Critique La Créode et autres récits [2009]

"Il rugit. C'était le dernier jeu inventé par les jeunes Ouqdar. Peu d'entre eux arrivaient à reproduire toute la gamme des sons émis par leur animal fétiche. Damballah seul en maîtrisait toutes les modulations..."

Joëlle Wintrebert a publié sa première nouvelle en 1975 et son premier roman en 1980, Les olympiades truquées, récompensé seulement en 1988 par le prix Rosny Ainé. Ont suivi notamment en 1989 le grand prix de la SF (rebaptisé depuis grand prix de l'imaginaire) pour Le Créateur chimérique, novélisation de la nouvelle la créode et parue dès 1980. Dans La Créode et autres récits, publié aux éditions du Belial' sont rassemblées dix-neuf nouvelles qui couvrent en substance les trente et quelques années d'écriture de l'écrivain français.

Ce n'est donc pas par hasard que le recueil commence par la créode, après une introduction, habituelle pierre d'achoppement de ce genre d'ouvrage, très originale puisqu'elle liste toutes les oeuvres de notre auteur sous une forme inédite.
Depuis ses débuts, Joëlle Wintrebert est attachée à des thèmes que l'on retrouve largement ici.
Le premier et non des moindres est la femme, dans sa féminité, sa sensualité et aussi dans son antagonisme/opposition à son alter ego masculin. Il est par exemple question, dans la femme est l'avenir de l'homme, d'un monde futur sans homme où la violence et tout ce qu'elle implique seraient éradiqués. Ce serait un monde paisible mais probablement pas si amusant. L'utopie a ses limites. Dans Arthro aussi, les hommes ont le mauvais rôle. Au début, du moins.
Un autre thème qui revient aussi est celui des enfants et de l'enfance. Le verbiage du verbic décrit une expérience qui a pour but de laisser les enfants libres de s'éduquer eux-mêmes. S'il s'agit sur le fond d'une utopie, encore une, c'est sur la forme (le genre, fantastique) qu'elle réussit à captiver le lecteur. Le procédé est repris avec succès dans la nouvelle qui suit: il ne faut pas jouer avec les enfants. Aussi courte qu'efficace.
Après les femmes, les hommes et les enfants, l'écrivain aime s'aventurer dans les histoires où l'on peut manipuler biologie et génétique. Ainsi, la science fiction a ceci de jubilatoire qu'on peut imaginer un futur où l'immortalité (ou presque) est possible. Et cela grâce au clonage (pur esprit) ou grâce aux progrès de la médecine (qui sème le temps récolte la tempête). Ce qui ne laisse pas de poser des problèmes d'éthique intéressants.
Enfin, le dernier thème majeur de ce recueil est le contact entre l'homme et l'entité extra-terrestre, d'origine humaine ou non. Il est décliné sous la forme de planet opera (Arthro), ou bien résulte de la fusion de ce thème avec l'un des précédents, notamment dans Hydra, où l'avenir de l'homme est l'hydre, et Alien bise, une fantastique nouvelle fantastique inspirée par l'Alien de Ridley Scott où le parasite rend tout aussi paranoïaque en huis clôt.

Cette diversité et cette originalité montrent à quel point Joëlle Wintrebert se distingue dans l'imaginaire français.

Enfin, pour que l'ouvrage soit complet, il s'y trouve biographie, interview et postface par Alain Sprauel, Richard Comballot et Roland C. Wagner, en fin de volume.