Critique Les Fils de l'homme [2006]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le mercredi 21 mars 2007 à 11h21
Road movie évangélique
2027. La race humaine se meurt. La race humaine se désespère. La race humaine pleure la disparition prématurée de l’un des ses derniers enfants, un « jeune branleur » de 18 ans. Pourquoi ? Maladie génétique ou punition divine, nul n’en sait rien et nul n’en a plus cure. Les faits sont là, dans 100 ans, l’humanité sera retournée à la poussière originelle de la création et tombée dans l’oubli. Alors, dans les esprits, dans les corps et dans la rue, c’est le Chaos… A quoi bon construire un avenir si l’on ne sait plus pour qui ? Aujourd’hui, l’Homme, désormais sans but, trouve son bonheur dans les plaisirs éphémères et la destruction de tout ce qu’il a construit depuis des millénaires.
Seule l’Angleterre, bénie par l’esprit stoïque (obtus?) de ces citoyens, file dans la tempête. Néanmoins, le navire britannique tangue souvent, notamment sous le coup des extrémistes en tout genre. Parmi eux, les Poissons, un groupuscule d’activistes se battant pour la reconnaissance des droits des milliers de réfugiés qui arrivent tous les jours en terre d’Albion, fuyant un continent Européen noyé sous les insurrections, et qui croupissent dans des « camps de concentration » et des ghettos de mauvaise mémoire.
Citoyen de la couronne, Théo fut longtemps l’un des principaux dirigeants du mouvement des Poissons, en compagnie de sa femme Julian. Mais aujourd’hui, il a abandonné tout espoir, et il occupe ses journées dans un morne travail au ministère de l’énergie. Mais le « Destin » a donné à Théo une toute autre mission. Il était écrit que Théo devait retrouver Julian et qu’ensemble, ils allaient donner à l’Humanité une nouvelle raison d’espérer en la naissance d’une nouvelle ère….
Dans les Fils de L’Homme, Alfonso Cuarõn aborde sans détour le thème de la prédestination. Comme il l’a fait précédemment dans Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban (qui est le volet le plus abouti, et à mon avis le plus intéressant, de la saga), le cinéaste mexicain met en évidence, sans complexe ni effets de manche, ses convictions théologiques et notamment sa conception de la construction cosmologique de la vie. Un challenge délicat.En effet, aborder pareil thématique entraîne souvent une trame narrative dans le domaine du pathos et du directif de mauvais goût. Mais il n’en est rien en ce qui concerne Les Fils de l’Homme, véritable récit biblique et épique.
Le scénario semble tout droit sorti de l’Ancien Testament. Une communauté d’Elus se doit de protéger la matrice (une jeune black nommée Kee, nom qui se rapproche bien entendu de key, clé en anglais) et les premiers jours de la vie d’un nouveau Messie. Même si les clins d’œil christiques sont très nombreux (de la scène de l’étable au symbole du Poisson, en passant par ce rai de soleil dans la grisaille qui donne par moment un air angélique à Théo), et c’est normal au regard de la formation catholique du réalisateur, le message se veut bien plus universel. Cette ouverture d’esprit d’Alfonso Cuarõn se voit affirmé par la présence auprès de la « nouvelle Eve » d’une sage-femme de conviction Hindouiste puis d’une fidèle de culture Tzigane (nation réputée par son Arianisme et son paganisme).
Au niveau purement technique, le scénario est construit comme un simple road-movie au final paroxysmique et théâtral. Un parcours du combattant, « un sentier de rédemption » en terre impie et souillée qui va amener progressivement Théo au statut de Prophète (la séquence de l’escalier, dans le ghetto). La narration peut être séparée en deux parties. La première concerne directement la « conversion » de Théo (personnage extrêmement bien construit, et sans flashback bidon !). Elle met en scène le lent processus qui va faire de lui un croyant, puis un défenseur de cette nouvelle foi. C’est de loin la plus réussie, car la plus sincère et la plus personnelle. La plus riche aussi, avec d’excellents personnages secondaires (comme le vieux sage Jasper réfugié dans son Havre secret). C’est également cette partie qui met le plus en avant les capacités du cinéaste à créer et entretenir une atmosphère étrange, à mi-chemin entre le nihilisme néo-médiéval de Soleil Vert et la froideur feutrée de l’anticipation moderne à la Gattaca. Un mélange qui se veut efficace grâce à la pudeur formelle et à la retenue du cinéaste dans sa photographie, bien mise en valeur par la sobriété du jeu d’un Clive Owen inspiré et une réalisation qui se veut « live », avec une fausse approximation dans les cadrages, et peu de changement dans les valeurs des plans (il n’abuse cependant pas des plans séquences, affirmant par ce choix son classicisme).
La deuxième partie se veut plus dynamique. Amenée de manière peu logique (super endroit pour un rendez-vous !), elle sacrifie la symbolique sur l’autel du spectaculaire. La narration nous amène en effet dans le pur film de guerre urbaine, dans lignée d’un Chute du Faucon Noir (les dialogues débiles en moins) ou d’un Stalingrad (le gnan-gnan en moins). Et à ce moment, Alfredo Cuarõn juge bon de nous en mettre plein la vue, caméra à l’épaule à l’appui, avec quelques gouttes de sang sur l’objectif qui ne servent à rien à part faire loucher le spectateur. Le résultat est trépidant et immersif, c’est vrai, mais guère plus qu’un jeu vidéo du style FPS, et surtout nous éloigne complètement du sujet. On alterne alors le douteux (le défilé des extrémistes musulmans qui mettent à mal le dernier refuge de la civilisation, justifiant malencontreusement par la-même l’existence de ces camps) et le meilleur (la très cinématographique séquence de révélation, éphémère moment de paix et matérialisation du célèbre proverbe : un Ange Passe). Perdu au milieu de tant d’effets tonitruants, le symbole amusant d’un enfant de sexe féminin, pure illustration métaphorique de « la femme est l’avenir de l’homme » passe pratiquement inaperçu. J’aurais aimé un peu plus de prise de risque, tant pis…
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : Les Fils de l'homme [2006]
De nous leurrons pas, comme la subtilité de son titre nous l’indique si bien, Les Fils de l’Homme parle plus de l’humanité et de sa funeste destinée que de la naissance d’un enfant-messie, qui d’ailleurs sera une femme (comme si, après avoir constaté l’échec de Jésus et consorts, Dieu avait décidé de changer son fusil d’épaule). Pour illustrer cette idée, Alfredo Cuarõn a choisit d’opter pour un road-movie christique qui s’achève sur la vision apocalyptique d’une civilisation pervertie, avec à ce moment une réalisation qui met plus en valeur la forme que le fond. Une vision qui, malgré quelques faiblesses, délivre une forte émotion, et nous réserve parfois de grands moments de cinéma.
On a aimé
- Bonne réalisation
- Plusieurs niveaux de lecture
- Excellente interprétation
- Une atmosphère de fin du monde perceptible
On a moins bien aimé
- Un scénario pas si original que ça
- Une deuxième partie moins convaincante
- Sacrifie souvent la forme sur le fond
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