Avis sur Invasion Los Angeles [1988]
Avis critique rédigé par Christophe B. le mardi 29 mars 2005 à 15h10
Une critique sociale acerbe
La conclusion de Christophe B. à propos du Film : Invasion Los Angeles [1988]
Invasion Los Angeles est un film un peu à part dans la filmographie de John Carpenter. A part, dans le sens où, derrière l'histoire se cache une critique à peine cachée de l'Amérique Reaganienne. Invasion Los Angeles n’est pas le meilleur film du réalisateur, mais c'est tout relatif. Il reste tout de même d'un très bon niveau, et ce qui nous est proposé est plutôt agréable. Cependant, le film n'est pas aussi étrange que d'habitude, le climat n'est pas aussi stressant. Pourtant, le scénario est assez original, mais le ton semble considérablement adouci en comparaison de certains autres de ses films. L'histoire parait plus superficielle, John Carpenter ne semble pas vouloir nous emmener aussi loin que dans ses précédentes oeuvres.
Le film nous présente d'entrée de jeu un looser, un paumé, qui déambule dans les rues à la recherche d'un éventuel emploi. Le film vient à peine de commencer que la première critique arrive : Il n'y a pas de boulot pour les perdants, pour les marginaux. Le réalisateur s'en prend déjà à la manière dont on traite les exclus, à l'hypocrisie débordante des nantis. Et après cela, il en rajoute, puisqu'il fait dire, par l'intermédiaire du paumé en question : "J'ai foi en mon pays, j'aurais ma chance moi aussi !". Cette phrase ne se veut pas optimiste, elle n'est pas là pour faire prendre conscience aux gens qu'ils ont tous leur chance. Au contraire, Carpenter dresse un triste constat. Le constat d'une Amérique qui leurre ses habitants, les plus démunis d'entre eux au moins, car les riches s'en sortiront toujours. Tout au long du film, les critiques pleuvent. Chaque petite phrase est une pique de plus au système. L'Amérique Reaganienne ne plaît pas à Carpenter, et il le montre bien.
Au second degré, ce film est un pamphlet de tous les instants. Après une première partie d'introduction, il en vient au sujet principal, aux extraterrestres. Ils sont parmi nous, et viennent nous corrompre. Les riches et les contribuables cèdent à la facilité. Autant de luxe et d'argent gagnés aussi facilement n'éprouve guère la morale de ces gens là. Et si selon Carpenter, toute l'administration, toute la police, les médias et le pouvoir politique semblent trustés par ces aliens peu scrupuleux, le salut viendra du peuple. Si les deux héros du film sont un noir et un paumé, ce n'est sûrement pas le fruit du hasard.
La résistance s'organise au sein du milieu ouvrier. Lorsque par hasard, le héros tombe sur un paquet de lunettes noires et qu'il en chausse une paire, il alors découvre un monde unicolore et terne. Le monde des extraterrestres est un monde de grisaille où la distraction est interdite. Derrière chaque média, chaque moyen de communication se cachent des messages subliminaux visant à inculquer, à tous les citoyens, un mode de pensée bien défini. On peut ainsi lire, au travers de magazines ou de panneaux publicitaires, des idées du style: "Marie-toi et fais des enfants !", "Non à la libre pensée !", "Ne conteste pas les autorités !", "Obeissez !"... Mais l'élément le plus frappant est peut-être l'inscription que l'on peut lire sur les billets de banque: "This is your god (ceci est ton dieu)".
Ces signaux somment donc les gens à se soumettre, à rentrer dans la norme et à respecter l'ordre établit par et pour la classe dominante. Tous ces comportements, dictés à la population, sans qu'elle n'ait même conscience de leur existence, permettent de canaliser et résorber ensuite ses velléités de révolte et la rendent plus douce que l'agneau.
Carpenter nous a donc offert avec ce film sa première oeuvre "ouvertement" politique et s'en tire avec les honneurs. Il fait passer à travers un cinéma peu coutumier du fait des messages d'une justesse absolue. L'Amérique va mal et rien ne semble fait pour arranger les choses. A travers ce film, il a su toucher un public peu nombreux certes, mais présent tout de même. Le cinéaste ose décrire la vie et l'environnement des pauvres gens, avec ses bidonvilles, ses sans abris, ses déprimes et sa soupe populaire. Il en profite pour dénoncer l'individualisme, voire l'égocentrisme qui accompagne le libéralisme américain. Individualisme dont les riches se sont bien sûr fait les chantres ainsi que les dirigeants du pays (eux-mêmes peut-être à la solde des nantis). Le but de tout se beau monde est simple : assurer le pérennité de ce nivellement par le haut et par la même occasion, éliminer le membre gangrené de l'Amérique : les pauvres. Car rien ne doit changer dans ce monde somnolent et clean en apparence, où peu de gens osent bouger le petit doigt.
Tout en livrant une critique acerbe de notre monde contemporain, Carpenter, étonné par notre léthargie, l'explique à sa façon, via le fantastique.
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