Entretien avec... Eric Holstein
A l'occasion de la sortie de son roman D'or et d'émeraude
Eric Holstein est un grand acteur de l'imaginaire français. Critique, coéditeur, illustrateur, anthologiste (ActuSF), il est depuis quelques années auteur, et c'est avec un grand plaisir que nous avons pu l'interviewer. Son dernier roman, D'Or et d'Emeraude vient d'être publié aux éd. Mnémos (www.mnemos.com). Un entretien où l'on apprend comment lui est venue l'inspiration de son roman.
Buenos días Eric Holstein.
Ton dernier roman, D’or et d’émeraude (1) vient de paraître aux éditions Mnémos. C’est ton deuxième roman (après Petits arrangements avec l’éternité (2) chez le même éditeur). On sait aussi que tu as aussi codirigé 100 chefs d'oeuvres incontournables de l'imaginaire (3) et Le Petit guide à trimbaler de la S.F. étrangère (4) pour les éditions ActuSF, que plusieurs de tes nouvelles ont été publiées dans les revues Solaris et Alibis, que tu as été publié dans le Bifrost n°60 (6) avec une nouvelle intitulée Enculés ! et dans Retour sur l’horizon (7), l’anthologie de Serge Lehman. Tu es aussi anthologiste (Appel d’air (8).), critique (sur ActuSF (5)) et traducteur (Les vestiges de l’automne (9).).
On comprend bien que tu es dans le milieu depuis de nombreuses années mais ce qu’on ne sait pas, en revanche, c’est comment tu es toi aussi passé de l’autre côté de la barrière, comment tu as pris la plume pour devenir écrivain. Peux-tu nous en dire deux mots ?
E.H. : Salut (je ne suis, hélas, pas hispanophone).
En ce qui concerne la traduction des Vestiges de l’automne, je tiens à préciser que je ne me suis chargé que des appendices, sous la direction de Florence Dolisi qui a assuré avec Jacqueline Dolisi le corps du texte. Par contre, tu as oublié de mentionner qu’en plus de tout ça, je m’occupe aussi de la direction artistique des éditions ActuSF ; ) En revanche, je ne critique plus. L’exercice avait un petit goût d’inceste qui me déplaisait trop.
C’est vrai que je marne dans le milieu depuis une petite dizaine d’années. J’y suis venu un peu par hasard. Jérôme Vincent était alors stagiaire à la rédaction de la radio pour laquelle je travaillais et il m’a croisé un matin au moment où j’arrivais, en train de finir mon chapitre en marchant. Je ne me souviens plus de quel bouquin il s’agissait, mais c’était de la SF. Du coup, il m’a proposé de chroniquer pour ActuSF qui venait tout juste de se lancer sur le net. Un bouquin gratos en échange d’un papier: bon deal. À l’époque, en plus de mon travail en studio, j’étais la plume à tout faire de la régie de la sus-mentionnée radio. C’était à moi qu’il revenait d’écrire les pubs, les promos, les communiqués de presse, etc… On avait l’air de trouver que je m’en tirais pas mal et moi, ça ne me posait pas de problème. Du coup, l’exercice de la critique m’a rapidement amusé.
Et puis à un moment, comme tout le monde, j’ai commencé à essayer d’écrire des petits trucs. D’ailleurs, mes débuts chez ActuSF se sont fait aussi en tant qu’ « auteur », avec un truc infâme dont il doit rester quelques exemplaires en circulation chez bibliophiles compulsifs du genre de Joseph Altairac ou des XLII (qui ont des dossiers à charge sur tout le monde). Encouragé par de si prometteurs débuts, j’ai fait lire à un ou deux potes ce que je projetais de faire après et… je me suis fait littéralement défoncer. Du coup, je n’ai plus rien fait pendant des années, jusqu’au jour où les premières phrases de À la croisée me sont venues comme ça, après avoir lu quelques bouquins sur le blues. Le résultat me semblait potable, je ne l’ai envoyé qu’à Solaris et à ma grande surprise, j’ai reçu un mail de Jean Petigrew qui me disait qu’il me le prenait. Ça a été le vrai point de départ.
Ecrire était une évidence ?
E.H. : Difficile à dire… J’ai toujours eu des facilités de plume. Même pendant ma scolarité. J’ai toujours été bon en français, sans jamais vraiment avoir l’impression de beaucoup travailler (et pourtant je n’étais absolument pas lecteur. Je détestais ça).
Après… de là à franchir le pas. Je crois que j’ai surtout eu la chance de faire les bonnes rencontres, de pouvoir me faire connaître dans le milieu, ce qui a fait que les bonnes personnes ont lu avec une certaine curiosité mes premiers efforts.
Je ne sais même pas si j’ai vraiment la passion de l’écrit. Je crois qu’en fait c’est simplement la forme d’expression qui m’est la plus naturelle. Plus que l’oral, en dépit du fait que j’ai fait carrière quinze ans dans la radio.
Et pourtant, comme tu l’écris sur ton blog (10), il semblerait que tu préfères avoir écrit plutôt qu’écrire. Est-ce un phénomène qui se ressent sur la longueur ?
E. H. : À vrai dire, je n’en sais rien. Je n’ai pas encore assez de recul, ce n’est que mon deuxième roman. Pendant longtemps j’ai écris en mercenaire, au quotidien, et ça ne m’a jamais posé de problème.
Mais construire une fiction, quelque soit la longueur, est un processus assez stressant. En tout cas pour moi. J’adore le moment où je sens le frisson d’une bonne idée. J’en ai des tas, notées dans mon téléphone. Toutefois il y en a peu avec lesquelles je me sens prêt à vivre très longtemps. Assez pour les mener à bout. Et comme je sais que ça va être long et douloureux, il faut qu’elle me plaise vraiment. C’est d’ailleurs la première question que je me pose avant de m’embringuer dans une fiction.
Ce qui est amusant, c’est qu’il m’est arrivé de m’essayer à la pure commande, et là, ce sont mes vieux réflexes de pubard qui reprennent le dessus, et tout semble beaucoup plus facile.
Quels sont tes genres de prédilection, tes auteurs préférés, tes influences ?
E.H. : J’ai énormément lu de SF, forcément… c’est moins vrai aujourd’hui. J’ai beaucoup de mal à m’y mettre et je constate que je dérive de plus en plus vers ce que les Américains appellent le slipstream. Par exemple – à l’exception de Rosée de feu – les derniers bouquins qui m’ont vraiment éclatés sont le Big Fan de Fabrice Colin, Artères souterraines de Warren Ellis et un truc formidable que j’avais lu pour le compte de Denoël et qui s’appelle Go, Mutants ! de Larry Doyle (imaginez la série Happy Days scénarisée et filmée par Roger Corman). Sinon, je lis peu de polars, je déteste la fantasy et je picore dans la litt’gen’ selon mes envies du moment.
Pour les auteurs préférés… pfiou… Je suis un immense fan de Vonnegut, la maîtrise et la retenue stylistique de Christopher Priest me laisse toujours pantois et Alan Moore est un authentique génie. Ce sont quelques uns des auteurs dont je suis intégralement client. Après, c’est souvent du coup par coup. Par exemple Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer m’a retourné, mais Tout est illuminé m’a tellement fait chié que je ne l’ai même pas terminé.
Côté influence, la plus importante est sans aucun doute Robert Silverberg. J’ai pratiquement lu tous ces livres traduits en France, j’ai pas mal potassé sa bio et je l’ai interviewé plusieurs fois. Son approche de la littérature (notamment à la fin des années 60 et au début des années 70), sa manière de replacer l’humain au centre de l’Imaginaire, son acceptation du doute comme force de création… tout cela a véritablement modelé ma vision de l’écriture. Une autre grosse influence est Serge Lehman. Je crois bien que c’est vraiment lui qui m’a donné envie d’écrire avec F.A.U.S.T. et j’ai énormément appris lorsque j’ai eu la chance de travailler avec lui sur Tertiaire.
Rencontrer et discuter avec des auteurs (par le biais d’ActuSF) t’a donc aidé pour ta démarche d’écrivain. Etre en contact avec auteurs et éditeurs nous met en général en position privilégiée. Aurais-tu eu la volonté de devenir acteur dans l’écriture autrement si tu n’avais pas été un spectateur privilégié ?
E. H. : Probablement pas, non. Mais critiquer des livres m’a obligé à m’interroger sérieusement sur mon rapport à la littérature.
Petits arrangements avec l’éternitéétait un hommage à Paris, une ville à laquelle tu sembles attaché. Mais pourquoi les vampires ?
E.H. : Plus qu’un roman sur les vampires, Petits arrangements est surtout un roman en argot. C’était un vieux rêve, parce que j’adore l’argot des fortifs ; celui de Boudard ou de Blondin (et d’Audiard, mais dans une moindre mesure car il emploie assez peu l’argot). Je savais que ma seule occasion de le faire serait mon premier roman (d’abord, parce qu’il n’y en aurait peut-être pas d’autre, et puis parce qu’après, ça risquait d’être difficile à vendre à un éditeur).
Il y a quelques années, j’avais eu une grosse période vampire. Le sujet me fascinait. Je cherchais à comprendre l’attrait particulier de l’archétype sur les lecteurs. Du coup, j’avais lu pas mal de roman. D’abord les trucs très bons, puis, peu à peu, puis de moins bons jusqu’à des grosse merdes comme les derniers Saberhagen, qui avaient fini par me dégoûter. À l’époque, j’avais pas mal cogité sur ce que pourrait être une approche un peu décalée de la thématique et j’avais eu l’idée de ces vampires qui se nourrissaient des instants et des souvenirs de leurs victimes. D’en faire plus des voleurs de temps que des buveurs de sang.
Mais comme ça ne venait pas vraiment, je me suis roulé l’idée pour me la mettre sur l’oreille et la fumer plus tard. Ça a traîné jusqu’à ce que mon envie de planter un personnage qui parle et pense argot entre en collision avec mes prémices vampiriques. C’est le moment où Célia Chazel m’a demandé si je n’avais une idée de roman en tête… et voilà…
Tu as donc été publié chez Mnémos parce qu’on te l’a demandé ?
Comment se déroule ton travail avec cet éditeur ?
E. H. : Non, Mnémos ne me l’a pas demandé. En fait, je déjeunais tout simplement avec Célia, et la question est venue sur le tapis, tout à fait innocemment. Quelques mois plus tôt, Bénédicte Lombardo m’avait posé la même question et je n’ai pas signé au Fleuve Noir pour autant… Cela étant, je suis très bien chez Mnémos. Peut-être qu’un jour ça ne sera plus le cas, mais en tout cas, en ce moment, ça l’est. Évidemment, c’est un petit éditeur indépendant, mais qui fait vraiment tout ce qu’il faut pour faire vivre et donner une vraie chance à ce roman.
Ensuite, pour ce qui est du travail d’édition à proprement parler, je travaille avec Charlotte Volper, qui était une amie avant. Ça aurait très bien pu ne pas fonctionner, mais c’est le cas. Du coup, on bosse sans trop se ménager. On se connaît assez bien pour ne pas avoir à prendre de gants. Résultat, le boulot avance vite. Je lui fais totalement confiance et c’est un vrai luxe dont je suis bien conscient.
Ce thème des vampires, tu y reviendras dans le Bifrost n°60 avec un titre assez explicite (Enculés !). Mais cette nouvelle a une connotation plus… politique. Crois-tu que, comme tu l’as fait avec Appel d’air, comme tu le feras plus tard avec d’or et d’émeraudeaussi, la science fiction serve de réceptacle au message politique ?
E. H. : Il y a un malentendu à propos d’Enculés !. J’ai été bien servi par les hasards de l’actualité, mais j’ai écris cette nouvelle avant cette pénible affaire d’évacuation de camps de Roms. C’était plus une pochade qu’un pamphlet.
En fait, je n’ai fait qu’une seule nouvelle réellement politique, c’est Poissons rouges, qui est parue dans Alibis. Et encore, elle évoque les présidentielles de 2002 mais n’a pas été écrite à chaud et elle est plutôt centrée sur l’ambigüité du personnage principal.
Pour tout te dire, j’ai mis longtemps à écrire de la fiction, parce que j’avais l’impression de ne rien avoir d’intéressant à dire. Je ne me sentais pas légitime pour mettre dans mes textes un sens qui les rende dignes d’intérêt. Il n’y a pas si longtemps que ça que j’ai enfin compris, que le sens émerge de toute façon de l’histoire qu’on a en tête. Pas la peine d’en rajouter, sous peine de perdre l’essence même du romanesque.
J’ai le sentiment – à tort peut-être – que le message, tout comme le style, sont au fond des composantes tellement intrinsèques du travail d’écrivain, que c’est en ne cherchant pas à les exprimer qu’on leur donne le plus de chance de s’épanouir.
En lisant ton blog, D’or et d’émeraude est un travail de longue haleine sur la Colombie, dont l’idée t’a été soufflée par Thibault Elliroff (éd. J’ai lu). Tu cites aussi beaucoup d’articles sur la Colombie et l’adoption. Quel est ton lien avec le pays et l’adoption ?
E. H. : J’ai adopté mes deux enfants là-bas. C’est comme ça que j’ai découvert la Colombie. C’est une expérience assez troublante que de faire 6000 kilomètres et de débarquer dans un pays totalement inconnu pour faire connaissance avec son enfant. Au fond, c’est la salle de travail la plus lointaine que tu puisses trouver.
Ce qui est étrange, c’est cette relation qui se noue avec ce pays. Complètement à ton corps défendant. D’autres parents adoptants m’avaient parlé de leur attachement à la Colombie et franchement, je rigolais sous cape de leur sentimentalisme de bazar.
Mais lorsque tu vis là-bas, à l’autre bout de la planète, quelque chose qui bouscule aussi radicalement la donne de ta propre vie que la venue d’un enfant, tu y laisses forcément quelque chose.
C’est sans doute idiot, mais avec d’Or et d’émeraude, j’ai réellement eu l’impression de rendre à la Colombie un peu de ce qu’elle m’a donné. Ça n’est qu’à la sortie du livre que j’ai enfin posé les bagages. (Werber me tripote ! Je relis ça et ça sonne affreusement cucul ! On dirait du Eliette Abecassis. Mais plus horrible encore, c’est que je ne trouve aucune autre manière de l’exprimer mieux.)
Ainsi, comme on le comprend bien, la première partie de ton roman n’a pas dû être très difficile à imaginer puisque c’est en partie autobiographique. Pour la deuxième et la troisième partie, en revanche, j’imagine que tu as dû faire de nombreuses recherches sur le peuple Chibcha. Qu’en connaissais-tu avant l’écriture de ce roman ? Connaissais-tu la situation, la tension entre les Chibchas et les gens d’origine hispanique ?
E. H. : En fait, la première partie n’est pas si « autobiographique » que ça. Je me suis inspiré de mes propres travers pour camper les parents de Simon, mais quant à ses interrogations à lui, je n’ai fait que les imaginer/extrapoler.
En ce qui concerne la seconde partie, effectivement, ça m’a demandé pas mal de recherches, notamment sur les Muiscas (qui sont, en fait, l’une des vingt-quatre tribus de langue chibcha et qui se répartissent depuis l’Altiplano jusqu’à la frontière du Honduras). Ça a même été la première évidence de cette deuxième partie : j’allais devoir essayer de faire vivre ces Indiens. Car, en fait, je n’en connaissais rien. J’avais dû demander à une copine colombienne le nom de la tribu qui occupait l’Altiplano avant la Conquista, mais je l’avais totalement oublié. Et c’est un peuple qui n’a pas excité les curiosités, c’est le moins qu’on puisse dire, puisque le seul bouquin de référence auquel j’ai pu avoir accès date de 1955. La grosse difficulté a donc été d’accrocher un peu de chair sur ces hommes et ces femmes. De les faire sortir du cadre du sujet d’étude. C’est d’ailleurs un problème que j’ai eu, aussi, avec les conquistadores.
Quant aux tensions… Elles apparaissent un peu hypertrophiées dans le livre, du fait qu’on les découvre par le double prisme de Simon et de Tibaquichá. Néanmoins, elles sont réelles. La Colombie, comme toutes les sociétés fortement métissées a développé une sorte de pigmentocratie. Disons, pour faire simple, que plus on est blanc, plus on a de chances de s’élever socialement. Ce n’est toutefois pas un racisme ouvert, et tu retrouves sensiblement la même approche « pigmentocratique » dans les Antilles françaises. Il faut plutôt y voir un héritage colonial.
Les Indiens se sont réveillés assez tard en Colombie, sans doute parce que la Conquista s’y est passée de manière plus douce qu’au Pérou ou au Mexique. Aujourd’hui, il y a quelques leaders et certaines tribus redécouvrent leur indianité (c’est le cas des Muiscas, par exemple). L’écho dans la société est morne. Ça se partage entre indifférence et pittoresque.
Tu as dû aussi beaucoup rechercher de documents pour retranscrire l’expédition espagnole du XVIe. D’autres le sont nettement moins, mais pourquoi rendre Gonzalo Jiménez de Quesada sympathique, au final ? Après tout, il a été responsable de la fin des Indiens en 1537 en éliminant les Caciques. Comment aborder son récit qui, rappelons-le, a été cruciale dans notre histoire ?
E.H. : Mais parce que Quesada n’est pas un soudard, comme Cortes, ni une espèce d’aventurier comme Pizarro. C’est un juriste, un avocat qui quitte Grenade, soi-disant parce qu’il a perdu une grosse affaire dans laquelle ses biens avaient été engagés. Lorsqu’il entreprend cette expédition, il n’est aux Indes que depuis trois mois. Il n’y connaît rien, mais il se lance par loyauté pour Don Pedro de Lugo, son pygmalion. Et durant tout le voyage, qui va pourtant être atroce, il va garder intacte cette volonté de ménager les populations indigènes (même s’il finira par se laisser aller vers la fin, ce qui lui coûtera très cher). Il arrive sur l’Altiplano et, comme Pizarro au Pérou, joue d’un coup de chance en profitant presque involontairement des dissensions locales entre caciques. Je n’ai pas inventé le fait qu’il s’oppose au pillage systématique et au viol. Il exige de ses hommes autant de retenue qu’il est en mesure d’en attendre.
Cela étant, il y a des zones d’ombre chez lui. Comme le fait qu’on ne lui signale aucune femme, ce qui est plutôt rare pour un conquistador. Après tout, ces hommes traversaient l’océan dans l’idée de fonder une dynastie dans le Nouveau Monde. Je me suis engouffré dans les blancs de sa biographie pour le rendre plus ambigu encore, mais c’était quelqu’un de respectable et probablement d’assez attachant.
Robert Silverberg avait écrit un roman dans la porte des mondes (11)une uchronie où les espagnols ne conquièrent pas l’Amérique du Sud, dont le point de bifurcation historique est différent (en l’occurrence, la Grande Peste en Europe). L’as-tu lu avant d’écrire ton roman ?
E. H. : Oui, et même si j’essayais de me le sortir de la tête le plus possible, c’était difficile pour moi de ne pas y penser. Néanmoins, les histoires diffèrent totalement et je pense que je m’en suis plus servi comme d’une source d’inspiration qu’autre chose. C’est d’ailleurs, en ce qui me concerne, valable pour toute l’œuvre de Silverberg (enfin, presque toute son œuvre).
Sans dévoiler la fin du roman, dans la troisième partie, le rêve d’une nation Chibcha n’est pas une réussite. Certes, c’est un peuple libre, mais en contrepartie, le reste du monde que tu as imaginé est très retard du point de vue technologique et industriel par rapport au nôtre. Echangerais-tu leur monde avec le nôtre ?
E. H. : Ah non ! Il n’est pas en retard du tout. En fait, nos mondes se ressemblent même étonnamment. C’est bien cela qui est désolant d’ailleurs. C’est la référence à l’Hispano-Suiza qui t’a induit en erreur ?
Maintenant, échanger ce monde contre le nôtre… Peut-être, après tout. Pour voir ce que ça fait de vivre dans un empire et pour assister au joyeux bordel qu’augure la fin du roman.
Comment as-tu trouvé l’exercice de l’uchronie ? Cela te donne-t-il l’envie d’en écrire d’autres ? Si oui, sur quelles périodes de l’Histoire ?
E. H. : Assez un intimidant pour tout dire. On parle parfois du complexe du démiurge pour les écrivains… hé bien jamais ne l’avais ressenti aussi fortement. D’un seul coup tu te trouves devant un titanesque jeu de domino, tu as déjà poussé le premier et tu dois construire la suite du parcours de la manière la plus harmonieuse possible pendant que les pièces commencent déjà à s’écrouler. Tu sais que tu vas devoir être très précis, que tu ne vas éclairer qu’une seule partie de ta création, mais que ce qui restera dans l’ombre devra être aussi clair que possible dans ta tête, parce que ça sera ta référence constante. C’est un gros gros truc et plusieurs fois pendant l’écriture je me suis demandé pourquoi j’étais allé me coller dans une telle merde. Et pis tout seul comme un grand, en plus.
En écrire d’autres ? Je ne sais pas encore pour l’instant. J’ai pris goût à la documentation, mais là, maintenant tout de suite, j’ai plutôt envie d’écrire quelque chose avec moins de contraintes narratives. Un genre de récré, quoi… Mais sais-t-on jamais… Je suis d’une nature curieuse et je suis marié avec une agrégée d’histoire…
Quels sont tes projets pour l’écriture ou même sur le plan éditorial ?
E. H. : J’avais une commande en jeunesse qui s’est brutalement annulée, du coup, je me consacre à la sortie de D’or et d’émeraude. Je travaille aussi sur l’édition numérique et notamment la partie « enrichie ». On fait ça avec une boîte d’enthousiastes barjos qui s’appelle Walrus et vu mon background technique, j’ai un peu pris le pouvoir sur tout ce qui est audiovisuel. Mon vieux pote Diego Tripodi nous prépare une série de planches qu’il passera sous After Effects et moi, je suis en ce moment même en train de mixer la bande son qui ira avec. Comme je bidouille aussi en graphisme, je prépare le cahier photos numérique qui ira avec. C’est assez marrant à faire et franchement intéressant comme approche.
J’ai toujours dans les cartons ce projet de BD avec Diego et qui cherche un éditeur.
Ensuite, j’ai deux trois idées de romans que j’ai bien envie de creuser. Certaines concernent les genres de l’imaginaire, d’autres moins. Il me faudrait plus de temps. Beaucoup plus, même, car tout cela n’étant pas très rentable, il faut aussi se préoccuper de trouver des sources de revenus plus roboratives. Du coup, le prochain risque de ne pas être pour tout de suite.
Merci Eric. Rappelons que tu seras présent aux Imaginales cette année. A bientôt donc !
(1) : D'Or et d'Emeraude, 2011 (éd. Mnémos)
(2) : Petits arrangements avec l'éternité, 2009 (éd. Mnémos)
(3) : 100 chefs d'œuvres incontournables de l'imaginaire, 2009 (éd. Librio)
(4) : Le petit guide à trimbaler de la SF, 2005 (éd. ActuSF)
(5) : http://www.actusf.com/spip/
(6) : Bifrost n°60 spécial vampires, 2010 (éd. Le Belial’)
(7) : Retour sur l'horizon, 2009 (éd. Denoël)
(8) : Appel d’air, 2007 (éd. ActuSF)
(9) : Les vestiges de l’automne, 2010 (éd. ActuSF)
(10) : http://www.or-et-emeraude.fr/
(11) : La Porte des Mondes, 1977 (éd. Pocket)
Entretien réalisé par email du 28 mars au 20 avril 2011.
Photo d'Eric Holstein par Patrick Imbert ©
Publié le mercredi 27 avril 2011 à 14h00
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