Patrick Lacan parle de Tristes Utopiques
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Avec Tristes Utopiques, Patrick Lacan se livre à un exercice d’anticipation. Le recueil d’histoires courtes se base sur des articles trouvés dans la presse. Au programme humour, dérision et inquiétude sur l'avenir.
Comment s’est construit le projet Tristes utopiques ?
Il a commencé par quelques histoires courtes, que j’avais dessinées sans idée précise, en m’inspirant parfois de faits réels. Je les ai envoyées à des journaux et à la Boîte à Bulles sans projet clair. Ce n’est qu’ensuite que le recueil s’est formalisé. De nombreuses histoires se situaient dans un univers urbain, elles touchaient à la science-fiction tout en s’approchant d’une logique absurde. Il y avait donc matière à une cohérence, de sorte que la Boîte à Bulles m’a proposé un recueil d’histoires courtes.
À partir de ce moment-là, il a fallu faire se tenir les histoires entre elles. Au départ, comme je faisais ça sans penser à un album, je ne m’étais imposé aucune contrainte : les histoires venaient comme elles venaient. Pour le recueil, il s’est agi de maintenir une tonalité de fond identique à partir de récits conçus dans la diversité.
Chaque histoire est reliée à un événement de l’actualité. D’où viennent vos idées ?
Ça dépend des histoires. Souvent je pars d’une image, et l’histoire se développe au fur et à mesure. Puis je me rends compte qu’il y a une actualité qui s’y raccroche. À ce moment-là les deux, image et actualité, se recoupent.
Par exemple, on a relié le dernier récit, Enfantillages, à un événement d’actualité avec la crise des banlieues, la révolte qui grondait, symbolisée par un entretien du Monde. Mais l’image de départ, celle qui est devenue la première page, c’est une photo où on voyait un enfant se promener dans les rues vides de Barcelone.
J’aime beaucoup cette histoire, Enfantillages, qui est une des dernières que j’ai écrites, et seulement pour l’album. J’essaie d’y montrer, dans un monde où on a oublié de vivre ensemble, où émotions et sentiments sont en voie de disparition, comment une catégorie de la population peut en arriver à se débarrasser d’une autre.
Quel est le thème qui vous fait le plus peur ?
S’il faut en choisir un, ce serait le clonage (Accus).
Mais je m’inquiète aussi de certaines tendances sociales. Autour de moi, dans la société en général, on essaie de plus en plus de mettre les gens dans des cases de plus en plus petites. L’histoire HLM, c’est l’utilisation de l’être humain comme un objet, une transcription du monde du travail et de la société en général, il y a de plus en plus de contraction, de réduction des coûts, et à force on a de moins en moins d’espace pour respirer.
Forcément le fait d’être d’infirmier a joué. C’est un métier qui m’apporte beaucoup… une conscience de la fragilité de l’existence.
Comment se sont agrégées les différentes histoires du recueil ?
La première, Surmonde, était tirée de plusieurs rêves que j’ai recoupés. J’ai abouti peu à peu à cette histoire d’humains en surnombre. Les suivantes ont été faites pour des concours, notamment celui d’Angoulême, où j’ai fait partie de la sélection Jeunes talents. Dérives, Craac et Accus ont été réalisées à cette occasion.
Ensuite, plusieurs histoires ont été faites pour l’album, comme HLM ou Territoires ; des récits que j’avais commencés mais pas finis, ou d’autres qui sont nés d’un ensemble de discussions avec Francis Adam. Plus l’histoire était longue, plus les discussions ont pris de l’importance jusqu’à ce qu’on arrive au terme.
L’échange avec Francis, scénariste lui aussi, m’a permis de finaliser les choses et de les rendre plus cohérentes, notamment dans Territoires, le récit le plus long, qui a été très dur à mettre en place. Tout en respectant ce que j’avais envie de faire, il mettait le doigt sur mes contradictions.
L’enjeu du bouquin, c’était de faire un ensemble avec des histoires différentes, ce qui n’était pas évident. Les différents récits composent différentes hypothèses, plusieurs avenirs possibles.
Penser le recueil comme un tout cohérent, c’était une contrainte ?
Oui, mais c’est en se donnant des contraintes qu’on peut se permettre d’aller au-delà, d’exprimer vraiment ce qu’on veut. Avec la Boîte à Bulles, pour Tristes utopiques, ça a été acharné parfois, pendant un an et demi. Mais on a essayé de faire un album de qualité. Souvent je pars d’une idée, et j’écris l’histoire dans la continuité, donc je peux arriver à une finalité quelque peu incohérente ; c’est pour ça que j’ai besoin de contraintes, parfois d’un regard extérieur pour me donner le recul suffisant. C’est ce que m’a permis la Boîte à Bulles.
Vous n’avez pas eu envie de développer une histoire courte sur un format plus long ?
Non, ce n’est pas du tout la même façon d’écrire. Les histoires courtes viennent case après case, alors qu’une histoire longue s’écrirait plutôt scène par scène, en remontant jusqu’au moment où il y a un déclic. Je ne suis jamais encore allé jusqu'au bout d’une histoire longue, et j’ai envie de m’y attaquer maintenant. Cela dit, l’idée de faire des histoires courtes me plaît aussi. On verra comment cet album-ci sera perçu, peut-être que ça pourrait être intéressant de faire un deuxième tome...
Cet album est-il un acte militant ?
Pas consciemment en tous cas. Je n’ai pas le contrôle des histoires, elles se construisent d’elles-mêmes, donc je ne revendique pas un acte militant pur.
Comment êtes-vous devenu dessinateur ?
Je ne sais pas si ça a un rapport, mais mon père était représentant pour les éditions Dupuis. Alors j’ai grandi dans un milieu de bandes dessinées, et j’ai toujours eu envie d’en faire ma vie. Depuis, je ne me suis jamais arrêté de dessiner, même si mon style a évolué, en fonction des rencontres, des expériences, de ce que j’ai pu lire.
Quelles sont vos principales influences ?
Au départ, ma grande influence, c’est Franquin et Tillieux, mais ensuite mes envies ont changé... Il y a, bien sûr, beaucoup de dessinateurs que j’admire mais la liste serait trop longue. Pour le scénario, en général, j’ai beaucoup d’influences cinématographiques, mais j’essaie de trouver ma propre expression.
Quels sont vos projets ?
Actuellement, je travaille sur une histoire de huit pages pour le collectif Amour et désir à la Boîte à Bulles, prévu pour janvier prochain. Et je dessine aussi pour le site Internet de la clinique où je travaille. J’espère continuer à dessiner dans le Psikopat : je fais des histoires inédites d’une ou deux pages, et ils prépublient l’album depuis le mois d’avril. C’est un travail qui me plaît beaucoup : j’apprécie la contrainte du thème tous les mois. En plus je peux aussi y faire du dessin de presse, et c’est quelque chose que j’aime bien. J’ai aussi d’autres projets sans éditeur pour le moment, un recueil d’histoires courtes en collaboration avec une scénariste, avec des personnages récurrents, se passant dans un Moyen Âge inventé aux forts accents d’aujourd’hui, avec des histoires et un dessin plus amusants, et un projet d’album pour enfants avec une autre scénariste. Et enfin, j’ai cette envie de me lancer sur une longue histoire en un ou deux volumes.
Tristes Utopiques Scénario, dessin et couleurs : Patrick Lacan Parution juin 2007 à la boîte à bulles
Publié le mardi 22 mai 2007 à 14h01
Source : boîte à bulles
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Tristes utopiques
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Commentaires sur l'article
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Des "Tristes Utopiques", tu m'en mettras un carton de 12 de côté! La lecture de cet album au dessin nerveux ( qui me fait penser à M.Prado...), et aux scénarii en phase avec notre réalité un peu flippante, devrait me servir de catharsis et me permettre d'éviter de consulter un psy!!!
Bisous, Patrick, et surtout "M...." pour cette grande première tant attendue...du moins par le Petit Page!!!
Petit Page, le 26 mai 2007 09h51