Critique District 9 [2009]
Avis critique rédigé par Nicolas W. le samedi 12 septembre 2009 à 03h23
Un coup d'essai qui a tout d'un coup de maître !
District 9 est le premier long-métrage du sud-africain Neill Blomkamp. Celui-ci vous sera bien entendu inconnu puisqu'il n'a jusqu'ici réalisé que des publicités notamment Nike et Citroën (souvenez-vous des voitures dansantes...) et divers courts métrages comme les galops d'essai (Remarquables au passage) pour un hypothétique film Halo ou encore Alive in Joburg. Ce dernier pose les bases de District 9. En effet, suite à cette réalisation, il attire l'attention d'un cinéaste de renom en la personne de Peter Jackson. Les deux compères envisagent un premier temps de porter le jeu vidéo Halo à l'écran mais ils se voient bien vite refuser le budget nécessaire. C'est ainsi que pour 30 millions de dollars, Neill Blomkamp se retrouve à repenser Alive in Joburg pour accoucher d'un long-métrage purement science-fictif intitulé District 9.
Il n'est sans doute pas nécessaire d'entretenir plus avant le suspense à propos de District 9, celui-ci est simplement une claque inattendue, un petit bijou science-fictif. Le film s'ouvre sur une succession d'interviews, d'extraits de journaux télévisés, de reportages de rues ou encore des vidéos d'équipes d'intervention militaires. Le tout forme un documentaire plus vrai que nature sur l'arrivée des extra-terrestres sur la ville sud-africaine, introduisant avec une immense habilité les particularités des étranges visiteurs, ce que les humains leur accordent comme terre et comme estime et le début des tensions entre les deux communautés. Ici, il est clair que Neill Blomkamp surfe sur la vague [REC.], Cloverfield et compagnie mais...avec un talent tout autre. Ayant parfaitement assimilé les nombreuses sources d'informations de l'époque moderne et la puissance des images diffusées par ces médias, le réalisateur offre un aperçu extrêmement dense (les détails et informations jetés sur le spectateur sont innombrables) et pertinent des problématiques du film. C'est le premier point absolument remarquable du métrage, la maitrise absolue du procédé est totalement immersive, si bien qu'on se demande à un moment si ce n'est pas véritablement un vrai documentaire que l'on regarde. A l'image du trop ignoré Redacted de Brian De Palma, Neill Blomkamp utilise les médias modernes pour servir à consolider l'impression de réalité de son film. Le résultat est simplement bluffant.
Le reste du film prend une tournure plus conventionnelle dans la narration. Moins éclaté mais pourtant toujours aussi intense par l'utilisation de la caméra à l'épaule pour filmer. Sans abuser des effets de style inhérents à ce procédé, l'image reste totalement immersive, entrecoupée parfois de vue de caméras de sécurité, rappelant l'effet authentique/témoignage du récit. Le tout fonctionne à merveille et Blomkamp prouve qu'il sait très bien manier la caméra (certain pourraient bien s'en inspirer d'ailleurs) même dans les scènes d'actions, jamais "épileptiques", toujours lisibles.
C'est là l'autre point très fort du film, c'est à dire les effets spéciaux. Peter Jackson à la production assure la présence des studios Weta Workshop (déjà responsable des effets spéciaux de la trilogie le Seigneur des Anneaux ou de Fantômes contre Fantômes). Du vaisseau-mère aux armes aliens en passant par les extra-terrestres eux-mêmes, les effets spéciaux frôlent la perfection : l'incrustation est au top, le mélange synthèse / réel est parfaitement maîtrisé, le film est un modèle de qualité sur ce plan également. Il mérite que l'on s'attarde d'ailleurs sur deux points. D'abord les armes aliens, clairement inspirés des jeux vidéos tel que Half Life ou encore Halo, sont de brillantes réussites. Destructrices, bénéficiant d'effets spéciaux spectaculaires et pour le moins saisissantes par le résultat qu'elles donnent, c'est un vrai régal que de voir enfin les bonnes idées glanées de-ci de-là appliquées dans un film. Ensuite et surtout, c'est la représentation des aliens qui doit être vraiment saluée. Le boulot de Weta sur ceux-ci est fantastique, leur rendu est incroyable, l'animation autant que l'incrustation sont un sans-faute. Mieux encore, les expressions de ceux-ci sont d'une authenticité rarement vue, donnant un véritable capital émotion aux protagonistes xénos et notamment aux principaux, Christopher et son enfant, qui arriveront bien facilement à secouer le spectateur, un vrai tour de force!!!
Mais celui-ci ne serait rien sans l'acteur derrière cet alien, Jason Cope (qui assure d'ailleurs la gestuelle d'une dizaine de ces extra-terrestres). La conjugaison de talent de Weta et de celle de Cope accouche d'un personnage poignant, Christopher...Et tant que nous sommes à parler des acteurs, ils sont tous formidables. Les innombrables intervenants sont tous crédibles mais c'est surtout Sharlto Copley qui explose dans ce film. Interprétant un des agents du MNU qui va faire une désagréable découverte au cœur de District 9, il fait preuve d'un talent tout à fait digne de nombreux superlatifs. Jouant un homme pris entre sa fidelité au camp humain et confronté à une culture totalement étrangère, entre fragilité et courage, il compose un personnage qui porte littéralement le film sur ses épaules. Citons aussi David James, le redoutable Koobus dont l'interprétation ne souffre aucune remontrance. Finissons par préciser le seul défaut du métrage, on aura tendance à reprocher un trop grand anthropomorphisme des aliens. En effet ceux-ci ont des préoccupations qui semblent bien trop proches des humains par moment...Celà étant dit, il s'agit d'un défaut vraiment mineur en regard de la globalité du film.
Passons donc au cœur du sujet, l'histoire en elle-même. Comprenez d'abord qu'il n'est pas question ici de raconter les péripéties du récit mais plutôt de juger de plusieurs points essentiels pour comprendre pourquoi District 9 est non seulement une réussite dans la forme mais aussi dans le fond.
Ainsi, les aliens sont regroupés au sein du fameux District qui passe rapidement à l'état de bidonville insalubre et hostile. Rejetés par les hommes du fait souvent des différences culturels entre les deux races (pour les aliens ce n'est qu'une distraction que de brûler un camion par exemple), exploités par un gang de nigériens qui fait commerce de denrées dont les xénos sont très friands en les escroquant largement et opprimés/torturés/étudiés par le MNU pour leurs propres profits, les "Crevettes" ,comme les surnomment vulgairement les hommes, nous renvoient à des préoccupations bien plus actuelles. En effet Neill Blomkamp, sud-africain, met un point d'honneur ici à dénoncer virulemment l'Apartheid en remplaçant la population noire par celle des extra-terrestres. Ce message s'accompagne aussi d'une réflexion des plus pertinentes sur les différences qui conduisent aux conflits ouverts entre deux populations dont la culture diffère, message d'autant plus limpide que les différences doivent s'établir ici entre deux races et non deux ethnies. Dénonçant la violence, le peu de cas de la vie que font les humains des aliens, mais aussi un racisme ordinaire écœurant, District 9 revient à ce que la science-fiction a de fondamental : mettre en garde mais aussi faire réfléchir. Même si les immigrés ici n'ont rien d'humains en apparence, on s'aperçoit vite que ce concept d'humanité est difficilement applicable aux hommes, dont le comportement reste odieux. Le MNU est à ce titre l'exemple même de l'horreur d'une compagnie militaire privée puisqu'en dehors de toute gestion, seuls les profits prévalent et poussent encore davantage les hommes vers des moyens dignes des moments les plus sombres de l'humanité. C'est un message de tolérance que veut apporter Neill Blomkamp en même temps qu'un témoignage sur la ségrégation sous couvert d'un contexte science-fictif. Et la dénonciation est d'autant plus violente qu'elle touche juste. Il montre aussi en quoi, en essayant de comprendre la culture opposée, on peut en arriver à l'aimer tout simplement, bien que le chemin soit douloureux et semé d'embûches. Concédons au film également quelques brillantes touches d'humour, notamment par le tabou du sexe inter-espèce, pas très original mais qui fait toujours son petit effet comique.
Rassurez-vous, même si le métrage est avant tout une réflexion, il n'en oublie pas l'action et celle-ci occupe une bonne partie de la seconde moitié du film. Toujours excellemment réussies, ces scènes sont l'occasion de montrer à quel point Blomkamp est doué pour filmer caméra à l'épaule, chose que ceux qui ont pu voir les courts-métrages Halo savent déjà. Très impressionnantes donc et toujours réalistes grâce à ce cadre sale et crade volontaire de la ville de Johannesburg et surtout du camp de District 9, le film n'a rien à envier aux autres blockbusters (Dont certains, tel que Transformers qui tape dans une surenchère outrancière, devraient vraiment en prendre de la graine). Bien entendu la fin est à l'avenant du long-métrage, ouvrant plusieurs pistes très intéressantes (le réalisateur lui-même s'est clairement positionné pour développer son univers) et mêlant émotion et lucidité.
Evidemment, le film est à voir en priorité en VOST pour en apprécier toute la qualité.
La conclusion de Nicolas W. à propos du Film : District 9 [2009]
Neill Blomkamp n'a au final pas réalisé Halo, on en reste attristé mais aussi heureux, car sans cela, peut-être n'aurions nous pas eu ce film. Porté par des acteurs parfaits, filmé de façon brillante, bourré de bonnes idées et rempli d'effets spéciaux tous plus bluffants les uns que les autres, District 9 est un bon film. Si en plus on rajoute que son propos est d'une grande intelligence et fort bien abordé, que dire à part que Peter Jackson doit être mille fois remercié pour avoir supporté le sud-africain. Car oui, District 9 est un bijou qu'il est impardonnable de rater. Vous voilà prévenus, un grand réalisateur est né, il s'appelle Neill Blomkamp, et il n'a pas fini de nous surprendre. Respect.
On a aimé
- Le style documentaire de la première partie
- La caméra à l'épaule immersive
- Les effets spéciaux magnifiques
- Une histoire prenante et intelligente
- Le message sur l'immigration et la ségrégation
- Sharlto Copley
On a moins bien aimé
- Un peu trop d'antropomorphisme des aliens
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