Critique The Spirit [2008]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le mercredi 11 août 2010 à 20h14
Quand un génie du crayon s'emmêle les pinceaux
Flic abattu en service, Denny Colt est revenu à la vie, pour une raison qu'il ignore. Devenu un invulnérable super héros, sous le pseudo de The Spirit, il travaille désormais en étroite collaboration avec les forces de police de la ville. Leurs principaux adversaires sont le puissant et mystérieux Octopus, véritable Némésis de The Spirit, et Silken Floss, son assistante sadique, tous deux leaders d'un gang de malfaiteurs particulièrement coriaces (et très cons). La lutte entre ces deux partis, véritables métaphores du Bien est du Mal, marque de son rythme, tel un métronome, l'histoire de Central City... Jusqu'au jour où cet équilibre est brisé par l'arrivée en ville de Sand Saref, une célèbre cambrioleuse spécialisée dans le vol d'œuvres d'art.
Fort du succès (mérité) de Sin City, Frank Miller récupère avec The Spirit les concepts narratifs et cosmétiques qui avaient en grande partie fait la réussite de son précédent film. Toujours basé sur un comic book (un grand classique de Will Eisner), The Spirit repose sur un brassage de deux univers: le film noir hardboiled évoquant Raymond Chandler, Dashiell Hammett et consorts et la dark fantasy urbaine à base super héros - actuellement très en vogue. Le personnage central du récit est donc un taciturne détective au chapeau feutre, un séducteur macho et cynique évoluant dans un monde fait de braves policiers bourrus, de jolies secrétaires, de femmes fatales et de gangsters sans scrupules, le tout étant plongé dans un environnement urbain sombre, glauque et dépressif se rapprochant assez de celui de The Crow et Spawn ou, pour citer des comparatifs plus récents, Watchmen.
Il y a cependant une grosse différence entre The Spirit et tous ces films dépressifs, stigmates de la désintégration du rêve américain. The Spirit est une comédie. Une comédie noire, certes, mais une pure comédie tout de même. Univers de cartoon, situations absurdes et gags potaches, voix off dont le sérieux n'est absolument pas en phase avec la narration et bastons ubuesques sont donc les principaux éléments d'un métrage qui, sans prendre soin d'arrondir les angles, accumule les douloureux affrontements thématiques nés de l'esprit d'un artiste cultivant le paradoxe, la mise en abîme tordue, adepte de la radicalisation et du hors norme. Hors, force est d'admettre que ce qui fonctionne sur le papier ne marche pas forcément dans un film, surtout si la substantifique moelle de la mythologie originelle a subit un charcutage en règle (Frank Miller a énormément modifié l'univers kitch du comic book). Au final, si conceptuellement la démarche peut sembler intéressante, la principale conséquence d'une telle anarchie est que le spectateur ne sait plus sur quel pied danser (et ne parlons pas du fan de la franchise, totalement désorienté). Déjà bien éprouvée par la nature inepte de l'intrigue, la dramaturgie s'écroule alors totalement, cédant la place au loufoque, et le personnage de The Spirit passe du statut d'un Dick Tracy fantasy à celui de grotesque caricature cartoonesque.
Malgré tout, la recette, aussi casse-gueule et indigeste soit-elle, aurait pu marcher. Nombre de gags sont en effet amusants et il est évident que les comédiens s'amusent bien à parodier tous ces clichés de film noir, dans un pur esprit pulp. Mais pour ce faire, il aurait fallu que Frank Miller s'appuie sur autre chose que sur ce scénario totalement nul, brouillon et d'une affligeante linéarité. Car si le fil du récit de manque pas de petits éléments décoratifs divertissant (comme les clon"os" débiles créés par Octopus... et les fesses d'Eva Mendes), l'histoire développée dans The Spirit est d'une désolante banalité et, à aucun moment, le métrage ne parvient à éveiller l'attention d'un spectateur qui doit se contenter d'admirer de jolies images et de magnifiques actrices.
Car c'est bien là finalement que se situe le problème: Frank Miller a misé toute l'efficacité de son film sur son unique aspect visuel. Et c'est vrai, qu'esthétiquement parlant, The Spirit nous en met plein la vue avec de magnifiques images qui mettent en valeur le génie graphique du dessinateur et les plastiques parfaites d'Eva Mendes (qui n'a jamais été aussi belle) et Scarlett Johansson. Les décors de la ville sont absolument magnifiques et certaines séquences (comme celles qui présentent des plans sous-marins) sont un véritable régal pour les yeux. C'est beau, c'est vrai. C'est même souvent superbe et la belle musique de David Newman rend l'ensemble encore plus majestueux. Oui, mais voilà, depuis Sin City et 300, le public n'est plus étonné par ce rendu artificiel ultra léché et un film ne peut plus, aujourd'hui, s'appuyer sur ce seul aspect pour séduire son audience.
Parlons ensuite un peu du casting car là encore se situent des discordances très gênantes. Tout d'abord, il est étrange de constater que si Gabriel Macht incarne le personnage principal du film, il se fait voler la vedette par ses pairs et notamment par le trio Samuel L. Jackson, Eva Mendes et Scarlett Johansson. Non seulement le personnage de The Spirit, créé au début des années 40, sonne un peu vintage (on pense un peu au Phantom et à The Shadow) donc un peu trop lisse mais, de plus, le comédien est aussi charismatique qu'une huitre. Les torts sont donc à partager entre un Frank Miller ayant abandonné l'intéressant personnage de loser créé par Eisner pour dessiner ce nouveau profil et Gabriel Macht, qui n'a pas du tout l'envergure nécessaire pour interpréter un tel personnage. Au final, The Spirit est un super héros nul. Mais est-ce que, finalement, l'on y perd vraiment au change?
Pas si sûr, car, ayant la voie laissée libre par un héros masculin transparent, les femmes habitant le film envahissent petit à petit l'écran pour finalement s'emparer du métrage et, telles de magnifiques panthères tenant leurs proies dans leurs griffes, ne plus le lâcher. Frank Miller qui, inspiré par leurs courbes et leur magnétisme hypnotique, cultive à la fois les mythes de la femme fatale, de l'aventurière moderne et de la dominatrice. Au final, Eva Mendes, Scarlett Johansson et, dans une moindre mesure, Jaime King, Sarah Paulson et Stana Katic finissent par devenir les véritables personnages "forts" du récit, faisant presque de The Spirit un film féministe (les comportements réacs et machistes présents n'ont aucun impact, étant donné qu'ils émanent de personnages masculins sans relief, mis en position d'infériorité).
Puis, il y a le cas Samuel L. Jackson et le personnage d'Octopus. En fait, il n'y a pas grand chose à reprocher à ce grand comédien. L'homme a beaucoup d'humour, on le sait, et dévoile souvent une grande facilité à s'approprier un personnage, aussi décalé soit-il (rappelez-vous Pulp Fiction). Mais trop, c'est trop, et dans le cas de The Spirit, qui entraine l'acteur sur le sentier de la démesure burlesque, la frontière entre l'efficacité comique et le ridicule est franchie. Certaines séquence mettant en scène Octopus sont drôles, c'est vrai, mais lorsque l'on rit plus par l'ubuesque de la situation (amené par un script bordélique, voire sans queue ni tête) et la nullité des dialogues que par la construction d'un véritable rythme comique, on en peut pas vraiment appeler ça une belle performance. Reste que Samuel L. Jackson, en grand monsieur, assume et coule avec le navire.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : The Spirit [2008]
Avec son somptueux aspect visuel et son intrigue rachitique, The Spirit fait l'effet d'une magnifique coquille vide. Oh, Frank Miller a bien pris soin de la bourrer de nombreux petits artifices comiques destinés à masquer la misère du scénario et amuser la galerie mais rien n'y fait, The Spirit est un navet en robe de mariée. Reste Eva Mendès, divinement belle...
On a aimé
- Un aspect visuel très soigné
- Un casting féminin séduisant
- Quelques bons gags
On a moins bien aimé
- Un héros sans relief
- Un scénario indigent
- Une réalisation manquant de cohérence
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