Critique Apollo 18 [2011]
Avis critique rédigé par Jonathan C. le jeudi 6 octobre 2011 à 23h49
"Houston, nous avons encore un problème"
Les fantômes de l’asile abandonné de Grave Encounters, le SDF mutant (?) du trop bavard The Tunnel, les extraterrestres kidnappeurs du bancal Phénomènes Paranormaux, les rites sataniques du grotesque Dernier exorcisme, les trolls du jouissif et décomplexé Troll Hunter, le serial-killer du sordide The Poughkeepsie Tapes (une démarcation du film de serial-killer), les jardins hantés du peu captivant Atrocious…Peu avant la sortie de Paranormal Activity 3, la tendance (initiée par le classique Projet Blair Witch et justement relancée avec le premier Paranormal Activity) des fake-film-footage d’épouvante (ou « found footage ») va jusqu’à s’exporter sur la lune. « Paranormal Activity sur la lune », clame l’affiche, et il faut bien avouer que c’est un peu ça qui ressort de ce film de l’espagnol Gonzalo Lopez Gallego (Les Proies) produit par le russe Timur Bekmambetov (réalisateur de Wanted et Night watch).
Apollo 18 part d’un fait réel : l’annulation, le 2 septembre 1970, des missions Apollo 18 et Apollo 19 suite à la décision du congrès de limiter le budget alloué à la NASA pour l'année 1971. Comme d’habitude dans le genre, l’introduction solennelle prévient qu’il s’agit là d’images top secrète retrouvées, montées et enfin montrées au grand jour, disponibles aussi sur un site internet (ils donnent même le lien). Comme d’habitude encore, le projet se repose grandement sur un buzz calculé savamment mit en place, par exemple via ce site proposant des documents top secret : http://apollo18movie.net/cosmonauts/ ou encore cette fausse page censurée : http://lunartruth.org/ (une fois sur cette page, cliquez sur le petit point blanc en bas à droite, histoire de prolonger l’exploration). Dans cette volonté purement marketing de brouiller réalité et fiction, Bob Weinstein pour Dimension Films (qui, soit dit en passant, a interdit la moindre projection presse, soit pour éviter les mauvaises critiques anti-commerciales soit pour conserver le mystère du film jusqu'à sa sortie) aurait même affirmé dans un communiqué de presse que le producteur Timur Bekmambetov avait retrouvé de vraies images de la mission Apollo 18 et les avait intégré dans son film, ce que la NASA a évidemment démenti, affirmant par ailleurs au Los Angeles Times que cette mission n’a jamais eu lieu et que ce film « n’est pas un documentaire mais un film de fiction, ce que nous avons toujours su ». La NASA ajoute : « Nous avons très peu participé à ce film. Nous n’avons jamais même vu un premier montage. L’idée de dépeindre la mission Apollo 18 comme authentique est tout simplement un stratagème de marketing. Une stratégie à la Blair Witch Project pour générer l’intérêt. »
La même année que Transformers 3, le pitch d’Apollo 18 revisite l’Histoire du voyage sur la lune, dont la face cachée abriterait une forme de vie extraterrestre (ce qui, selon les scientifiques, est impossible), d’où l’envoie par le gouvernement d’une navette officieuse derrière l’Histoire officielle (exactement comme au début de Transformers 3), qui s’arrête à Apollo 17 en 1972. Cette navette confidentielle, c’est donc Apollo 18, officiellement « annulée pour des raisons budgétaires » mais bel et bien en cours de mission. Trois astronautes (des personnages fictifs) se posent ainsi sur la lune pour y fixer du matériel d’analyse (caméras, détecteurs de mouvement, micros…), mais ils vont découvrir qu’ils ne sont pas seuls sur la lune et que le gouvernement leur a caché le réel objectif de la mission….
L’idée de départ (et sa finalité) n’est pas si absurde que ça, fonctionnant beaucoup sur l’hypothétique « Et pourquoi pas ? ». Cette découverte fatale serait la raison pour laquelle plus aucun homme n’est (officiellement) ensuite retourné sur la lune, car la question se pose toujours (de nouveaux voyages sont cependant prévus vers 2020-2030). Les fausses (et quelques vraies) images d’archives ainsi que l’interprétation de Warren Christie (vu dans plusieurs séries dont L World, Battlestar Galactica, True Justice avec Steven Seagal et Alphas) et de Lloyd Owen (le père d’Indiana Jones dans Les Aventures du jeune Indiana Jones) sonnent plutôt justes et crédibilisent le propos, réalisme renforcé par une reconstitution minimaliste mais plausible de la navette, du matériel scientifique et de la lune (le film est entièrement tourné à Vancouver, au Canada). Lorsque les deux astronautes font un tour sur la lune : on y croit, surtout quand le réalisateur filme quelques plans larges lunaires qui ont de la gueule et parviennent à créer un sentiment de grandeur et en même temps d'oppression, donc le sentiment du vide. La crédibilité de cette reconstitution fauchée en studio aura même remit sur le tapis la théorie (en partie relatée dans le visionnaire Capricorn One de Peter Hyams) selon laquelle les américains ne seraient jamais allés sur la lune et auraient tout inventé. Avec Apollo 18, le réalisateur (dont c’est le premier film américain), parfaitement conscient des thèses de complots politiques (très présentes au début des années 70), veut la jouer subversif, livre une description beaucoup moins glorieuse de la NASA et du voyage sur la lune, et vise les mensonges d’un gouvernement (l’un des personnages cite le Watergate, alors encore tout récent) qui envoie ses héros à une mort certaine. The Tunnel et The Troll Hunter avaient déjà fait le coup du secret gouvernemental. Ayant plus de choses à dire qu’un vulgaire tâcheron opportuniste, Gonzalo Lopez-Gallego évoque aussi la course dans l’aventure spatiale entre américains et russes (il case inévitablement dans ses archives un bout de discours de Kennedy) et dénonce, à travers son discours final (SPOILER des pierres de lune extraterrestre distribuées partout dans le monde, l'annonce d'une invasion ? FIN SPOILER), la dangerosité des recherches scientifiques de l’Homme quand il se prend pour Dieu.
Pas inintéressant, Apollo 18 est cependant beaucoup moins efficace quand il s’agit de flanquer la trouille. La peur se noie dans un montage bordélique (normal, avec le turbulent Bekmambetov à la production…) qui multiplie les images de divers appareils, les angles de prise de vue, les sautes d’image, etc. Dans des films comme Le Projet Blair Witch ou Paranormal Activity, la peur nait du plan-séquence, qui renforce l’immersion et le réalisme (ne pas couper, c’est ne pas truquer). Ici, tout est trop découpé et épars pour créer l’effroi en continue ou le moindre sentiment de claustrophobie (il y avait pourtant de quoi faire). En revanche la tension amenée par le rythme frénétique du montage devient très efficace sur la fin (les dernières minutes sont bien nerveuses), et le cinéaste nous épargne les traditionnelles fausses interviews (qui plombaient notamment The Tunnel et Phénomènes Paranormaux). Mais seules de rares séquences, principalement les sorties extérieures (cf. la descente dans le cratère sombre qui exploite l’idée vue et revue mais toujours imparable du flash dans le noir pour se repérer), font réellement peur et instaurent un sentiment d’angoisse palpable, notamment lorsque les deux astronautes se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls sur la lune (les traces de pas, le cadavre d’un astronaute russe, le matériel déplacé, le drapeau déchiré, etc.). Si les monstres sont le plus souvent furtifs, une poignée de plans s’attardent plus que de raison sur eux et révèlent ainsi leur constitution numérique ; ils sont bien faits, mais numériques. C’est tout le paradoxe d’Apollo 18 : c’est trop bien fait pour qu’on se laisse avoir. Le montage est même presque trop travaillé et calculé (c'est un chaos organisé) pour faire film d’archives, malgré le travail (rudimentaire mais là aussi bien fait) sur le vieillissement de l’image et sur les différentes sources d'images. Apollo 18 devait d’abord être réalisé par Trevor Cawood, un expert des effets visuels (notamment ceux des deux suites de Matrix), ce qui indique que le travail sur l’image était d’une importance capitale dans le projet, alors qu'il est souvent négligé dans le genre du found footage. Avec un budget réduit, Apollo 18 ne peut forcément pas faire dans le spectaculaire d'un Apollo 13, mais il ne donne pas non plus l'impression d'être fauché ou amateur (c'est peut-être ça le problème, d'ailleurs)...
Pour le reste, tout ce qu’il se passe dans Apollo 18 (qui est un peu une version lunaire du médiocre Planète Rouge avec Val Kilmer) est relativement classique voire prévisible et pourrait tout aussi bien être le sujet d’une série B de science-fiction à moindre budget : une lune menaçante dont les pierres cachent d’étranges bestioles arachnides extraterrestres qui prennent possession des corps humains (un petit air d’Intrusion avec Johnny Depp, mais aussi bien sûr d’Alien et de The Thing, inévitables sources d'inspiration d'Apollo 18) et les contaminent d’un mal dangereux (l’un des deux astronautes devient donc très inquiétant voire fou), ça aurait pu donner un angoissant film de monstre ou un efficace huis-clos spatial, ce qu’est en (petite) partie Apollo 18 (que le réalisateur définit comme un « crossover entre Alien et Paranormal Activity »), hélas bouffé par cette tendance du film de found footage sur laquelle les producteurs misent énormément puisque ça ne coute rien et ça rapporte beaucoup. Ces films sont systématiquement largement rentabilisés : ainsi pour un budget de 5 millions de dollars (ce qui, à coté des 60 000 de $ du Projet Blair Witch et des 15 000 $ de Paranormal Activity, est relativement élevé, un coût justifié tout de même par le contexte qui nécessite un minimum de reconstitution), Apollo 18 en rapporte facilement 25 millions, malgré une date de sortie sans cesse repoussée (de quoi alimenter un certain buzz). Tant que ça marche, pourquoi arrêter ?
La conclusion de Jonathan C. à propos du Film : Apollo 18 [2011]
En dehors de son point de départ aguicheur, de son propos légèrement subversif (le film relance quelques théories et questions intéressantes) et de son mélange d’horreur et de science-fiction dans une intrigue de secrets gouvernementaux, Apollo 18 n’a rien d’original, exploite la même recette que ses prédécesseurs et ne se démarque pas de la masse du genre found footage si tendance depuis Le Projet Blair Witch puis Paranormal Activity. Une telle histoire aurait fait une bonne série B classique, mais dans le registre du found footage le réalisateur des Les Proies peine à créer le grand frisson, la faute à un montage trop foisonnant et à un surplus d’images. Il réussit cependant quelques séquences (les sorties sur la lune) indépendamment du reste. En attendant le Area 51 d’Oren Peli (le réalisateur de Paranormal Activity), Apollo 18 devrait satisfaire les adeptes du genre et des mystères spatiaux et extraterrestres…
On a aimé
- Une idée intéressante
- Une reconstitution crédible
- Quelques brèves frayeurs
- Un sujet à débat
On a moins bien aimé
- Pas de tension continue
- Montage chaotique, trop d'images
- Toujours la même chose
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