Critique Crépuscules [2010]

Avis critique rédigé par Nicolas W. le lundi 29 novembre 2010 à 01h57

De sombres avenirs

"La chaleur, insupportable. Le bruit infernal. Les hommes courbés sur les parois; les porions, hurlant toujours. J'en ai assez. J'ai l'impression de me vider de toute mon eau. De sécher sur place comme un arbre mort. La mort. L'enfer des mines de Loren III. Cette folie organisée. Et rentable, malheureusement."

ActuSF et Thierry Di Rollo s'associent une nouvelle fois pour Crépuscules. Après Cendres, un premier court recueil de quatre nouvelles, le second ouvrage du français pour les Trois Souhaits rassemble cette fois six nouvelles, dont deux inédites. Même si l'on connaît surtout Di Rollo pour ses romans noirs tels que La lumière des morts ou Meddik, l'écrivain confirme ici son talent pour la forme courte tout en déployant un univers glauque et sombre à souhait.

Il ne faut pas être surpris de retrouver le thème de l'exploitation de l'homme par l'homme dans Crépuscules. Ainsi, la nouvelle Eléphants Bleus qui ouvre ce recueil renvoie instantanément au roman La profondeur des tombes.  Le lecteur se retrouve dans les mines étouffantes de Loren III pour suivre l'enquête d'un androïde et d'un humain sur la mort de plusieurs mineurs. Rapidement, l'atmosphère devient pesante et étouffante au cœur de la crasse où ces hommes, en fait des bagnards, sont condamnés à creuser. Une horreur bien tangible grâce au style Di Rollo, désormais reconnaissable entre tous. Pourtant, l'ambiance ne prime pas sur l'intrigue qui se révèle tout aussi réussie, notamment par la présence de ces fameux volatiles de compagnie, les compagnons. Hippo! prolonge doublement cette première histoire. D'abord parce qu'elle partage un univers commun avec elle, mais aussi parce qu'il s'agit encore d'exploiter les hommes, pour rechercher de l'or cette fois-ci. Le convoyeur LockWood doit tester un nouveau prototype d'Hippo, organisme modifié à partir de nos hippopotames. Malheureusement, ni le test ni le prototype ne s'avéreront ordinaires. Comme précédemment, le récit possède une ambiance pesante d'injustice et de saleté. Il joue également sur le même type d'intrigue avec une enquête sur le dysfonctionnement de l'Hippo. Le résultat évite pourtant la redite. De plus, Thierry Di Rollo a son petit mot à dire sur le remplacement de l'homme par la machine. Un mot forcément pertinent...

Seconde facette du recueil : l'amour selon Di Rollo. Dans la nouvelle qui suit, Seconde Mort, Rémi nous raconte son amour impossible avec une prostituée handicapée (Un petit goût de Dr Adder...). Nous y découvrons un amour plus fort que le désespoir ambiant, plus fort que tout, que même la mort ne peut décourager. Au contraire, car dans l'univers de Di Rollo, il semble que mourir soit la seule porte de sortie d'un monde écrasant et terrifiant. Le seul échappatoire où vivre son amour. On retrouve cette notion entre Graziella et Rémi mais aussi dans l'amour tout maternel qui lie Madame Simon et le jeune Graëff. Une magnifique et splendide incursion dans le fantastique. Cette vision à la fois poétique et pessimiste de l'amour se retrouve dans un des deux récits inédits, Le crépuscule des Dieux. Cette fois, c'est pour aimer Aude que Jason doit mourir. Englués dans une religion qui prône la crucifixion comme ultime dévotion, les hommes ne perçoivent plus l'absurdité de leurs actes. Seul reste l'amour fou de Jason. Thierry Di Rollo mêle fanatisme et sentimentalisme, deux mots que tout oppose. Pourtant, l'alchimie opère au sommet de la colline des crucifiés. Un texte cruellement beau.

Cet amour forcément condamné se retrouve un peu dans La ville où la mort n'existait pas et où Jon n'aimera pas Gaïa bien longtemps. Dans cette ville-fantôme où les morts reviennent à la vie et rajeunissent, tout semble possible. Mais revenir de la mort n'assure en rien le bonheur de celui qui ressuscite. Récit absurde mais fascinant où le désespoir suit le lecteur à chaque page, La ville où la mort n'existait pas oppose les générations d'une façon aussi terrible qu'originale. Vous n'envisagerez plus le cycle de la vie de la même façon... Toujours traversés par une ironie grinçante et glaçante, les récits de Thierry Di Rollo font très souvent rire jaune. Un hippopotame génétiquement modifié fouillant la vase en quête d'or et qui refuse d'obéir. Des jeunes qui pourchassent des vieux qui deviendront eux-mêmes des jeunes... Ou encore des voyous qui agressent un homme dans une ruelle et tombent sur une sorte de loup-garou. C'est le cas de l'autre histoire inédite, Un dernier sourire. Courte et grinçante, la nouvelle paraît un poil anecdotique face aux autres, malgré une fin des plus noires. Peut-être la seule fausse note du recueil.

"Le crucifié est sur sa croix. Le soir tombe au-dessus de la colline chenue. Et le soleil ne figure plus qu'une pâle rondeur dans les limbes de l'horizon. Quelques nuages gris, comme des taches suiffeuses, perlent de chapelets étiolés les vastes lointains. La misère; rien que la misère, pour seul décor."

Remerciement à Amandine V. pour la relecture.

La conclusion de à propos du Recueil de nouvelles : Crépuscules [2010]

Auteur Nicolas W.
80

Second essai concluant pour Thierry Di Rollo aux éditions ActuSF, Crépuscules regroupent un petit échantillon de l'immense talent du français dont le style et le monde continuent à fasciner. C'est également, comme pour Cendres, une excellente porte d'entrée sur l'univers de Di Rollo. En attendant son Bankgreen aux éditions du Bélial, prévu pour 2011.

On a aimé

  • Le style impeccable
  • L'univers noir
  • Elephants Bleus
  • Seconde Mort

On a moins bien aimé

  • Un dernier sourire

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