Critique La Sagesse des Morts [2010]

"Jusqu'à aujourd'hui, ma plume a hésité devant le papier à l'heure de raconter le cas dans lequel Holmes et moi nous nous vîmes impliqués au début du mois de mars 1895. Le respect que j'éprouvais pour celui qui fut mon agent littéraire et mon ami me retenait. Bien malgré lui, il s'était retrouvé mêlé à cette affaire et je ne pouvais entacher sa réputation avec mes révélations..."

Quelques mois après que Sherlock Holmes a fait son retour à Londres et qu'il a fait tomber le colonel Sebastian Moran dans un piège, il est de nouveau confronté à une nouvelle énigme. Il assiste à une conférence donnée par l'explorateur norvégien Sigurd Sigerson. Or ce nom est celui qu'avait emprunté Holmes pendant les trois ans de son absence et, bien entendu, ce nom était fabriqué de toutes pièces...

Rodolfo Martinez semble être le fer de lance de la littérature de l'imaginaire espagnole, après avoir commencé à écrire dès l'âge de douze ans. Sa première nouvelle est publiée en 1987 et son premier roman, la sonrisa del gato, paraît en 1995. Il continue depuis à être très actif dans les revues spécialisées, publie de nombreuses nouvelles et une quinzaine de romans dont une série consacrée à Sherlock Holmes. La Sagesse des Morts est le premier de ses romans traduit en France aux éditions Mnémos, un recueil de deux nouvelles et d'une novella. De quoi nous donner envie d'en lire plus. 

Les oeuvres de Conan Doyle décrivent des enquêtes policières narrées par le compère d'Holmes, l'inoxydable Watson. Sherlock Holmes est un détective privé et, par ses observations et un jeu de réflexion compliquées, aboutit à des déductions fulgurantes. Alors pourquoi parler d'un personnage de roman policier ici ?
L'écrivain espagnol choisit de confronter le célèbre détective au paranormal et à l'étrange.

Dans la novella la sagesse des morts, Sherlock Holmes est confronté à un homme à la hauteur de son talent. Il va devoir au mieux utiliser ses compétences en déduction, en déguisement et trouver les connaissances nécessaires pour pouvoir piéger son alter ego. C'est franchement le meilleur texte, au-delà du fait qu'il soit le plus long, ce qui permet à Martinez de revenir et expliquer à tout lecteur ignorant de l'oeuvre de Conan Doyle les contextes et les relations entre chacun des protagonistes. Il est d'ailleurs assez amusant d'y voir Arthur Conan Doyle lui-même côtoyer ses propres personnages. En grand connaisseur, Rodolfo Martinez mêle Sherlock Holmes à l'occultisme de manière assez juste.
Dans la deuxième nouvelle, depuis la terre au-delà de la forêt, la construction est assez hybride voire bancale car Sherlock Holmes va faire la rencontre de Van Helsing. L'auteur espagnol a le malheur d'essayer de rendre hommage à la fois aux oeuvres de Conan Doyle et de Bram Stoker, avec son côté épistolaire. Du coup le résultat est un peu brouillon.
La dernière nouvelle l'aventure du faux assassin n'est rien moins qu'une enquête sans autre composante étrange ou paranormale. Peut-être n'est-ce dû qu'à la faible longueur mais elle laisse un petit goût d'inachevé. La chute est assez brutale et le procédé déductif de Sherlock Holmes est très limité en comparaison avec ceux, très nombreux, du premier texte. C'est à se demander si ce texte avait sa place ici, non pas à cause de sa qualité mais pour une question de cohérence.