Critique Ad Noctum #1 [2012]
Avis critique rédigé par Manu B. le lundi 12 décembre 2011 à 22h15
Genikor Inc.
"(Copie cachée transmise à Théo Helridge - 24 juin XX61)
A tous les membres du conseil de surveillance.
Conformément à la feuille de route 280-1-39-HFV, devant la détérioration générale des relations internationales, Genikor réoriente sa politique globale. La guerre remodèle les mentalités; l'époque est à l'hystérie et à la haine. Dans ce climat de tension nous suspendons provisoirement, voire définitivement, la gamme des minies sur le continent nord-américain..."
2062. La guerre sino-américaine a fait beaucoup de morts et ravagé une bonne partie de la planète, en particulier sur le sol américain. La terre inhabitable a fait place à de gigantesques cités sous verre qui ont de moins en moins de contact avec l'extérieur où une poignée de survivants continue pourtant de vivre. La plupart sont des nomades, des renégats et des parias vis à vis de la nouvelle société émergente. En ces lieux hostiles, un nouveau sport a aussi vu le jour, là où la génétique a permis la création de créatures fantasmagoriques telles le cerbère, issues du rêve de fous. Des chasseurs en mal de sensations fortes paient cher pour des safaris d'un nouveau genre. Dans ce futur sombre et violent, que ce soit dehors dans les espaces stériles ou les immenses tours automatisées, la vie tenter de se frayer un chemin pour suivre son inexorable déclin...
Ad Noctum est le roman de deux auteurs, Ludovic Lamarque et Pierre Portrait, deux nouveaux venus dans la science fiction française. Il décrit un futur particulièrement pessimiste, à la manière de Raphaël Granier de Cassagnac (Eternity Incorporated) et visiblement inspiré des grands classiques: La Vérité avant dernière et Les Monades Urbaines. Il est publié aux éd. Dénoël coll. Lunes d'encre.
Dès les premières pages, on sent la volonté de faire dans l'original. A plus d'un titre, Ad Noctum est un roman expérimental.
Ce fix-up de nouvelles écrites en one shot est à géométrie variable grâce à, entre autres, des formes narratives différentes, avec par exemple la chronologie décroissant d'une des nouvelles ou une forme de continuité. Les liens qu’entretiennent les personnages texte après texte construisent une sorte de saga. Voilà qui sort effectivement de l'ordinaire et se joue du conformisme.
Pour autant, malgré cette liberté sur la forme, ce modernisme pourrait-on dire, c'est bien dans les vieux auteurs que nos écrivains français puisent leur inspiration.
Philip K. Dick, Robert Silverberg, Roger Zelazny, Isaac Asimov ou même Alfred Elton van Vogt pour ne citer que les plus connus. Ludovic Lamarque et Pierre Portrait semblent avoir puisé cette dose d'exotismes chez ces grands raconteurs d'aventures ou ces narrateurs d'histoires à tiroirs.
Curieusement, Genikor fait penser à Ubik, cette entité nébuleuse qui nous vend sa camelote tout au long du roman éponyme. Le point commun avec Genikor n'est pas dû à sa réalité alternative intrinsèque mais plutôt à son ubiquité et sa capacité à s'ingérer dans la vie des hommes. Avec ses androïdes, lointains cousins des robots humanisés du bon Docteur, la firme entend s'imposer comme l'alternative à l'homme pour la femme esseulée, par exemple. La relation qu'entretiennent les hommes avec ces substituts d'humanité est assez dérangeante, d'ailleurs.
Plus fort, Genikor s'efforce même de fournir l'immortalité en échange d'une parcelle d'âme.
En fin de compte, on ne sort pas intact de ce futur fort troublant.
La conclusion de Manu B. à propos du Roman : Ad Noctum #1 [2012]
Ad Noctum est un étrange objet littéraire, un recueil de nouvelles inégales en terme de contenu et de morale. La vision proposée par ces auteurs met parfois mal à l'aise.
A contrario, sa forme particulièrement originale le place un ton au dessus du lot.
Des auteurs à suivre, donc.
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