Critique Chien du heaume #1 [2009]

"L'archer se nommait Manfred, et aujourd'hui il allait tuer une vieille femme. Une nourrice, plus exactement.
Elle était assise sur l'herbe du pré et jouait avec une enfant..."

On lui a donné quantité de noms et de surnoms et elle-même ne sait pas comment elle s'appelle. "Chien du Heaume" est celui qu'elle préfère mais aussi celui qui la résume le mieux. Venue d'on ne sait où, là où les batailles engageaient des mercenaires comme elle, son plus précieux bien est aussi son outil de travail, une magnifique hache de combat où sont gravés des serpents. Ses errements la poussent sur la piste de ses origines, et ce matin, elle est tombée sur un grand guerrier qu'on appelle Sanglier...

Si une bonne dizaine de ses nouvelles ont été publiées dans divers fanzines et anthologies depuis 2004, son premier recueil est paru en 2008 (et toujours, le bruit de l'orage). Il est suivi de la parution de son premier roman, chien du heaume, aux éditions Mnémos, fin 2009. Après sa lecture, il ne fait aucun doute que Justine Niogret ne s'arrêtera pas là.

Les femmes guerrières, dans le medieval fantastique ne sont pas légion. La plus charismatique reste Cendres (La Guerrière Oubliée et ses suites). Mais contrairement à Cendres, ce qui caractérise Chien du heaume, c'est que, d'une, ce n'est pas une beauté, plutôt enrobée et courte sur pattes, et deux, ce n'est pas un chef, même si cela ne l'a pas empêchée de mener des troupes de temps à autre. Héroïne atypique s'il en est, elle n'a qu'une préoccupation, plutôt une obsession, celle de retrouver son bien le plus cher: son nom.

"Un nom fait toute la différence, parce que tout ce qui a de l'importance, sur cette terre, en porte un. [...] Je n'ai pas de nom et je ne suis personne. Je suis comme cette chanson dont on oublie chaque jour un peu plus le commencement; on ne marmonne plus que le refrain, encore et encore, puis même l'air disparaît."

Si dans ses mots, on sent une certaine fragilité, un certain désespoir, dans les actes, c'est une redoutable guerrière, obligée de se surpasser dans ce monde de brutes crasses. Par bien des côtés, c'est un personnage touchant, parfois avare de paroles mais dotée d'une énorme volonté. Elle a la chance de rencontrer un homme généreux, le chef d'un castel, et d'un forgeron, au visage mutilé. Ces deux là vont en quelque sorte la prendre sous leur aile.
Sous la plume de l'auteur, l'histoire assez commune du héros en quête d'identité, prend une autre tournure. Non seulement elle humanise son personnage, mais elle lui donne corps, spécialement aux moments clés de la trame historique. Ce réalisme, elle en a d'ailleurs besoin dans son univers pauvre en magie et en paranormal. Point de dragons ou de sorciers ici.

Sur la forme, le roman n'est pas exempt de défauts. On y lit une langue hybride moyenâgeuse, qui manque de jurons pour qu'on y croit vraiment. Apparaissent et disparaissent aussi des personnages quasi inutiles, et l'histoire aurait gagné en élargissant l'espace où Chien évolue. Enfin, si le début suit une trame temporelle plutôt lente, la fin est moins cohérente avec le reste de l'histoire.