Critique Blanche-Neige et les lance-missiles #1 [2001]

"Les Uckler formaient un peuple industrieux, gai et généreux. En général. Ils se levaient tôt d'un air content, sifflaient en travaillant et avaient toujours un morceau de pain à donner à plus pauvre qu'eux (le quignon rassis de la veille, bien-sûr, car "généreux n'est pas neuneu", comme le disait souvent la grosse Couette). Pourvu, cependant, que ce plus pauvre qu'eux soit le beau-fils de la nièce de l'oncle de leur cousin..."
Le monde a commencé par être plat avant d'être sphérique, Blanche-Neige a été un cruel dictateur, la Belle au Bois dormant a attendu en vain son prince charmant, Peau d'âne s'est acoquinée avec le Prince Charmant, Cendrillon en a eu marre, elle est allée voir ailleurs si on y était, le Petit Chaperon Rouge n'est qu'une petite Vareuse qui a vu le loup du bûcheron, les Anges sont devenus des ivrognes, les démons aussi, la Grande Faucheuse est le rejeton de quelqu'un de connu et Bille Guette est celui qui a foutu une merde sans nom dans le Ciel, en Enfer, dans le Purgatoire et sur Terre. Quoi ? Si, si, ça s'est passé comme ça et c'est Catherine Dufour qui l'écrit. Et si elle l'écrit, ça doit être vrai...
En mai 2001 est publié aux éditions Nestiveqnen un roman d'un auteur inconnu jusqu'alors. Un roman qui ô surprise sort les esprits chagrins de leur morosité habituelle. Blanche-neige et les lance-missiles avait des airs des annales du disque-monde, du maître du burlesque outre-Manche: Terry Pratchett. Et la rumeur s'est répandue, a enflé: on sait aussi faire de la littérature rigolote chez nous, et c'est carrément bon ! Suivront donc dans la foulée les trois autres volumes de la série: l'ivresse des providers, Merlin l'Ange Chanteur et l'immortalité moins six minutes. Blanche-neige et les lance-missiles et l'ivresse des providers sont aujourd'hui réédités au livre de poche en un seul volume.
A l'instar des romans de Pratchett, on ne peut résumer un tel roman. C'est même inutile, d'ailleurs, car les digressions sont trop nombreuses, à un point tel que l'on est perdu la moitié du temps, comme dans le guide galactique de Douglas Adams, auquel l'hommage est autant appuyé que pour le Disque-Monde. Mais en France, on n'a pas les mêmes références qu'en Angleterre. On parodie les contes français, dont les classiques adaptés sur grand écran par Disney: Peau d'âne, Blanche-Neige, le petit chaperon rouge, Cendrillon, la belle au bois dormant et autres histoires féeriques. A l'inventivité dans l'élaboration du monde, héritée de nombreuses heures de jeu de rôle comme Maître de Donjon, Catherine Dufour y mêle aussi celle dans la forme du récit en altérant les codes et martyrisant les mots habituels de la fantasy. Ainsi, les dragons deviennent des gragons, les fougères des pougères (voir page 603 de la postface pour l'explication, un truc à voir avec l'espace-temps) et le petit chaperon rouge se voit affublé du doux surnom de TaGueule! Digne des Monty Pythons. Enjoy !