Critique 84K [2021]
Avis critique rédigé par Nathalie Z. le lundi 25 octobre 2021 à 08h00
Dystopie financière, quand 1984 rencontre la Servante écarlate
Claire North est le pseudonyme de Catherine Webb autrice primée dont le premier roman remonte à ses quatorze ans. Claire North est aussi l'autrice des excellents Touch (un personnage passe d’un corps à l’autre, des crimes, bluffant) et Les Quinze premières vies d'Harry August (un homme ne cesse de renaitre avec les souvenirs de sa vie d’avant, rythmé, émouvant, bien construit).
Dans 84k, elle dépeint une dystopie effroyable et sécuritaire, où le système judiciaire et la valeur de la vie humaine s'achètent. En sommes-nous si loin ?
Theo Miller est un employé sans histoire du Bureau d’audit des crimes. Un homme qu’on ne remarque pas et qui ne fait pas de vague. Son rôle consiste à évaluer chaque dossier qui lui est confié et à s’assurer que les criminels paient intégralement leur dette à la société. Enfin, quand il le peut car certains puissants et riches particuliers ont rapidement des passe droits. Mais Theo laisse couler, après tout, cela ne le concerne pas vraiment et son passé n'est pas tout blanc non plus.
Un jour, il croise une femme qu'il a connu il y a longtemps, avant même qu'il soit Theo Miller... Elle le reconnaît et menace de dévoiler sa véritable identité. Theo fuit cette personne qui n'est autre que son premier amour mais aussi la preuve de ses mauvais choix passés. Lorsqu'il apprend la mort de cette femme, il décide que la valeur que lui accorde le Bureau d'audit des crimes n'est pas suffisante et commence à faire des vagues.
Le roman se partage en trois époques : le passé de Théo, sa vie d'employé du Bureau et sa situation actuelle, blessé sur le bateau d'une inconnue. Cela rythme la narration et les éléments de la dystopie sont dispersés avec finesse tout au long de l'intrigue. Car ce futur, trop crédible est un des plus sombres envisageables : tout a été privatisé jusqu'au gouvernement. La Compagnie gère tout, la surveillance est extrême et les droits de l'Homme sont passés à la trappe face aux considérations sécuritaires.
Certaines scènes liées à l'emploi de Théo sont malaisantes : on découvre ainsi une justice qui punit moins les agressions sexuelles si la victime est habillée de façon provocante. De même si l'accusé est plus riche que la victime, le crime est jugé moins grave. Les riches n'ont donc plus qu'à payer une amende et sont libres de récidiver impunément. Bref, l’autrice dénonce ici une réalité moins flagrante mais bien triste de la justice.
Si ce roman est un peu moins accrocheur que les précédents (attention, on reste à un excellent niveau), le style narratif trahit les pertes de souvenirs de Théo et son état de confusion : c’est bien fait mais l’entrée dans le roman est plus difficile. Claire North montre encore son grand talent pour créer des histoires rocambolesques dans des univers crédibles.
La conclusion de Nathalie Z. à propos du Roman : 84K [2021]
Imaginez une dystopie sécuritaire et financière, oui je sais c’est facile. Imaginez que les vies humaines soient chiffrées et que chaque crime se paie au sens propre du terme. Imaginez un monde terriblement crédible, et presque probable. Voici le cadre de vie de Théo Miller un employé lambda qui n’a jamais fait de vague jusqu’à ce que…
On a aimé
- Un futur proche sombre mais probable et crédible
- Un système judiciaire de comptable, atroce et effrayant
- La dénonciation et la mise en exergue de problèmes réels
On a moins bien aimé
- L'entrée dans le roman n'est pas facile
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