Critique Angel [1999]

La seconde saison d'une série est souvent celle du changement dans la continuité. Fidéliser un public normalement acquis tout en étant capable de se renouveler afin d'éviter la routine. Un exercice périlleux tenté par Angel en 2000.

Pour rappel, Angel (1999-2004) est une série TV, spin-off de la très populaire Buffy contre les Vampires (1997-2003) créée par Joss Whedon. Ce dernier avait décidé de donner au « gentil » vampire ténébreux Angel sa propre série en 1999 accompagné du fidèle David Greenwalt devenant alors showrunner tandis que Whedon gardait la main sur la série mère. Le spin-off réussit donc ses débuts lors de la saison 1999-2000 pour être renouvelée avec le même fonctionnement pour Whedon et Greenwalt supervisant la production en s'octroyant le droit de réaliser et scénariser quelques épisodes de cette seconde saison. Une saison qui voit néanmoins l'émergence d'un troisième homme à savoir Tim Minear (Lois et Clark, X-Files...) ayant œuvré (en tant que scénariste ou réalisateur) sur 9 épisodes durant cette année 2000-2001. La machine semble rodée en coulisses afin de permettre à la série de connaître plusieurs changements à savoir un nouveau lieu central pour les héros, le retour de Darla afin d'explorer le passé d'Angel tout en offrant à ce dernier une réelle évolution psychologique. Néanmoins on retrouve la structure classique de la première saison tout comme cette lutte dans l'ombre avec un étrange cabinet d'avocats.

Cette saison 2 reprend directement après les événements de la première. La guerre que se livrent le vampire doté d'une âme Angel (David Boreanaz) et l'étrange cabinet d'avocats Wolfram & Hart versé dans l'occulte se poursuit à Los Angeles. Angel et ses alliés, la jeune aspirante actrice dotée d'un pouvoir de vision Cordelia Chase (Charisma Carpenter) et l'expert en démonologie Wesley Wyndom-Price (Alexis Denisof), accueillent un nouveau membre, le combattant local Charles Gunn (J. August Richards) tout en s'installant dans un vieil hôtel abandonné. Grâce aux pouvoir de Cordelia, ils peuvent connaître par avance les attaques de vampires et autres créatures belliqueuses. Des attaques ayant souvent pour origine Wolfram & Hart notamment le directeur des affaires spéciales Holland Manners (Sam Anderson) accompagné par les ambitieux Lilah Morgan (Stephanie Romanov) et Lindsey McDonald (Christian Kane). Ils sont parvenus à ressusciter la vampire Darla (Julie Benz) qui a engendrée Angel et fut sa compagne pendant plus d'un siècle. L'objectif est de perturber Angel afin que ce dernier n'interfère plus dans les projets de la firme. Un plan qui fonctionne puisque notre héros en sera psychologiquement très affecté devant notamment se tourner vers le démon Lorne (Andy Hallett) capable de déchiffrer l'aura des gens quand ils chantent... Le retour de Darla occasionnera des troubles au sein de l'équipe d'Angel tandis que d'anciens alliés comme ennemis feront leur apparition aux côtés de nombreuses créatures plus ou moins belliqueuses.

Comme la première, la saison 2 compte 22 épisodes de près de 45 minutes chacun. Un temps aujourd'hui considéré comme plutôt long pour une seule saison. C'était néanmoins la norme au début des années 2000 où les scénaristes avaient beaucoup de temps d'antenne à meubler. Pour cette seconde saison d'Angel, Joss Whedon, David Greenwalt, Tim Minear et les autres scénaristes les accompagnant ont décidé de faire autant évoluer leur personnage principal que le ton de la série. Il en ressort au final une saison à la tonalité très différente selon les épisodes. Les premiers sont dans la droite lignée de la première saison avec une ambiance urbaine très prononcée abordant des thématiques assez sérieuses telles que le danger des préjugés (épisode. 1), le racisme (ep. 2) ou même la pédophilie incestueuse (ép. 4)... Le tout en ayant toujours le souci de bien mélanger ses thèmes avec le fantastique où les monstres ne sont pas forcément ceux que l'on croit. Cela fonctionne toujours aussi bien que dans la première saison. La série décide ensuite de bien plus se focaliser sur le retour de Darla avec une série d'épisodes (5 à 11) mettant en avant leurs retrouvailles mais aussi leur passé comme leurs affrontements. Une série d'épisode permettant aussi de mettre en avant le passé sanguinaire d'Angel ainsi que ses premiers moments avec une âme tout en mettant en avant les vampires iconiques de la licence Buffy contre les vampires tels que Spike (James Marsters) et Drusilla (Juliet Landau). L'ambiance se veut aussi bien plus sérieuse, sombre et centrée sur les personnages. Cela sera contrebalancé par une fin de saison plus légère notamment les 4 épisodes finaux nous plongeant en pleine fantasy.

Cette fin de saison a au moins le mérite de surprendre avec cette histoire se déroulant dans une autre dimension dans une ambiance médiévale avec démons, sorcière, princesse et chevaliers... Un étonnant cocktail qui n'oublie toutefois pas de traiter de sujets sérieux comme le racisme où la place de la femme seulement renvoyée à son corps à travers le personnage de Cordelia. L'évolution de la saison n'est malheureusement pas toujours des plus subtiles avec des changements de tons comme d'ambiance assez soudains. Tout l'arc autour de Darla apporte beaucoup de sensualité et un peu de sexualité dans une série alors plutôt sage de ce côté. De même, on sent que les scénaristes ne savaient pas trop quoi faire de certains personnages qui apparaissent de manière sporadique comme la policière Kate Lockley (Elizabeth Röhm) ayant du mal à justifier sa présence. Même constat chez Wolfram & Hart dont on peine à bien comprendre le fonctionnement comme les intentions d'autant plus que la firme est parfois reliée à des épisodes au chausse-pied tandis que ses membres peinent à faire des méchants crédibles notamment Lindsey à l’obédience trop incertaine. On sent aussi que les scénaristes ont réellement voulu faire évoluer Angel faisant passer le personnage d'un extrême à l'autre. Il devient au milieu de la saison une sorte de vengeur se coupant volontairement de ses amis en adoptant l'adage de la fin justifiant les moyens jusqu'à être très moralement discutable. Puis il connaît une sorte de rédemption en étant ensuite bien plus ouvert devenant même un réel élément comique. Des évolutions psychologiques pas toujours très heureuses...

Malgré son côté daté et ses réels défauts, Angel reste une série aussi divertissante qu'attachante lors de sa saison 2. Déjà parce que l'on côtoie cet univers comme ses personnages depuis plusieurs années. En apprendre plus sur la vie violente d'Angel fonctionne bien permettant des voyages dans le passé. Les dynamiques entre les héros fonctionnent bien notamment la manière dont Gunn s'intègre à la bande. On apprécie aussi de voir des têtes connues comme Darla, Drusilla mais aussi Faith (Eliza Dushku) ou encore Harmony (Mercedes McNab) dans un sympathique épisode nous offrant une charge contre les sectes (ép. 17). Mais ce qui fonctionne le plus c'est assurément le côté divertissant de la série avec un cocktail efficace mélangeant monstres, action, humour, légers effrois. Le côté fantastique est très bien exploité et nous offre des créatures différentes et bien travaillées démontrant la grande qualité des effets spéciaux de maquillage qui tiennent toujours la route tandis que ceux en images de synthèse accusent leur âge. De manière générale, la série démontre bien que les qualités de production étaient loin d'être celles de maintenant... La saison 2 doit aussi s'apprécier si vous acceptez que la série cesse parfois de se prendre au sérieux comme cette idée de divination à travers le karaoké. De même, si les 4 derniers épisodes sont plaisants à suivre, c'est surtout si l'on accepte le côté délirant et second degré de l'ensemble... De là à dire que Angel (comme Buffy contre les Vampires par ailleurs) est une sorte de plaisir coupable... Pourquoi pas...

C'est surtout au niveau de la réalisation que cette saison 2 fait dater. Après, il est vrai qu'avoir plus de 15 réalisateurs différents (le plus prolifique est James A. Contner avec 3 épisodes) tend au final à une sorte d'uniformisation puisqu'il s'agit avant tout de yes-men et non pas des personnes apparemment choisis pour leur vision artistique. Bref, du convenu et de l'efficace tout en se voulant dans l'air du temps notamment via l'utilisation parfois trop importante de ralentis ou des transitions au montage agressif... L'ensemble reste très fonctionnel même si on pourra parfois reprocher quelques combats confus et une utilisation un peu trop forcée du hors-champ. Pour ce qui est des acteurs, on reste malheureusement sur la lignée de la saison 1. David Boreanaz (Buffy contre les Vampires...) a du mal à trouver le ton juste oscillant entre le monolithisme pour rendre Angel sombre et le cabotinage quand celui-ci se fait plus comique. Il s'avère toutefois plus convaincant quand il s'agit d'incarner la part sombre du héros. La sublime Charisma Carpenter (Josh Kirby... Time Warrior!, Buffy contre les Vampires...) s'améliore certes profitant d'un personnage plus travaillé mais on sent quand même ses limites. A leurs côtés Alexis Denisof (Lancelot, le premier chevalier, Buffy contre les Vampires...) et J. August Richards sont surtout efficaces même si parfois assez plats en Wesley et Gunn. On se consolera plus du côté de Julie Benz (Buffy contre les Vampires, Darkdrive...) aussi charmante que machiavélique ou encore Andy Hallett parfait dans son rôle de démon chanteur.