Critique Mega Shark contre Crocosaurus [2011]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le vendredi 29 avril 2011 à 18h58
Le double défi de Crocoman
Suivant la plus pure tradition du Kaijû eiga (le film de monstres géants japonais), la compagnie Asylum continue de nous étonner en faisant s'affronter ses improbables et gigantesques créatures. Le plus prolifique des studios indépendants basés à Hollywood (dirigé par David Michael Latt) prend ainsi la relève de Cinetel Films qui, souvenez-vous, avait initié cette mouvance avec un mémorable KVC (aka Komodo versus Cobra, réalisé par le plus potache des réalisateurs de nanars, Jim Wynorski) avant d'orienter ses productions vers le film catastrophe (ique). Ici, comme le laisse entendre le titre, l'on a affaire à une rencontre explosive entre le terrible et célèbre Mega Shark (un animal plutôt versatile puisque ce Megalodon, qui prend dix tonnes à chacune de ses apparitions, a œuvré aussi "bien" pour les studios Nu Image que pour Cinetel et Asylum) et un nouveau venu, le Crocosaurus, qui apparait comme une sorte de croissement entre le Dinocroc et le Supergator. Ainsi, à la vue de ces analogies morpho(il)logiques, l'on peut donc en déduire que les deux monstrueux sauriens ne se sont pas contentés de s'échanger des gifles lors de leur rencontre en 2010 (cf. l'inoubliable Dinocroc vs. Supergator) mais ont aussi versés dans la bagatelle.
La première question qui pourrait venir à l'esprit d'un spectateur réfléchi (pour peu qu'il y en ait qui regardent ce genre de trucs) porterait sur la nature même des créatures, et notamment sur ce qui concerne les spécificités de leur environnement naturel. En effet, comment un animal marin, comme le requin, pourrait rencontrer un amphibien d'eau douce, comme le crocodile, quand bien même les versions présentées dans le film seraient des spécimens un tantinet spéciaux? En fait, les scénaristes ont anticipé cette question en prenant bien soin d'éviter d'avoir à y répondre franchement. Ils partent du postulat que le Crocosaurus ne sait pas faire la différence entre le cours paisible d'un fleuve africain et les profondeurs océaniques. Ses proies, il les ingère avec ou sans sel.
Comme dans tout bon kaijû eiga qui se respecte, la rencontre entre les deux monstres ne se produira qu'à l'occasion d'un furieux climax final. Avant ce moment, les deux créatures suivent des trajectoires meurtrières séparées mais forcément convergentes. Le Crocosaurus vient d'Afrique, un continent qui se résume ici à une grotte, un bar de brousse (avec un figurant avachi en fond de cadre faisant office d’unique déco) et une falaise. Réveillé par les coups de pioches des trois ouvriers noirs et les vociférations de leur contremaitre, tous employés d'une société d'exploitation de mines de diamants, le Crocosaurus sort de son antre, bouffe les importuns et décide d'aller pondre des œufs. Plein d'oeufs, un peu partout. Une véritable poule pondeuse, ce Crocosaurus.
Intervient alors Crocoman (si, si), le héros, qui revient d’une chasse au sanglier empaillé. Engagé par une pétasse missionnée par la compagnie minière, l'aventurier va aller à la rencontre du monstre et, à notre grande surprise, parvenir à endormir ce bestiau de 30 mètres de long avec une simple lance à seringue hypodermique. La pétasse, elle, n'est plus là. Elle a joué les Apéricube pour Crocosaurus (on a oublié de lui dire qu’il était malpoli de marcher sur la tête d’autrui, aussi saurien soit-il). Débarrassé de son employeur, le chasseur a l'idée de faire discrètement embarqué le croco géant sur un bateau (les douaniers et les employés des services portuaires africains sont probablement des aveugles) pour aller le revendre dans un pays civilisé comme monstre de foire. On se rend alors compte que Crocoman n'a pas retenu les leçons morales prônées par King Kong et Jurassic Park, deuxième du nom.
Car évidemment, comme l'océan est une mare, le bateau transportant le Crocosaurus va croiser la route d’un Mega Shark joueur qui a momentanément abandonné ses deux occupations favorites: le saut par dessus les cuirassés, à la manière de Flipper le dauphin, et les dégustations de sous-marins nucléaires (qu'il mange comme un pique-niqueur le ferait avec des bâtonnets de surimi). Résultat: le navire sombre sous les coups (hors caméra) du mégalodon et le Crocosaurus se retrouve libéré de ses liens. Du coup, le croco préhistorique décide d’en profiter pour faire du tourisme... et de pondre des œufs. Seuls survivants du naufrage, Quand à Crocoman et son pote, seuls survivants du naufrage, ils se retrouvent sur une plage à paillottes, à braquer de pauvres gosses avec leurs calibres. Quand arrive dans son hélico l’agent Hutchinson (Sarah Lieving, décidemment abonnée à ce type de navets).
Evidemment, tout comme voyager, faire autant de bébés, cela ouvre l'appétit. Et voilà donc Crocosaurus parti en quête de nourriture, lâchant toujours derrière lui des milliers d'œufs. Direction ; le canal de Panama, la Floride, la Californie. Le tout en seulement quelques jours (sacré magie du cinéma !). Crocoman, son side-kick, Hutchinson, un gugusse qui a inventé une machine à attirer (ou repousser, je n’ai pas trop saisi) les requins, et l’amiral Calvin se lancent à ses trousses. Ils n'ont d'ailleurs aucun mal à suivre ses traces car, comme le disait si bien le docteur Malcolm dans Jurassic Park, il leur suffit de suivre les cris. A coté de cela, le périple du saurien géant ne manque pas d'éveiller l'attention du Mega Shark qui est particulièrement friand de plats à base d'oeufs frais. L'on a donc droit à quelques spectacles se voulant apocalyptiques, comme lorsque le Crocosaurus, pour défendre ses œufs, affronte le Mega Shark dans une écluse du canal de Panama, alors qu'au dessus d'eux la chasse américaine arrosent les lieux avec des nuées de missiles air-sol.
Bon, disons-le tout de go, Mega Shark vs. Crocosaurus est une terrible bouse. Du raclage de bidet pélliculé. Le scénario est absolument stupide, horriblement écrit et présente des personnages idiots aux lignes de dialogues ridicules. La réalisation de Christopher Ray (fils de Fred Olen Ray) est un océan d’approximations, un tsunami de faux raccords. Mais le pire vient des effets spéciaux, carrément calamiteux. En plus de présenter des problèmes d'incrustation, les CGI sont victimes d'erreurs de proportions dont l'ampleur frôle le surréalisme. En fait, au gré des plans, les deux créatures ne font jamais la même taille. On a par exemple la vision d'un aileron de requin faisant la taille d'un croiseur américain et, le plan suivant, ledit requin qui jaillit de l'eau pour nous amuser d'un numéro de Marineland n'atteint même pas les dimensions du même navire. Et c'est comme cela tout le film. Sachez, par exemple, que le Crocosaurus de trente mètres sort d'une mine dont le plafond se situe à peine à 2 mètres de haut. Evidemment, ces grossières erreurs de raccord dans les FX entrainent un phénomène d'effet domino dont l'une des plus hilarantes conséquences est une torpille atteignant la taille du sous-marin qui l'a lancée.
Incapables de s'exprimer au cœur d'une mise en scène moisie, les comédiens sont mauvais. Vraiment mauvais... Et parfois désopilants - comme lorsqu'ils miment d'être dans un hélicoptère en vol et qu'ils discutent entre eux sans être aucunement gênés par le vrombissement des rotors (l'impression de vol est juste simulée par l'air d'un ventilateur sur les cheveux d'acteurs qui oscillent doucement sur leurs sièges). Comme souvent dans ce genre de bouse, le plaisir de visionnage repose sur le ridicule des dialogues et des personnages. De ce point de vue, si vous êtes amateurs de nanars, Mega Shark vs. Crocosaurus se révèlera votre came. Au milieu du lot, interprétant un amiral absolument crétin, Robert Picardo est comme un diamant serti sur une couronne d'étron. Cabotin en diable, l'on a l'impression que le comédien a saisi le ridicule de la situation et décidé de (sur)jouer le jeu à fond, nous offrant la vision caricaturale d'un personnage de cartoon. Bien évidemment, l'on peut également être triste de voir le comédien se ridiculiser dans ce type de production fauchée. A noter dans le rôle de l’intello inventeur de la machine à attirer (ou repousser) les requins, Jaleel White, le Quincy de la série La vie de famille.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film (Direct to Vidéo) : Mega Shark contre Crocosaurus [2011]
Mega Shark vs Crocosaurus est un véritable festival de n'importe quoi. C'est à croire que les scénaristes de ce monument de stupidité sont, soit des évadés d'un asile psychiatrique, soit des gosses de huit ans bourrés au Champomy frelaté. En fait, avec ce film réalisé par un Christopher Ray dont l'on a du mal à juger s'il est un fumiste ou un incompétent (peut-être les deux à la fois, d'ailleurs), le studio Asylum n'a jamais autant mérité de porter ce nom. Reste que le spectacle pourra être éventuellement apprécié par le fan de nanars très tolérant, car même certains d'entre eux risquent de trouver que, dans le cas présent, le bouchon du foutage-de-gueule a été poussé un peu trop loin.
On a aimé
- Si nul que cela en devient drôle
On a moins bien aimé
- Absolument rien à sauver
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