Critique Rosée de feu [2010]

"Tous les jours, après l'école, Hideo rentre chez lui. Il emprunte à chaque fois le même chemin, non pas choix mais parce qu'une seule voie de terre poudreuse relie à travers champs sa ferme au petit village de Kagohara, situé à soixante cinq kilomètres de Tokyo..."

Lorsque les Etats-Unis entrent en guerre contre le Japon le 7 décembre 1941, suite à l'attaque de Pearl Harbor, les Japonais pensaient poursuivre leur politique expansionniste, après l'invasion de la Manchourie dès 1931 et la poursuite de la conquête asiatique à partir de 1937. Mais malgré leurs premiers assauts victorieux, l'invasion dans l'océan pacifique est contenue, puis repoussée petit à petit vers l'île de Kyushu. La seule façon de pouvoir endiguer la contre-attaque américaine et ses milliers de navires en route vers Tokyo est drastique : les pilotes doivent se sacrifier avec leur monture, les célèbres Ryû. Les dragons. Tatsuo est l'un de ces chevaucheurs de dragons qui bataillent sur le front. Hideo, son petit frère, est resté à la maison familiale et subit le conflit de l'intérieur du pays. Obayashi, maître archer et artisan tactique suit le conflit d'un point de vue plus global. Verront-ils la fin du conflit ?...

Xavier Mauméjean a publié son premier roman il y a dix ans. C'était les mémoires de l'homme éléphant. Il a, depuis, écrit de nombreux romans aussi bien pour le public jeunesse qu'adulte, souvent loués par la critique : La Ligue des Héros, La Vénus Anatomique, Car je suis légion, Lilliputia, Bloodsilver dans une certaine mesure... Paru aux éditions le Belial', La Rosée de feu est son dernier roman, ancré sur des bases historiques dont il se permet de s'écarter pour ajouter la petite touche de merveilleux. De quoi mêler culture et divertissement avec délectation.

Rosée de feu s'inscrit dans le même esprit que Bloodsilver. Xavier Mauméjean nous raconte l'Histoire pendant la deuxième guerre mondiale, celle du côté japonais, en s'appuyant sur de nombreuses anecdotes et faits historiques (et donc véridiques) et à travers la vie de trois personnages fictifs. Ce qui intéressera le lecteur, c'est que ces points de vue sont très différents notamment par leur perception (celles d'un enfant de six ans, d'un jeune homme de vingt ans et d'un haut gradé de l'armée). Ils ne subissent pas la guerre de la même manière. Cette guerre les amène sur des plans d'information tout à fait opposés. L'endoctrinement n'est pas à mettre sur une même échelle pour chacun. Tous se font manipuler, en fin de compte, mais les retours à la réalité sont inversement proportionnels.
Sur la forme, Xavier Mauméjean, habituellement plus emphatique, est plus sobre. Pour jouer un peu plus son rôle de conteur, il a raccourci ses phrases, épuré son style. Le résultat le plus lisible est que certains passages historiques ont l'air de dépêches officielles de l'époque (sans parler des citations qui, parfois, sont sidérantes). Il se dégage un parfum d'authenticité, des effluves de ce Japon de 1941.

Pour ce qui est du côté imaginaire, il fait preuve d'imagination et réinvente les dragons. Il n'est plus question de créatures intelligentes qui terrorisent les pauvres âmes qui oseraient croiser leur chemin. Les dragons s'avèrent être aussi dociles que des chevaux. C'est toute la différence et pourtant c'est un détail en regard du véritable propos du roman.

Concluons avec un clin d'œil : un roman de Xavier Mauméjean, c'est comme la quenelle Petitjean, c'est toujours bon, mangez-en.