Une troisième journée à l'Etrange Festival
Un dimanche qui divise du côté de l'Etrange Festival
Après deux jours de films conduits par une certaine qualité, ce dimanche placé sous le signe du polar a amené nos premiers désaccords à l'instar de Hideaways et The Unjust pour lesquels Jonathan C. et moi-même ne partageons pas la même opinion.
Pour ma part, Hideaways, le nouveau film d'Agnès Merlet (Dorothy), commençait plutôt bien, mais sombre petit à petit dans une grande mascarade scénaristique mais aussi marqué par une dernière image aussi maladroite que ridicule. Depuis plusieurs générations, tous les Furlong ont un don surnaturel, mais celui du jeune James ressemble à une malédiction (un peu comme un mutant de Stan Lee). Ce dernier possède en effet un pouvoir de destruction dès qu'il vient à ressentir un mal-être. Pour faire face au mal qu'il distille, le jeune James va décider de s'exiler dans les bois. Dans une ambiance qui pourrait être un croisement improbable entre l'univers des X-Men et celui de Jean-Pierre Jeunet(ou Tim Burton), remarquablement filmé et se montrant par moment autant poétique que très dur, le film d'Agnès Merlet partait plutôt gagnant dans mon estime. Mais Hideaways finit hélas par s'enfoncer dans la mièvrerie d'une romance adolescente et dans un déroulement autant prévisible que ridicule (on vire dans le pire des Twilight). Certes, toujours esthétiquement très soigné, on aurait presque envie de défendre le film d'Agnès Merlet, mais il paraît impossible de ne pas soustraire ce scénario à la dramaturgie qui recule plus qu'elle n'avance et au côté midinette vraiment trop prononcé. Hideaways est donc une forte déception qui cependant n'entachera pas trop la maîtrise de sa réalisatrice, le mal n'étant jamais dans la direction d'acteur ou du côté technique, mais bien dans un scénario sans âme, maladroit et inapte à créer la moindre surprise.
En revanche, pour Jonathan C., « la réalisatrice semble avoir plus trouvé ses marques avec Hideaways qu’avec l’indécis (et pour le coup ennuyeux) Dorothy, son précédent film, qui ne manquait cependant pas de qualités (l'ambiance). Dans une première partie qui évoque (en mieux) le Tim Burton de Big Fish (d’autant plus que la musique pourrait tout aussi bien avoir été composée par Danny Elfman) ou le David Fincher de L'Etrange histoire de Benjamin Button, Agnès Merlet raconte le destin tragique d’un garçon doté d’un pouvoir pour le moins mortel, puisqu’il répand la mort autour de lui dés qu’il souffre. Si l’histoire d’amour entre le garçon (exilé dans la forêt tel un homme des bois) et une jeune fille atteinte d’un cancer peut faire penser à Twilight, bien qu’elle m’ait plus évoqué des films moins connus comme Powder ou Phénomène (avec Travolta), la bluette teintée de surnaturel est ici bien plus singulière, très atmosphérique et parsemée d’images poétiques (cf. les superbes plans de la nature qui meurt ou se régénère autour de James), renvoyant par intermittence à des films comme My Summer of Love, Créatures célestes ou Pique-nique à Hanging Rock. Malgré ses maladresses (le personnage complètement gratuit du garçon rancunier blessé par James, un rythme qui traine en milieu de romance…), Hideaways est un joli film qui a du cœur. »
Force est de constater que la Corée du Sud, dans le domaine du polar, a déjà montré un savoir-faire indéniable. Bref, l'attente de The Unjust était sincère et accentuée par le fait que le scénariste (Hoon-jung Park) était celui de J'ai rencontré le Diable (film qui m'avait totalement convaincu). À la sortie, il en résulte une forte déception. S’il se trouve être riche en personnages, en intrigues tournant autour d'affaires de corruption en hauts lieux, en violences policières, en histoires d'amitiés et d'attachement familial, il en résulte une grosse confusion... pour finalement pas grand-chose. On peut accorder au métrage qu'il est plutôt bien mis en image par Ryoo Seung-Wan (réalisateur de City of Violence), mais cela ne suffit pas. Même si l'on éprouve par moment un certain intérêt du fait que tout le monde est pourri, on ne se sent que rarement concerné et, au final, on s'ennuie, et l'on attend patiemment la fin, comme si celle-ci sonnait notre liberté. Du coup, même si techniquement The Injust séduit, si le jeu des acteurs est convenable, il lui manque l'essentiel: « transmettre de l'émotion ».
Une nouvelle fois la parole est à Jonathan, qui me trouve quelque peu méchant vis-à-vis de ce film : « Il faut suivre attentivement pour apprécier à sa juste valeur ce polar alambiqué mais nerveux qui, en explorant avec beaucoup d’humour et de cynisme le mécanisme de la justice coréenne et les coulisses d’une affaire (il y a l’enquête dans l’enquête), questionne la moralité et le niveau de corruption au sein de la Police, dont l’image ressort ici peu glorieuse. Les coréens sont toujours très forts pour ce qui est des face-à-face tendus (le film en est rempli) et des duels psychologiques (ici entre le flic et le procureur), le scénariste de The Unjust étant justement celui du terrassant J’ai rencontré le diable de Kim Jee-Woon. Dans cette mise en scène complexe d’un réseau aux barrières non délimitées et à la corruption banalisée (trouver un homme de paille est un boulot comme un autre), les personnages, réduits à leur fonction dans la hiérarchie et écrasés par les rouages judiciaires qu’ils exploitaient, assument les conséquences de choix pas toujours heureux et des accords malhonnêtes qui font tourner cette infernale spirale. En dépit d’éclairs de violence (les rapports de force s’expriment par des baffes et des béquilles), notamment l’éprouvante séquence finale sur le chantier, le film de Ryoo Seung Wan (Arahan, City of Violence, Crazy Lee) privilégie l’action narrative (l’intrigue ne cesse d’avancer à un rythme haletant, au fil de nombreux rebondissements qui malmènent ses personnages jusqu’à un twist plein d’ironie cruelle) à l’action physique (gunfights et bastons sont mises de coté). Formellement brut, pas vraiment esthétique malgré quelques effets de style et beaucoup d'idées de mise en scène, The Unjust évoque notamment, dans sa construction et son affrontement mêlant flics et mafieux, le fameux Infernal Affairs (et son remake). Le récit est pesant (d'autant plus que ça dure deux heures) et sans grandes émotions, mais vraiment intéressant et rondement mené. »
Pour ma part j'ai vu en solo 22nd of May de Koen Mortier dans lequel un agent de sécurité n’a pas pu empêcher l’explosion d’une bombe dans le centre commercial où il officie. Son travail est remis en cause par les victimes de l’attentat, et il se met à essayer d'arrêter le terroriste dans un monde parallèle. À voir le sujet présenté ainsi, le film de Koen Mortier semble plutôt séduisant. Hélas, ce dernier est plus une profonde intronisation de l'esprit de quelques personnages ayant subi l'accident qu'un véritable film dans lequel on verrait vraiment un simple agent de sécurité arrêter un terroriste. 22nd of May est lent dans son déroulement, très lent, et on se voit regarder le film en train de se demander si l'on doit quitter ou pas la salle. L'attente de voir où veut nous mener le réalisateur parvient tout de même à nous faire rester, même si la conclusion (plutôt belle graphiquement) nous fait regretter un peu ce choix. Koen Mortier livre un film prétentieux, à la réalisation qui rallonge la durée de celui-ci par des artifices qui n'apportent rien (des plans se contentent par moment de suivre une personne qui marche d'un point A à un point B sans avancée scénaristique) et donc fortement ennuyeux. Et même si, de temps à autre, des idées interpellent ou des plans séduisent, ils sont trop noyés dans le reste pour prendre le dessus.
Jonathan quant à lui a vu de son coté Salue le diable de ma part : « Dans ce film noir colombien, un ex guérilleros (Edgar Ramirez, le psychopathe Choco dans Domino, redoutable tueur dans La Vengeance dans la peau et Carlos dans la mini-série d’Olivier Assayas) en quête de paix subir la vengeance d’une de ses anciennes victimes collatérales, clouée sur un fauteuil roulant. S’il veut revoir sa fille vivante, Angel doit retrouver et assassiner en 72 heures ses anciens complices (dont l’un est devenu un flic coriace). Portant sur lui un microémetteur permettant à ses ravisseurs de le suivre à la trace, Angel se lance à corps perdu dans cette « mission ».
Cet implacable polar voit un ancien criminel rattrapé par son passé qui doit assumer les conséquences de ses actes terroristes. Les thématiques de Salue le diable de ma part se rapprochent énormément de celles des thrillers coréens. Habité par la vengeance, le film de Juan Felipe Orozco (le remarqué Al final del espectro en 2006, dont Nicole Kidman veut produire un remake) pose des questions de limites morales et tente de comprendre, à l’image de la journaliste, l’existence d’un groupe terroriste. Mais c’est surtout un film très noir et nerveux qui accumule les fulgurances (gunfights et poussées d’adrénaline) et les grands moments de tension, nourris notamment par un montage dynamique précis et une bande-son grondante qui pulse. La réalisation est inspirée, bénéficiant d’une très belle photo (surtout dans la nuit). Ce qui rend le film émouvant, c’est que le personnage d’Angel agonise tout au long de ce récit éprouvant en forme de chemin de croix, accomplissant jusqu’à la mort sa vendetta pour le compte d’un autre. Edgar Ramirez est remarquable, comme les autres acteurs (jusqu’aux hommes de main, très charismatiques), mention à la belle Carolina Gomez (dont le personnage représente la conscience morale) et à l’impressionnant Salvador del Solar dans un mémorable rôle de flic salaud, moustachu et adepte du chewing-gum (comme David Morse dans 16 Blocs). Un polar brûlant et sans concessions qui frappe fort. »
Reportage de Jonathan C. et Richard B.
Publié le lundi 5 septembre 2011 à 17h10
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Hideaways
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