Critique La Forêt des Mythagos #1 [2001]

"Edward!
Il faut absolument que vous reveniez à la maison. Je vous en prie, ne retardez pas votre départ, fût-ce d'une heure! J'ai découvert un quatrième sentier pour pénétrer au plus profond du bois: le ruisseau lui-même. C'est tellement évident maintenant, une voie d'eau! Elle conduit directement au vortex extérieur de frênes, au-delà de la piste en spirale et des Eboulis. J'ai la conviction que l'on pourrait l'emprunter pour pénétrer jusqu'au coeur du bois lui-même. Mais le temps, toujours le temps!..."

En 1946, Steven Huxley est encore en France lorsqu'il apprend la mort de son père George. Originaire d'Heresford et assez peu proche de son père, il concède pourtant de revenir suite à la lecture d'une lettre envoyée par son frère Christian, lui-même désormais domicilié dans la maison paternelle. Apparemment, il aurait repris les mystérieuses recherches entreprises par George et qui l'ont tenu éloigné des deux garçons pendant toute leur enfance. Elles avaient pour objet la forêt qui borde la propriété familiale et qui l'on littéralement obsédé. Steve revient donc et constate que Christian prend le même chemin que son père. Il est devenu taciturne et secret, et il émane de la maison une odeur de terre et de mucus...

Robert Holdstock est l'un de ces auteurs anglo-saxons certainement partis trop tôt. Son oeuvre la plus célèbre est le cycle de La Forêt des Mythagos, récompensé par un World fantasy et un British SF Awards, et le prix spécial du Grand Prix de l'imaginaire. Après la lecture de ce premier épisode se déroulant dans le bois de Ryhope, vous comprendrez pourquoi.

On découvre vite que les mythagos sont le produit de la réification des mythes par le biais de la conscience collective. En quelque sorte, les héros, les princesses, les soldats des histoires du passé prennent vie aux abords du bois de Rhyope.
Ce phénomène n'apparaît qu'ici car ce lieu n'a rien de naturel. Il exerce en outre une fascination pour celui qui y vit à proximité. C'est ainsi que le père de Steve et l'un de ses amis scientifiques se sont alors mis à étudier la forêt. Or, elle n'a aucune raison de se laisser explorer et l'on a vite fait de parcourir des kilomètres sans être certain d'en avoir atteint le centre. La raison en est simple, Ryhope égare les visiteurs, engourdit leurs esprits et les fait tourner en rond. Rien ne semble pouvoir y pénétrer. Le contraire n'est pas forcément vrai...

Robert Holdstock s'inspire des mythes, se sert de références littéraires pour bâtir son histoire. Normal quand l'intrigue se base sur ce concept. La Forêt des Mythagos commence donc comme un conte Lovecraftien. Ce qui dort dans la forêt donne la chair de poule et l'effet rendu est assez spectaculaire. Plus tard, il s'apparente à une découverte à la fois Conradienne et Vernienne de la forêt. La fin est tragique et dramatique. C'est à la fois un dénouement et un commencement. Le voyage n'est pas terminé.