Critique Rage et Rédemption #2 [2021]

Il y a des comics qui sous couvert de fun et d'action recèle une vraie portée politique : Bitter Root est de ceux-là. Scénarisé par Chuck Brown, cette histoire est plus que la chasse aux monstres qu'elle pourrait sembler être aux premiers abords. Initialement publiée chez Image Comics aux U.S.A et nommée aux Eisner Awards 2019 comme « meilleure nouvelle série », elle a obtenu l’Eisner ward 2020 de la meilleure série régulière. Après un excellent premier tome dont la critique complète est ici, voici que l’histoire se poursuit pour notre plus grand plaisir dans un deuxième volet intitulé Rage et rédemption, tout un programme…

Harlem, 1920. Une période de Renaissance de ce quartier noir. Pourtant, la famille Sangerye devient le seul espoir de New-York face à l'arrivée massive de monstres effrayants. Mais ces créatures sont en réalité des humains dévoyés, des blancs que la haine a transformés.

Les Sangerye luttent depuis des générations contre ce grand mal. Mais l'histoire de ce clan est complexe et certains membres ont choisi des voies différentes. Au départ, il s'agissait de purifier les âmes infectées, de soigner ces monstres. Désormais les membres de la famille Sangerye sont divisés entre sauver ces créatures ou les tuer.

Mais les monstres qui sévissent à Harlem sont d'un nouveau type et les membres de la famille doivent rester unis face à cette menace extrême. En effet de nouvelles créatures apparaissent et cette fois, elles ne sont pas nourries par la haine mais par la peur et la douleur. Provenant d’un autre plan, elles sont menées par un démon et semblent encore plus puissantes. Alors que Cullen connait l’origine de ces âmes torturées, le reste de la famille doit lutter pour ne pas être transformé également.

Ce tome très dense nous entraine en différents lieux et différentes époques notamment en Géorgie, ce sud américain qui a tant souffert dans les années 20. Nous découvrons aussi un peu plus les caractères des membres du clan et leurs relations interpersonnelles. Blink l’intrépide qui chasse avec son amie d’une autre famille et ses discours féministes en avance sur son temps par exemple est une bouffée d’air frais. C’est d’ailleurs l’occasion de découvrir qu’une famille asiatique et une irlandaise combattent aussi les monstres. L’univers s’enrichit et se complexifie.

Comme pour le premier volet, l’édition est accompagnée outre du cahier graphique de nombreux articles liés au sujet de Bitter Root : les émeutes de Tulsa qui conduiront à un massacre, la pensée spéculative noire, l’analyse de personnage de Ma Etta, cheffe de clan, le pluralisme des culture dans le Harlem de la Renaissance, les traditions magiques… Des articles et témoignages de qualité qui éclairent le comics et ajoutent à la profondeur de son propos. Engagée, cette saga fruit du travail de six artistes, est un bijou esthétique : le trait est vif, acéré et très expressif. Côté découpage, le choix est clair : ce sera de l’action, ultra-dynamique et des doubles pages explosives. Les couleurs elles-mêmes sont très tranchées, avec des roses vifs et des tons surprenants qui valorisent ce trait agressif. Bitter Root est dans son fond et dans sa forme une bande dessinée à découvrir absolument.