C'est quoi ce truc ? L'incroyable destin d'Harold Crick
Quand Will Ferrell fit son Truman Show...
C’est quoi ce truc ? est une petite rubrique apériodique (n’attendez donc pas le prochain article avec impatience) qui met en lumière quelques films méconnus. Nanars, séries B ou chef d’œuvre inconnus, nous vous présentons ici une sélection de longs-métrages sélectionnés avec amour !
Ca parle de quoi ce truc ?
Harold est inspecteur des impôts. Harold aime compter et minuter sa vie. Harold a une vie simple et parfaitement ordonnée. Mais Harold va mourir dans trois jours. Comment le sait-il ? Et bien simplement parce que la narratrice qui commente sa vie le lui a dit. Mais Harold ne veut pas mourir. Surtout qu'il vient juste de trouver la femme de sa vie...
C’est pas un peu barré ce truc ?
Vous cherchez une cohérence dans ce pitch ? Vous vous demandez quel truc ils vont trouver à la fin pour rattacher tous les wagons entre eux ? Je vais vous épargner de perdre du temps : il n'y a pas de truc. L'Incroyable destin de Harold Crick s'appuie sur un postulat absurde, et il le tient jusqu'au bout. Alors attention, postulat absurde ne signifie pas histoire sans queue ni tête. Le scénario d'Harold Crick est cohérent dans le cadre sa propre diégèse. Par contre, rien ne vient expliquer pourquoi un écrivain et son personnage coexistent dans le même univers.
Et vous savez quoi ? On s'en fiche complètement car le propos du film n'est pas là. Et c'est d'ailleurs là le gros tour de force du scénario de Zach Helm que de faire accepter au spectateur ce postulat incroyable dans tout ce qu'il peut avoir de beau et de simple. On notera d'ailleurs que le titre original du film, Stranger than fiction (plus étrange que la fiction), est nettement plus pertinent que notre VF bien trop améliepoulainienne.
Mais qui a fait ce truc ?
L'Incroyable destin de Harold Crick est le premier scénario de Zack Helm, qui tentera ensuite de réitérer l'expérience du "pitch bien barré" avec le raté Le Merveilleux magasin de Mr Magorium, avant de finalement bosser pour les gros studios (on lui doit notamment le script de Jumanji - Bienvenue dans la jungle). Derrière la caméra, on trouve le réalisateur allemand Marc Forster qui, bien avant de se vautrer dans des blockbusters hollywoodiens ratés (Quantum of Solace, World War Z, Machine Gun Preacher) suivait une carrière écclectique tout à fait intéressante (L'Incroyable destin de Harold Crick fut réalisé entre Neverland et Les cerfs-volants de Kaboul).
Le casting aligne quant à lui nombre de noms prestigieux : Will Ferrell, Maggie Gyllenhaal, Emma Thompson, Dustin Hoffman, Queen Latifah, sans compter les caméos de Tom Hulce et de Linda Hunt. Bref, une affiche qui, rien que sur le papier, fait déjà envie.
Et ça a marché ce truc ?
L'incroyable destin d'Harold Crick a couté environ 38 millions de dollars et en a rapporté 53 millions, dont 40 millions aux États-Unis. Si on ajoute les frais de promotions et les coûts liés à l'exploitation à l'international, cela signifie que le film n'a pas dû rentrer dans ses frais, sans toutefois être un bide monumental.
Mais c’est bien ce truc ?
Ouais, c'est carrément bien comme film ! Et c'est d'ailleurs dommage que ce soit si peu connu !
Déjà, le scénario est impeccable. La bizarreté du pitch est tenue de bout en bout, le film ne cédant jamais à la normalité pour revenir dans le droit chemin. C'est là tout le coup de génie de ce script : rester en marge de notre réalité pour développer un film absolument magique. Impossible d'expliquer comment cet univers fonctionne, mais ce qui est certain, c'est qu'il fonctionne. On se prend d'affection pour les personnages, on rit, pleure et tremble avec eux. L'Incroyable destin de Harold Crick est artificiel sans l'être, et s'avère finalement très humain.
Le tout est saupoudré d'un discours sur l'art et la littérature intéressant, et globalement pertinent. Qu'est ce qui constitue un chef d'oeuvre ? Quels sacrifices peut-on/doit-on faire s'il s'agit d'aboutir à une oeuvre artistique majeure ? A ce titre, le final est un beau petit monument d'astuce : il est à la fois facile, un peu décevant et en même temps logique et parfaitement raccord avec le reste de l'histoire. L'articulation entre ces thématiques et l'histoire racontée est de plus très harmonieuse : le film parle beaucoup de lui même, mais il ne le fait jamais au détriment de l'histoire qu'il raconte.
Ensuite, le casting est absolument génial. Dans le rôle principal, Will Ferrell qui trouve ici "le rôle de la maturité" (comme il est de coutume de dire). En rangeant au placard son costume de clown, le comédien démontre toute l'étendue de son talent. Il passe ainsi d'une palette d'émotion à l'autre pour entraîner le spectateur dans un véritable grand huit émotionnel. Tour à tour drôle, émouvant, triste, mignon ou désespéré, il incarne parfaitement ce personnage complexe en constante évolution. À ses côtés, les autres comédiens sont simplement parfaits. Emma Thompson et Dustin Hoffman sont évidemment géniaux, l'une en écrivain dépressive, l'autre en professeur aigri. Maggie Gyllenhaal apporte quant à elle la touche de glamour qui va bien, quant à Queen Latifah, elle est loin d'être ridicule et gagne haut la main ses galons face à son exceptionnelle partenaire de jeu.
Alors certes, tout n'est pas parfait. Il y a deux ou trois choses dans le film qui ne fonctionnent pas complètement, notamment la partie "comédie-romantique" auquel on a du mal à croire : trop rapide, parfois cousue de fil blanc, dotées des mêmes péripéties que toutes les autres romcom. Ceci dit, l'alchimie Will Ferrell/Maggie Gyllenhaal, ainsi que la tendresse avec laquelle les filme Marc Forster, suffit à faire passer la pillule sans grand mal. L'incroyable destin d'Harold Crick fait partie de ces excellents fell good movies, ces films qui donnent la banane et vous font recroire (un peu) en l'humanité.
Et puis, il y a la scène des guitares...
Et on peut le voir où ce truc ?
L'Incroyable destin d'Harold Crick est disponible en DVD et BR chez Sony Picture Home Entertainement. Le film a eu le droit à une édition techniquement correcte, dotée de quelques bonus sympathiques (à défaut d'être indispensables) : commentaires du réalisateur et des acteurs, documentaire sur les effets visuels, documentaire sur les acteurs et les personnages, documentaire sur l'écriture du scénario et quelques scènes coupées. Rien de formidable, mais au moins, le long-métrage peut être trouvé assez facilement un peu partout. Ce n'est pas toujours le cas.
Publié le lundi 28 janvier 2019 à 14h00
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