Critique Le Fleuve des dieux [2010]

Avis critique rédigé par Manu B. le mercredi 14 juillet 2010 à 16h53

Génération 3

"Le corps pivote dans le courant. A l'endroit où le nouveau pont traverse le Gangâ en cinq enjambées de béton, des guirlandes de branches et de plastique s'accrochent aux piliers tels des radeaux de détritus flottants..."

2047 en Inde, les frontières ont changé, les mentalités aussi. La technologie permet aussi de faire tomber les barrières du possible et l'on entend parler de ces jeunes qui ont renoncés à leur appartenance naturelle à un genre. Ils ne sont plus ni hommes ni femmes, mais neutres. Au nord la tension monte entre deux des nouveaux états en raison d'une sécheresse persistante. Or, le barrage sur le Gange en amont  privent les populations au delà de l'eau pour simplement survivre. Une guerre psychologique entre l'Awadh et le Bharat autour du barrage de Kunda Khadar envenime encore l'atmosphère sèche et lourde, tandis qu'une rumeur se répand, selon laquelle des IA de génération 3 s'organisent en secret...

Le Fleuve des dieux est le sixième roman traduit et publié en France, après desolation road, état de rêve, nécroville et Brasyl. Il est publié, comme Roi du matin, reine du jour (récemment récompensé du Grand Prix de l'Imaginaire, meilleur roman étranger), aux éditions Denoel. L'auteur est natif d'Angleterre, né de parents écossais et irlandais, et vivant à Belfast. Pas étonnant qu'il excelle à décrire le choc de cultures a priori incompatibles (Sacrifice of fools).

L'Inde, dans ce qu'elle a de plus grand, de plus raffiné, n'est plus. Le Gange qui unissait ce grand pays est maintenant la source de ce qui le divise, particulièrement au nord où les anciens états avant le Raj britannique se sont reformés (Awadh, Bengale). A la partition géographique s'ajoute la dimension religieuse où les musulmans, les hindouistes de Brahma et de Vishnu doivent cohabiter. D'autres populations y vivent, mais cachées: les neutres, êtres sexués qui se sont débarrassés de leurs organes sexuels, et les IA les plus évoluées, qui doivent fuir les lois internationales qui visent à en limiter les capacités.
Dans ce contexte assez tendu, Ian McDonald nous propose de suivre l'existence de personnages aux tempéraments et horizons complètement hétérogènes. Il y a dans le désordre l'un des hauts fonctionnaires du ministère de la Régulation et d'Autorisation des IA, sa femme accro au célèbre soap Town and Country, le conseiller du Premier Ministre, une jeune journaliste sur point d'avoir le scoop du siècle, un ancien professeur théoricien et philosophe dans le domaine de la vie-A des IA, la créatrice de la cyberplanète Alterre, un agent de la Pègre locale, un neutre et le fils de l'une des plus grandes sociétés de production électrique du pays.

Le Fleuve des dieux est un de ces grands romans, ces livres d'anticipation aux parfums prophétiques. A la fois sur le plan sociétal (à comparer à Tous à Zanzibar) que dans le domaine scientifique, à savoir une hypothétique singularité (comme Rainbows end ou accelerando). Ce roman ouvre notamment des champs de réflexion très intéressants quant aux futures IA. On est loin des oeuvres où les méchantes IA exterminent ou asservissent les hommes. C'est un roman ambitieux. Vraiment très ambitieux et tellement bien écrit !

La conclusion de à propos du Roman : Le Fleuve des dieux [2010]

Auteur Manu B.
85

Le Fleuve des dieux est riche et complexe dans les domaines aussi bien sociaux que scientifiques. Ian McDonald se hisse avec ce roman au même niveau que les auteurs tels que John Brunner et Vernor Vinge. Une réussite.

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