Critique Livide [2011]
Avis critique rédigé par Richard B. le samedi 12 novembre 2011 à 14h49
Y a-t-il des personnes qui lisent les scénarios ?
A l'intérieur, de Julien Maury et Alexandre Bustillo (ainsi qu’un certain Haute Tension d'Alexandre Aja), avait redonné du "peps " à un cinéma de genre français moribond. Depuis, plusieurs films de genre (souvent extrêmes) ont vu le jour. Affichant des niveaux de qualité assez diverses (du très réussi Vertige à l’assez catastrophique Humains), aucun n'a pour autant réussi à trouver son public (on se rappelle du temps où le pourtant mauvais "Promenons-nous dans les Bois" avait presque atteint les 700 000 entrées). Cependant, suite à la belle réussite que fut A l'intérieur, l’on mis beaucoup d'espoir sur Livide. Il fallait que ce dernier redonne de l'énergie à un type de cinéma qui laisse de plus en plus froid producteurs et investisseurs. En choisissant d’exploiter le secteur, assez en vogue, des vampires, les deux réalisateurs encourageaient notre optimisme et nous laissaient espérer un film de grande qualité qui, ainsi, aurait pu séduire un plus large public. Hélas, la déception est amplement au rendez-vous.
Livide installe son cadre du côté de la Bretagne, un jour d'Halloween. Julien Maury et Alexandre Bustillo, après quelques plans autour de différentes affiches portant sur des disparitions, nous invitent à faire la rencontre de Lucie Clavel (Chloé Coulloud). Lucie est une jeune fille apparaissant comme calme et plutôt studieuse. Issue d'une famille modeste - surtout depuis la mort de sa mère -, elle suit un stage d'infirmière au côté d'une certaine madame Wilson (Catherine Jacob). Toutes deux vont se rendre jusque dans une maison isolée afin d’apporter des soins à Deborah Jessel (Marie-Claude Pietragalla). Désormais dans le coma, elle fut par le passé un brillant professeur de danse classique. Sur place, Lucie apprend de Wilson que la vieille femme cacherait dans sa résidence un immense trésor. Le soir même, cette dernière raconte cette histoire à son ami William (Félix Moati) qui, dès lors, va tout faire pour persuader Lucie de retourner à ses côtés afin de voler le fameux "trésor ".
Étant amateurs de cinéma fantastique, genre trop peu répandu dans nos contrées (alors qu'historiquement, nous pouvons nous vanter d'avoir inauguré ce genre avec Mélies), Livide s'inscrit dans un cinéma que nous aimons à défendre et soutenir. De plus, ses réalisateurs ne laissent pas indifférents. Julien Maury et Alexandre Bustillo sont de vrais passionnés et cinéphiles, et leur premier film,A l'intérieur, malgré de très légers défauts, fut un bel exemple de réussite. Tout était donc là pour mettre médias et public en confiance. D'un côté, nous avions de fins connaisseurs, de l'autre, des personnes qui avaient désormais passé le cap du premier film et s'en étaient plutôt bien tirés. Pourtant, à notre grande surprise, comme nous le verrons, tout ce qui pouvait apparaître comme de légères maladresses sur "A l'intérieur " se trouve ici grandement - voir extrêmement - accentué et toutes les qualités entrevues dans leur précédent film semblent, à l'inverse, avoir beaucoup perdues.
Le premier des problèmes, et le plus préjudiciable, se situe dans l'écriture. Pas uniquement dans le contenu de l’intrigue, mais aussi des dialogues. Une des réussites de Julien Maury et Alexandre Bustillo sur "A l'intérieur " était d’être parvenu à nous intéresser, voire nous émouvoir, avec des personnages à la base antipathiques (les actrices y étaient peut-être aussi pour beaucoup). Dans Livide, rien n’y fait, on reste en permanence indifférent sur le sort de tous les protagonistes de l'histoire. Alors qu'en cinq minutes certains réalisateurs, et scénaristes, arrivent par leur qualité d'écriture et de mise en image à nous présenter un personnage avec subtilité, Julien Maury et Alexandre Bustillo insistent lourdement sur chacune de leurs informations. Ainsi, des explications qui nous sont fournies par l'image se retrouvent également dans les textes, parfois à plusieurs reprises, prenant le spectateur pour un véritable demeuré, insinuant que ce dernier est incapable de cerner dès la première indication le profil des personnages. Qui finissent par devenir agaçants. Par exemple, il y a ce plan où la caméra se pose de nombreuses secondes sur les yeux de Chloé Coulloud afin que l’on saisisse bien qu’ils sont de couleurs différentes. Ensuite, comme si l’on avait pas encore compris ce fait, nous avons une Catherine Jacob qui s'exclame que la jeune fille possède des yeux hétérochromes et nous sort toute une définition du mot, comme si elle avait un dictionnaire sous les yeux et qu'elle nous en faisait la lecture. Cette séquence est une parfaite représentation de multiples autres passages du film.
En sus de ce défaut d'écriture déjà bien dérangeant, Julien Maury et Alexandre Bustillo se dispersent dans de multiples directions. Le fait que ces derniers aient travaillé sur Hellraiser ou Halloween est fortement visible, et on sent bien que certains passages pourraient être des pièces rapportées de ces précédents travaux qui n’ont malheureusement jamais vu le jour. En ce qui concerne Halloween, cela apparaît d'autant plus qu’on trouve même dans Livide une référence musicale, lors d’une séquence à suspense, qui dure une bonne trentaine de secondes. Les références, voulues ou non, ne s'arrêtent pas à ces deux films et on pense constamment à Cronos de Guillermo Del Toro, Suspiria de Dario Argento, Amityville de Stuart Rosenberg, Prince des Ténèbres de John Carpenter, Dark City d'Alex Proyas et même à Dead Silence de James Wan. Certes, le fait que l'on aime ce cinéma et que l'on voit et découvre quotidiennement des films amène forcément tout réalisateur à être influencé, mais encore faut-il que ces réalisateurs digèrent ces références, ou s'en servent avec parcimonie, et dans l’unique intérêt de leur métrage. Or, dans le cas de Livide, les références semblent amener le film vers quelque chose d'autre, un peu comme si Julien Maury et Alexandre Bustillo étaient indécis dans ce qu'ils voulaient nous raconter et avaient pour principale intention de placer toutes les images fortes qu'ils avaient en tête. Ainsi, il n’est pas rare de voir dans Livide des séquences - parfois superbes d’ailleurs - ne servant narrativement à rien, et semblant n’être là que pour l'amusement. Si la démarche n’avait pas été systématique (comme dans A l'intérieur, avec son « trip » Zombi), elle aurait pu passer, mais ici elle finit par devenir lourde.
Certes, pour avoir fait preuve de tant de maladresse dans l’écriture, Julien Maury et Alexandre Bustillo sont fortement critiquables mais, de plus, cela amène une réflexion. En se penchant sur ce défaut, poussé ici à son extrême, que l'on retrouve quotidiennement dans le cinéma français, on en arrive à se questionner sur le rôle de ces producteurs qui s'investissent tant et lisent les scénarios. Comment un tel script abracadabrant a-t-il pu passer ? N-y avait-il pas moyen d'engager un scénariste pouvant corriger ou signaler aux réalisateurs qu'ils s'éparpillaient dans tous les sens ? Y a-t-il eu dans la chaîne une personne au recul suffisant pour dire "Hé, les mecs, je crois que vous vous éloignez du sujet" ? De plus, à une époque pas si lointaine, des producteurs n'hésitaient pas à faire appel aussi à des dialoguistes. Pourquoi, aujourd'hui, cela semble-t-il absurde ? Le résultat est qu’au final, si des idées parfois sommeillent dans cette histoire, et qu'il y a quelques tentatives à insérer de la poésie, cela reste trop peu visible ou trop mal amené pour qu'on en retienne un aspect positif.
Les erreurs de Livide ne s'arrêtent pas là. Le casting est aussi fortement discutable. Tout d’abord, Chloé Coulloud est assez cinégénique et affiche une ressemblance non négligeable avec Béatrice Dalle (qui interprète sa mère), cependant, même s'il n'est pas toujours de sa faute d'avoir à aligner des lignes de dialogues parfois ridicules, elle ne croit pas assez en son personnage, ou prend son rôle trop à la légère, pour amener le spectateur à croire en ce qu'elle vit. Félix Moati et Jérémy Kapone, les deux jeunes garçons qui accompagnent la jeune fille, ne sont guère plus convaincants, voire pires, tant ces derniers ont parfois des problèmes à rendre leur dialogue audibles. D'ailleurs sans spoilier, sachez qu’ils auront le privilège de se partager la scène la plus ridicule du film. Puis, si Catherine Jacob s'en sort honorablement, mais sans étincelle, Marie-Claude Pietragalla ne séduit vraiment que quand elle se retrouve dans un lit, ne pouvant bouger. L'actrice, qui justifie sa présence par son passé de danseuse étoile, ne croit pas assez en ce type de cinéma pour nous convaincre. L'impression permanente que nous laisse Marie-Claude Pietragalla est qu'interpréter un monstre est forcément faire dans la caricature. De plus, comme Julien Maury et Alexandre Bustillo ne profitent jamais de mettre en avant les qualités de danseuse de l'actrice, elle a rarement l’occasion de nous faire croire à son implication dans le projet.
Pour autant, il ne faut pas condamner Livide tout en bloc. Des choses positives existent, même si elles ne sauvent pas le film. Déjà, à aucun moment, on ne pense à son budget. Les décors sont superbes, donnent l'impression d'être riches en détails et en histoire. Dominique Jonny a créé avec minutie et intelligence chacune des pièces de la maison de Deborah Jessel, et il naît de son travail une véritable atmosphère. Si on regarde bien, à travers chaque détail de la décoration intérieure, on peut comprendre avec une très belle subtilité qui est Deborah Jessel. On pourra aussi citer le remarquable travail de Sabine Fèvre aux maquillages et d’Olivier Afonso en superviseur des effets spéciaux. Là encore, le film possède des qualités indéniables qui tentent à prouver que dans le domaine le cinéma français peut se montrer à la pointe de ces techniques. Il n’est donc pas rare d'être impressionné par ces aspects, arrivant même à nous culpabiliser de ne pas aimer le film. Car, oui, à travers ce superbe rendu visuel, on peut ressentir la passion et l'envie des membres de l'équipe, même des réalisateurs, à vouloir nous livrer des images iconiques et des instants forts. Il y a là tant de talents à exploiter qui, à cause d'une histoire mal écrite, ne pourront peut-être plus s'exprimer dans ce type de films. Triste.
La conclusion de Richard B. à propos du Film : Livide [2011]
On aimerait pouvoir dire qu'à l'instar de "À l'intérieur " Julien Maury et Alexandre Bustillo récompensaient notre confiance en eux. On aimerait dire qu'ils ont signé une oeuvre "fantastique", dans tous les sens du terme, et "poétique". On aurait aimé saluer la qualité d'écriture et les performances d’acteurs. Toute personne sensée dira qu'il n'est pas facile de faire un film, que beaucoup de choses doivent s'emboîter pour aboutir à quelque chose qui amène à un résultat correct. On n’oubliera pas parfois que le cinéma c'est aussi, et avant toute autre chose, une histoire de goût et de couleur. Mais Livide ne peut être sauvé par ces arguments. Si on peut lui accorder indéniablement une qualité plastique, le scénario est un brouillon, composé de multiples idées, partant dans tous les sens et qui, avant même d'être mis en production, auraient dû être triées puis agencées de manière cohérente et harmonieuse. Il en résulte un film au rythme complètement saccadé et un récit donnant plus l'impression d'être un patchwork référentiel qu'une véritable histoire. Une belle déception et, surtout, que de talents gâchés.
On a aimé
- Quelques belles séquences.
- De superbes décors.
- Des effets de bonnes qualités.
On a moins bien aimé
- Un brouillon de scénario.
- des acteurs insipides.
- Un film bien trop référentiel.
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