Critique L'étrange histoire du juge Cordier [1963]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le vendredi 21 août 2009 à 16h31
Journal d'un psychopathe
L'étrange histoire du juge Cordier est une libre adaptation de la célèbre nouvelle de Guy De Maupassant, Le Horla. Cependant, alors que dans le texte originel (écrit par un auteur qui, en 1887, commençait à sombrer définitivement dans la démence), rien ne permet de d'affirmer que la créature existe réellement et n'est pas simplement l'expression de la folie du narrateur, le script de Robert E. Kent lève (un peu) le doute quand à la nature fantastique et à l'existence du Horla, sans que l'on nous fournisse plus de détails concernant son origine.
Réalisé au début des années 60, durant la grande période du film d'horreur en technicolor basé sur les classiques de la littérature fantastique (Roger Cormany a réalisé ses plus belles oeuvres, notamment avec les adaptations, très libres, des textes de Edgar Allan Poe et de Howard Phillips Lovecraft), Reginald Le Borg bénéficie ici de tous les moyens des studios Admiral de Robert E. Kent (La belle et la bête, Nights of Terror), une compagnie qui désire s'éloigner du genre qui a fait sa fortune - le western des série B, désormais en net déclin -, et suivre la voie ouverte par l'A.I.P., afin d’y trouver d’autres sources de revenus.
S’inspirant d’autrui, L'étrange histoire du Juge Cordier bénéficie donc de l'atmosphère des films de l'A.I.P. (voir de la Hammer), Robert E. Kent poussant même le mimétisme en se payant le grand Vincent Price (qui est également au casting de Nights of Terror). Mais Reginald Le Borg - même si l'homme n'est pas dénué de qualité, notamment pour exploiter avec pertinence le moindre dollar investi - n'est pas Roger Corman, qui, on le sait bien, est un excellent réalisateur quand il s'en donne les moyens. Et, surtout, il ne bénéficie pas de l'appui de Richard Matheson, génialissime scénariste qui travaillait à l'époque pour le compte de l'A.I.P.
Mal calibré, le script de L'étrange histoire du Juge Cordier met en avant des éléments exigeant des moyens techniques que Reginald Le Borg ne possède pas. En effet, jouant sur le démonstratif plus que sur l'imaginaire, il force le cinéaste à mettre en forme des effets spéciaux rudimentaires qui rendent les séquences de possession absolument grotesques (Vincent Price se retrouve affublé d'un halo vert approximativement appliqué sur les yeux). Le script est également, hélas, nettement moins tragique que la nouvelle ; le juge Cordier n'entraînant pas dans la mort toute sa maisonnée – notons que la scène de l'incendie est cependant bien présente.
De plus, contrairement à La Malédiction d'Arkham, par exemple, réalisée la même année par Roger Corman, le film de Reginald Le Borg ne s'appuie que sur le seul personnage du juge Cordier, interprété, il est vrai, avec une classe absolue par Vincent Price. A coté de lui, il n’y a en effet pas grand-chose à relever. Pourtant le personnage féminin (interprété par Nancy Kovack, la future Médée de Jason et les Argonautes), à la fois ange et démon, a du potentiel et possède une certaine profondeur dramatique, mais en se contentant de la faire apparaître comme un grossier élément déclencheur des évènements, Reginald Le Borg fait apparaître cette femme opportuniste et malhonnête sous sa plus simple expression.
Mais attention, L’étrange histoire du juge Cordier n’est pas un mauvais film car Reginald Le Borg parvient tout de même à créer une ambiance autour de l’intrigue. Il est, c’est vrai, bien aidé par la superbe photographie d’un Ellis E. Carter qui n’a rien à envier, sur ce coup, au célèbre Bernard Haller, le bras droit de Roger Corman. Au final, grâce au mariage de tous ces aspects esthétiques et artistiques, le film parvient à dégager une aura fantastique assez captivante, et est même par moment brillant de par sa mise en scène classieuse et sophistiquée.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : L'étrange histoire du juge Cordier [1963]
Œuvre peu connue de la filmographie de Vincent Price, L’étrange destin du juge Cordier a injustement souffert d’être sorti durant la grande période de l’A.I.P, à l’ombre des joyaux technicolor de Roger Corman. En effet, sans atteindre le niveau des bons films de la compagnie rivale , le métrage de Reginald Le Bord possède d’indéniables qualités esthétiques et dramatiques qui font que, encore aujourd’hui, il demeure très agréable à visionner.
On a aimé
- Un bon Vincent Price
- Belle photographie
- Une bonne atmosphère
On a moins bien aimé
- Un script moyen
- Des FX ridicules
- Des personnages peu développés
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