La Belle au bois et autres histoires [2007]

La belle au bois dormant, Blanche-Neige, Le petit Poucet, Cendrillon ou Barbe-Bleue... Tout le monde connaît ces contes pour les avoir entendus dans son enfance, ou pour les avoir lus dans les recueils de Perrault ou de Grimm. Tout le monde les connaît, ou croît les connaître... Car ces contes, avant d'être écrits, ont longtemps fait leur chemin de bouche à oreille et leur origine se perd dans la nuit des temps, où ils rejoignent les grands mythes. Princesses aux cheveux d'or et princes charmants, fées et sorcières, ogres et forêts magiques : Patricia Gaillard, tout en restant fidèle à la source orale des contes, apporte un éclairage original, symbolique et spirituel à ces histoires qui prennent alors une dimension plus large, inédite, inattendue. Des contes à redécouvrir avec l'émerveillement de l'enfance.
Extrait du livre : LE SEPTIEME GARÇON (Le Petit Poucet)
Il était une fois, dans une forêt profonde, une petite masure de torchis et de bois, avec une large cheminée qui fumait gris comme le soir qui tombait autour d'elle. Dans cette maison vivaient un homme et une femme. Et partout, entre eux, autour d'eux, dans les fentes des murs, dans l'air, dans le moindre geste... la misère. Ils avaient sept enfants, tous des garçons, avec des jambes maigres qui dépassaient de leurs chemises, des yeux encore brillants et de longs bonnets de laine, bleus, pointus et crasseux. Et dans ces sept il y en avait un, c'était le dernier, le plus jeune, le plus petit. Il était si petit que sa mère, avant de le mettre au lit, le berçait dans la poche de son tablier noir... Elle l'appelait Poucet. C'était un gamin qui parlait peu, si peu qu'on craignait qu'il ne fût vide dans sa tête. Pourtant, dans le secret de ses nuits parfois blanches, il avait avec la lune de longues et intimes conversations et elle le visitait en petits songes blancs... Le soir où commence cette histoire fameuse, les marmots étaient tous couchés, éparpillés ou entassés sur de vilaines paillasses. La femme et son homme étaient assis devant le feu, en silence, leurs dos courbés sous le poids des misères, ces fées bannies, moroses, qui se déplacent en groupe et qui en ont toujours après les pauvres gens. C'est là que tout à coup, dans l'air chaud et rouge autour de la cheminée, on entendit la voix du père. «On a bien trop de gars, notre maigre soupe ne suffit pas, demain j'irai les perdre dans les bois.» La mère se tordait les mains et pleurait bruyamment dans son tablier noir. Mais le Poucet, qui ne pouvait pas dormir, était assis dans l'escalier, dans une encoignure obscure, et il avait tout entendu. Alors, sur la petite pointe de ses pieds minuscules, il sortit sous la lune et, tout éclairé d'elle, il ramassa une pleine poignée de cailloux blancs qu'il fourra dans sa poche avant d'aller se coucher.