C'est quoi ce truc ? La saga Phantasm
Quand un croquemort immortel veut te transformer en nain...
C’est quoi ce truc ? est une petite rubrique apériodique (n’attendez donc pas le prochain article avec impatience) qui met en lumière quelques films méconnus. Nanars, séries B ou chef d’œuvre inconnus, nous vous présentons ici une sélection de longs-métrages sélectionnés avec amour !
ÇA PARLE DE QUOI CE TRUC ?
Après le meurtre de Tommy, le jeune Mike découvre que quelque chose ne tourne pas rond dans l'entreprise de pompe funèbre du coin. Entre un mystérieux croque-mort changeforme à la force colossale, des sphères volantes suceuses de cerveau, des nains difformes, des zombies, des mouches géantes, des barils étranges et deux pilones menant à un drôle de monde rouge dont la gravité est écrasante, c'est sûr, quelque chose de chelou se trame entre deux tombes. Aidé par son frère Jodie et leur pote de vendeur de glace Reggie, Mike va tenter de comprendre... une quête qui s'étalera sur cinq longs-métrages.
Le tall man, charismatique antagoniste devenu emblématique de la saga
C'EST PAS DU GRAND N'IMPORTE QUOI CE TRUC ?
Phantasm s'est progressivement construit pendant près de quarante ans, au fil des modes et de l'inspiration de son créateur. Il est évident, rétrospectivement, que la mythologie de la saga s'apparente à un conglomérat d'idées plus ou moins bien agencées entre elles. Certaines choses ont petit à petit été minimisées au fil des films (les nains), d'autres ont pris une importance de plus en plus grande (les sphères), certaines ne sont apparues que de façon éphémère (la mouche) quand d'autres sont arrivées en cours de route (les zombies). Même le mythique Tall Man évolue radicalement au fil des longs-métrages : figure iconique de la saga, il n'est pourtant qu'un rouage parmi d'autres dans le premier film. Bref, oui, Phantasm, c'est un peu du grand n'importe quoi.
Mais ce grand n'importe quoi est unique en son genre, et, surtout, il s'inscrit dans une ambiance très particulière sans nulle autre pareil dans l'histoire du cinéma. Oui, Phantasm est tout le temps bordélique. Oui, Phantasm est parfois opportuniste. Oui, Phantasm est une saga inégale. Mais ce que propose Phantasm est quelque chose de jamais vu. Ni avant, ni pendant, ni depuis. Et rien que pour ça, découvrir ce délire est un vrai bonheur car on ne sait jamais ce qui nous attend.
MAIS QUI A FAIT CE TRUC ?
Phantasm est l'oeuvre d'une vie : celle de Don Coscarelli. Producteur et scénariste de tous les opus, réalisateur des quatre premiers films, Phantasm a traversé sa carrière de bout en bout (1979, 1988, 1994, 1998 et 2016). Si Coscarelli a connu quelques succès d'estime (notamment Bubba Ho-Tep ou John Dies at the End), sa carrière n'a jamais vraiment décolé. Incontestablement, il est l'âme de la saga, et ce même s'il a transmis le flambeau de la réalisation à David Hartman (venu du monde du clip et des séries, monde auquel il est retourné depuis) pour le dernier volet. Coscarelli a raconté que l'histoire du premier film lui venait de son adolescence, d'un rêve dans lequel il fuyait dans des couloirs de marbre sans fin, poursuivi par sphère chromée (une scène que l'on va d'ailleurs retrouver dans tous les films). Bref, Phantasm a tout d'une oeuvre personnelle, ce pourquoi elle n'a probablement aucun équivalent.
Devant la caméra, le casting est resté presque inchangé tout au long de la saga : Angus Scrimm a interprété le rôle du Tall Man jusqu'au bout de sa vie, Reggie Bannister, A. Michael Baldwin et Bill Thornbury ont campé leurs personnages jusqu'au bout (avec une petite exception dans le deuxième film où, sous la pression des studios, A. Michael Baldwin a été remplacé par James LeGros). À part ça, ces quatre acteurs n'ont jamais eu d'autres vrais grands rôles marquants. Il faut bien avouer que, pour la plupart, leurs talents de comédien sont assez limités.
A noter que si la majeure partie de ces films sont des petits budgets indépendants, le deuxième opus est un film de studio. Universal, probablement désireux de surfer sur le petit succès du premier film ainsi que sur le carton d'Evil Dead (dont Phantasm II s'inspirera clairement), a ainsi produit le film pour un budget 10 fois supérieur. Le résultat n'a cependant pas été à la hauteur des attentes financières...
ET ÇA A MARCHÉ CE TRUC ?
Phantasm n'a jamais connu le succès d'Halloween, Vendredi 13, Les griffes de la nuit ou même Hellraiser. Les films sont essentiellement des succès d'estime. Les deux premiers ont été rentables (12 millions de dollars pour un budget de 300 000$ pour le premier film, 7,3 millions pour le deuxième pour un budget de 3 millions), mais les chiffres des opus 3 et 4 n'ont pas été communiqués. Ceci dit, mais avec des budgets passant de 2,5 millions (pour Phantasm 3) à 650 000$ (pour Phantasm IV) pour aboutir à un chiffre même pas communiqué (pour Phantasm 5), autant dire que ça ne doit pas être terrible. Phantasm reste donc une saga de niche au sein d'un genre de niche, bref, des films totalement inconnus du grand public.
MAIS C'EST BIEN CE TRUC ?
Cinq films créés sur près de quarante ans, autant dire que ce n'est pas possible d'avoir un avis absolu sur la saga. D'une manière générale, pour qui s'intéresse au cinéma d'horreur, Phantasm est effectivement incontournable. Le premier film a fortement influencé tout un pan de ce genre (notamment Les griffes de la nuit, qui lui doit beaucoup), à ce titre il est donc passionnant à regarder et à découvrir aujourd'hui. Pour le reste, et bien, passons rapidement en revue chaque film...
Phantasm I est un premier film à très petit budget, et franchement, ça se ressent à chaque minute : le rythme est plat, les comédiens sont médiocres, les effets spéciaux sont salement moches (même pour l'époque), c'est bourré d'erreurs techniques et de faux raccords, les dialogues sont la plupart du temps archi-nuls et nombre de scènes prêtent plus à la moquerie qu'autre chose... Et pourtant... Et pourtant qu'est ce que c'est bien !!! Oui, vraiment, Phantasm mérite amplement son statut de film culte. Il est bourré d'idées, à ras-la-gueule comme on dit. Certes, ce n'est pas toujours bien canalisé et ça a tendance à partir dans tous les sens, mais qu'importe. Qu'il s'agisse de la mythologie créée, de l'atmosphère mise en place ou des thématiques traitées, ce premier volet s'avère surprenant de bout en bout, parcemées de séquences incroyables qui restent en tête bien après le générique. Ca n'en retire pas tous les défauts, mais pour peu que l'on parvienne à passer outre, on se retrouve face à un premier film remarquable.
Phantasm II commence pile là où se terminait le précédent. Vu le final du premier film, on peut a priori se demander quel peut être l'intérêt d'une suite, et au départ, on a sérieusement l'impression d'être devant une grosse foirade tant cet opus ne parvient jamais à retrouver l'atmosphère si particulière de son ainé. Et puis... Et puis on comprend peu à peu que Don Coscarelli a tout simplement changé son fusil d'épaule. Loin du petit film indé s'appuyant sur une ambiance onirique, cette suite joue la carte de l'humour noir et de la bouffonerie à la manière d'Evil Dead II. Phantasm II perd dès lors toute la profondeur et toute l'intelligence de son aîné pour devenir une série B sans grande personnalité. Ceci étant, force est de reconnaître que passé un début un peu pété, cette suite va crescendo dans l'humour et le grand-guignol, et ce jusqu'à un dernier acte vraiment drôle. Alors oui, c'est un peu décevant (on passe d'un film qui a inspiré tout un pan du cinéma d'horreur à un autre qui ne fait que dupliquer ce qui existe déjà), mais ça n'en demeure pas moins efficace. Bref, Phantasm II est une vraie suite "de studio" : pas originale pour un sou mais plutôt efficace dans ses effets.
Phantasm 3, Le seigneur de la mort commence également là où se terminait le précédent, et poursuit dans la même tonalité que le deuxième opus : proposer un film d'horreur rigolard qui ne se prend pas au sérieux. Malheureusement, cette fois, les choses sont nettement moins réussies. Ce nouvel opus se contente de dupliquer une formule bien établie, et ce ne sont pas les quelques petits éléments explicatifs qui permettent de retirer cette désagréable impression de déjà-vu. Les gags sont plus forcés, et l'humour globalement moins convaincant. Les rares ajouts à la mythologie semblent plus surfer sur une mode (les zombies) que sur une nécessité narrative. Reste quelques séquences ici et là qui rappellent que Don Coscarelli n'est pas un manchot et qu'il peut transcender certaines scènes anecdotiques. Bref, Phantasm 3, sans être vraiment désagréable, n'apporte pas grand chose au schmilblick. En cela, le film est peut-être le plus faible de la saga.
Phantasm IV, Oblivion commence aussi là où se terminait le précédent. Cette fois, Coscarelli revient aux fondamentaux et tente de relier sa saga à la tonalité du premier. Par bien des aspects, on sent que le scénariste-réalisateur a tenté d'orienter sa saga vers une conclusion définitive (sans toutefois lui donner, la fin restant plus qu'ouverte). On y apprend les origines du Tall Man, on y découvre quelques petites choses originales et, surtout, l'ambiance onirique fait son grand retour (malgré une ou deux scènes volontairement grand-guignolesque). Don Coscarelli a de plus inséré dans l'histoire quelques scènes coupées du premier opus qui permettent de parfaitement ancrer les va-et-viens temporels dans l'intrigue. Par bien des aspects, Phantasm IV est le meilleur opus depuis le premier, et si ce n'était un épilogue franchement expédié (le film se termine tellement brusquement on croirait juste qu'il n'a pas été fini), il aurait pu constituer une conclusion en tout point satisfaisante.
Phantasm V, Ravager commence enfin là où se terminait le précédent. Ici, Don Coscarelli cède son siège de metteur en scène à David Hartman... et ça se sent... Déjà, le film est fauché comme les blés, et ça se voit. Les effets spéciaux sont ratés (un peu comme dans tous les films, il est vrai), mais ce n'est pas le pire : même l'image fait cheap, au point qu'on se croirait parfois dans un porno. Si on arrive à passer outre, on se rend bien compte qu'Hartman n'a pas le talent de Don Coscarelli tant l'ambiance s'avère être aux fraises. Les comédiens sont également un peu largués, un peu fatigués (Angus Scrimm, très âgé et dont c'est le dernier rôle, n'est guère plus très effrayant). Mais si ce cinquième opus est assez unanimement considéré comme le mouton noir de la saga, il n'en est pourtant pas complètement inintéressant. Il y a des idées, un potentiel et une fidélité à l'oeuvre somme toute assez plaisante. Mieux, il tend à enfin donner une conclusion digne de ce nom à Phantasm. Il y a une idée forte à la base, qui est traité de manière intéressante. L'ultime séquence, qui se termine de façon ouverte (comme dans tous les autres films) ne frustre pas et apporte une lecture intéressante de toute la saga (même si, malheureusement, elle n'est pas dans la continuité narrative du quatrième opus). Bref, c'est moche, vilain, plat, mais au moins, la saga ne se conclut pas si mal que ça...
Prise dans son ensemble, en dépit d'une qualité très fluctuante, la saga Phantasm mérite donc amplement son statut culte, et ce même si ce dernier est essentiellement dû au prestige du premier film. Découvrir aujourd'hui ces films très "artisanaux", créés de bric et de broc au fil des décennies, est passionnant. Bien sûr, la saga n'a rien de grand public, et nul doute que seuls les fans hardcore de cinéma de genre apprécieront... N'empêche, au final, la conclusion s'impose d'elle même : Phantasm, c'est très loin parfait, mais c'est quand même très cool !
ET ON PEUT LE VOIR OU CE TRUC ?
La plateforme de "screaming" Shadowz est active depuis le mois de mars dernier. Consacrée au cinéma d'horreur, elle offre un catalogue plutôt qualitatif (bien qu'encore limité) pour un abonnement de prix modique. Parmi ces films se trouvent les cinq volets de la saga Phantasm (que j'ai pu ainsi découvrir).
Sinon, l'intégrale DVD est disponible chez ESC distribution à un prix imbattable !
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Publié le mardi 12 mai 2020 à 09h00
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