Critique Vegas mytho [2010]

"Rome, Ve siècle après J.-C.

- Braves gens, partons!
Le patriarche contemplait la cité depuis le balcon de sa villa, une belle maison bâtie sur les hauteurs du Palatin. Devant lui s'étendait un océan de tuiles rouges. Les fumées d'incendies noircissaient le ciel. Et puis il y avait le bruit: cette rumeur cacophonique qui montait de la ville. Des suvages beuglaient à pleins poumons leurs chants de guerre. De riches Romaines hurlaient, pilonnées par des sexes puants de crasse..."

1956. La trentaine bien sonnée, Thomas Hanlon est l'un de ces paumés de Greenwich Village qui vivent au jour le jour. Il a juste eu le talent, un jour, d'écrire un recueil de poèmes qui a été publié, ce qui lui donne une certaine notoriété locale. Il profite de cette petite célébrité pour faire quelques lectures rémunérées, de quoi boire tout son saoûl et de ramener quelques demoiselles dans son lit. Ce soir-là, il fait la connaissance de la jeune Sofia Stamatis, une beauté antique. Il ne se doute pas qu'elle fait partie d'une famille de riches immigrés grecs qui se sont installés dans la ville qui ne dort jamais. Les amants ne tardent pas à s'envoler pour Vegas...

Alternant les productions littéraires pour adultes et pour la jeunesse, Christophe Lambert fait preuve d'une imagination sans limite.
Son credo: marier les thèmes et genres, et de préférence d'association improbable. Précédemment, il avait envoyé J. R. R. Tollkien en Birmanie (Le Commando des immortels), décrit l'invasion de Londres par les Zoulous (Zoulou Kingdom) et envoyé un historien joufflu en plein débarquement (La brèche). Vegas mytho, lui aussi édité dans la collection Rendez-vous ailleurs des éditions Fleuve noir, va en surprendre plus d'un.
Comme il l'écrit dans sa postface l'idée de ce dernier roman tient en deux mots: ""dieux mafieux".

La mythologie et les dieux sont une fois de plus l'idée centrale d'un roman, alors que 2009 nous avait gratifié de la réédition des récits de Roger Zelazny (Seigneurs de lumière), de l'univers millefeuille complètement barré d'Hal Duncan (Encre). Sauf que sous la plume de l'auteur français, la mythologie est une affaire un peu plus légère: son héros n'est en rien un être doté de superpouvoirs. C'est un homme commun et bourré de défauts qui s'embarque dans une histoire extraordinaire bien malgré lui.
On ne peut s'empêcher de penser aux dieux déchus d'American Gods, dont le background a un lien de parenté, mais c'est dans la forme que Vegas mytho se distingue de son lointain cousin. C'est bien plus facile à lire et on en vient plus vite à l'essentiel. Et pour une fois, on est content que le point de vue adopté par le narrateur soit étranger au cercle divin: on peut plus facilement s'identifier au personnage. Grossièrement, il construit son roman comme une sorte de reportage, en y glissant des pseudo documents d'archives (écoutes secrètes du FBI...) peut-être dispensables mais qui ajoutent un parfum d'authenticité dans cette période de paranoïa américaine.
Dans la colonne des bons points, on retiendra également les flashbacks se rapportant à divers évènements historiques tels que la chute de Rome, le naufrage du Titanic, la révolte du Caire... On s'y croirait.

Au final, Vegas mytho est un roman captivant et original.