Critique Cyberabad days [2013]
Avis critique rédigé par Manu B. le dimanche 5 décembre 2010 à 11h02
Retour à Vârânacî (import)
Le Fleuve des dieux n'avait pas donc livré tous les secrets de cette Inde futuriste. Ian McDonald revient quelques années avant la crise du barrage de Kunda Khadar.
A travers six nouvelles et une novella (inédite), l'auteur britannique permet au lecteur de mieux comprendre les mécanismes sociaux, économiques et culturels qui ont découlés de la partition de l'Inde qu'on connaît ensuite dans le roman.
Sont donc présentes dans ce recueil de nouvelles qui sera publié aux éditions Denoël coll. Lunes d'encre en 2013: Sanjeev and Robotwallah, Kyle Meets the River, The Dust Assassin, An Eligible Boy, The Little Goddess, The Djin's Wife et Vishnu at the Cat Circus.
Si chronologiquement, les nouvelles ont été écrites et se déroulent à des périodes différentes, elles ont pour point commun de ne mettre quasiment en situation que des enfants ou de jeunes adultes.
Sanjeev and the Robotwallah est l'histoire du jeune Sanjeev qui se lie d'amitié avec d'autres garçons qui se révèlent être des conducteurs de robots, pendant la guerre. Si l'impression est ludique, les jeunes ont conscience que le jeu peut leur rapporter gros. Et l'argent leur apporte une certaine indépendance. Mais la fin de la guerre change dramatiquement la donne et le statut des enfants.
Dans Kyle meets the river, Ian McDonald nous parle du choc des civilisations. Kyle est le fils d'un haut responsable travaillant à la reconstruction du pays, après la guerre. Mais Kyle est coincé dans la zone de cantonnement pour des raisons de sécurité, ce qui fait qu'il n'a aucun moyen de voir ce qu'il se passe réellement en ville, parmi la population. Son ami Salim est indien et habite en ville. Tous les deux, ils passent du temps à jouer au jeu de simulation Alterre. Or il y a une différence entre le monde virtuel, le monde de Kyle et celui de Salim. Ce dernier décide de lui montrer laquelle. C'est une jolie nouvelle et une plongée au coeur de la ville indienne.
L'autre point commun à toutes les nouvelles est leur dénouement dramatique.
The dust assassin est l'histoire de cette petite fille qui appartient à une grande Maison. Padmini est l'héritière de la Maison Jodhra, en concurrence avec d'autre Maisons et en particulier la Maison Azad. Mais Padmini n'a pas peur. Son père lui a toujours répété qu'elle était une arme. Elle n'est donc pas effrayée lorsque sa Maison est attaquée par les Azads: elle est une arme, elle doit combattre, elle doit défendre. Elle doit pourtant s'enfuir pour être recueillie par un groupe de nutes, sans avoir pu défendre qui que ce soit. Son monde s'écroule jusqu'à ce que Salim Azad la retrouve. C'est la plus nouvelle du recueil, celle qui évoque le plus d'émotion.
An Eligible boy joue sur un autre registre: celui des médias. Jasbir vient de se payer une belle gueule à coup de chirurgie esthétique. Cela va lui permettre de pouvoir flirter avec quelques filles de bonne famille et lui assurer un avenir tranquille dans cette ville où il y a beaucoup moins de femmes que d'hommes. Pour cela, il fait appel à un coach qui lui donne tous les conseils pendant les rendez-vous. La réalité s'avère moins glamour. C'est ce qu'on appelle une nouvelle à chute. Si la nouvelle paraît un peu kitsch et ennuyeuse, vous serez frappés par la fin.
Les trois derniers textes ont en commun de revenir sur la notion d'aeias (les IA évoluées).
La nouvelle The little goddess pourrait être résumée par grandeur et décadence. C'est l'histoire de cette jeune fille qui est désignée déesse car elle en a les nombreuses caractéristiques physiques et mentales. Mais être déesse et être vénérée a ses inconvénients. Elle ne connaît pas grand chose du monde extérieure, enfermée dans sa tour d'ivoire. L'une de ses servantes et tutrices lui donne secrètement une IA personnelle pour pouvoir le comprendre. Or un dramatique incident la fait un jour chuter de son piédestal. Elle doit redevenir une inconnue. Elle n'est plus personne. S'ensuit une lente remontée parsemée d'embûches. Ian McDonald revient sur le conflit du Fleuve des dieux entre les IA de génération 3 et la police qui les pourchasse.
The Djiin's wife est inspiré par Idoru qui racontait l'histoire d'une rock star épousant une femme virtuelle. Sauf qu'ici ça se déroule dans l'Inde futuriste où les IA ne sont pas la bienvenue dans certains états et pourchassées par la police Krishna. Evidemment, si le début de l'histoire d'amour commence bien, la suite s'avère plus compliquée pour la jeune danseuse et épouse de l'aeia. L'amour est souvent exclusif et l'amante ne supporte pas de partager son IA avec d'autres.
Enfin, le recueil se finit avec la novella Vishnu at the Cat Circus. C'est aussi un formidable complément au Fleuve des dieux. C'est l'histoire de Vishnu, un des fameux enfants Brahmin. Dans ce texte que l'auteur développe ce concept à peine esquissé dans le roman. De plus, la novella couvre les évènements qui se sont déroulés avant, pendant et après la crise du barrage de Kunda Khadar. Tout s'éclaire. On y comprend mieux la singularité technologique qui a lieu à la fin du roman. Ian McDonald y développe des choses intéressantes aussi sur la nanotechnologie et le concept de noosphère (ou d'infosphère). C'est un texte vertigineux sur les aspects économiques, sociaux et religieux liés aux progrès technologiques.
La conclusion de Manu B. à propos du Recueil de nouvelles : Cyberabad days [2013]
Chaque nouvelle est une plongée vertigineuse dans la société tentaculaire indienne. Ian McDonald, qui admettait avoir beaucoup à dire sur cette Inde futuriste, complète admirablement son roman Le Fleuve des dieux et lui donne une dimension supplémentaire.
Ce retour comblera ceux qui avaient aimé la précédente immersion, l'émotion en plus. C'est à n'en pas douter un recueil indispensable.
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