchant de la littérature pulp et des comics.
Mais s’il n’y a pas de film d’aventure héroïque sans danseuses exotiques (et elles sont bien présentes dans The Mole People !), il n’y en a pas non plus sans belle en détresse à sauver. Dans The Mole People, elle se nomme Adad (Da ?). Je pense que Mara Corday , Julie Adams ou Faith Domergue devaient probablement être indisponibles durant la période de production car c’est une inconnue, Cynthia Patrick, qui s’est vu confier le rôle de cette jeune servante dotée d’un pouvoir dont je n’ai absolument pas pigé l’origine (et pour cause, le scénario ne l’explique pas). Il n’y a d’ailleurs pas que ce détail qui me gène dans la construction du personnage, il y a aussi son comportement incohérent comme quand, arrivée à la surface, elle se jette carrément sous un éboulement. La cruche totale, quoi. A coté de cela, il est incontestable que la comédienne est très jolie, même si sa vue évoque plus les plages de Malibu que les contrées de Sumer.
Bon, reste à vous parler des monstres… enfin, des hommes-taupes. Là encore, du coté de l’Universal, on a vu mieux. L’on a même du mal à croire que ces ridicules panoplies, trop larges pour les figurants qui les endossent, soient l’œuvre de Bud Westmore, le créateur de L'Etrange Creature du lac noir et des mutants des Survivants de l'infini. A sa décharge, signalons que le budget n’est pas le même (environ 300,000 $ pour ce film et plus d’un million pour La Créature du Lac Noir). Mais, même en tenant compte de cela, les hommes-taupes de The Mole People figurent parmi les monstres les plus « craignos » (comme dirait Jean-Pierre Putters) de la compagnie de William Alland.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : Le peuple de l'enfer [1956]
The Mole People est un film mineur du catalogue SF de l’Universal. Véritable série B construite chichement, sans aucune autre ambition que de combler les espaces d’une double programmation, le film de Virgil W. Vogel (qui n’est ni Jack Arnold, ni Nathan Juran) est donc un gentil divertissement, assez drôle par moment, et qui, par son age et son intéressabt casting, se voit doté d’un bon capital sympathie.
On a aimé
- Un aspect kitch sympathique
- Une histoire divertissante
- Le casting
On a moins bien aimé
- Le scénario sans surprise
- Personnages stéréotypés
- Pauvreté des décors
- Les Hommes-Taupes
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