Critique Wiraqocha [2011]

Avis critique rédigé par Benoît F. le dimanche 5 juin 2011 à 18h25

O Fortuna

A l’aube du XXème siècle, l’Empire britannique tente de restaurer sa fameuse Pax Britannica. Sa Majesté la reine Victoria II est informée de la découverte d’un minerai aux propriétés étonnantes : le somnium. Capables d’alimenter des machines de guerre aussi farfelues qu’infernales, ces précieux cristaux vont devenir objets de convoitise et symboles d’une nouvelle ère colonialiste. La vallée de Wiraqocha, située en Amérique du Sud, demeure la seule mine de somnium du monde connu. La Reine décide alors de confier son exploitation à des consortiums avides de faire fortune. God saves the Queen !

 

 


DU STEAMPUNK COMME ON DIT PAR CHEZ NOUS !

Certains connaissent le film d’animation de Katsuhiro Otomo (Steamboy), d’autres ont eu vent de ce genre d’univers au travers d’œuvres littéraires. Bref, le steampunk est devenu à la mode. Mais qu’est-ce donc ? Et bien vous prenez une pincée d’inspiration « vernienne », un soupçon de machines infernales et autres robots bardés d’engrenages, le tout cuit à la vapeur et conditionné dans un réceptacle de l’époque victorienne. Votre steampunk est prêt ! Plus sérieusement, il s’agit d’un univers reposant sur un passé qui aurait pu être, une époque victorienne sur laquelle viennent se greffer savants fous et autres gentlemen aventuriers.

Le premier jeu de l’éditeur belge Sit Down ! nous propose donc un thème steampunk soutenu par un design graphique abouti et bien ancré dans son sujet. Tout est là : zeppelins, rayon de la mort, explorateurs, robots à vapeur, etc.… Le talent de Yuio, illustrateur en titre, sert admirablement l’ensemble en y apportant une petite touche façon Disney, agréable et haute en couleurs.

D’un point de vue matériel, la qualité est au rendez-vous. 22 tuiles hexagonales serviront à composer un plateau changeant à chaque partie. Le reste est affaire de jetons en carton, pions en bois, cristaux de somnium en plastique, de cartes Technologie et d’une dizaine de dés.

Les tuiles Territoire

 

Les règles sont claires, nourries d’exemples et proposées en trois langues dont le français. Quatre aides de jeu seront là pour vous soutenir tout au long de la partie. L’ensemble demeure didactique et sans contradiction.

L'aide de jeu

 

 

AU SERVICE CONCRET DE SA MAJESTE

Une partie de Wiraqocha peut réunir de 2 à 4 participants. Seules les conditions de victoire changeront en fonction du nombre de joueurs. Pour espérer l’emporter, trois possibilités s’offrent à vous : découvrir l’emplacement du trésor de Wiraqocha en réunissant les quatre artefacts situés dans les ruines ; expédier une cargaison de somnium à votre chère et tendre impératrice ; construire une machine de destruction massive répondant au doux nom de Léviathan en acquérant des cartes Technologie.

Les cartes Technologie

 

Le plateau de jeu est composé aléatoirement à l’aide des 22 tuiles symbolisant jungles, ruines, villages et filons de somnium. Chacun reçoit un set de pions aux capacités diverses et variées (2 foreuses, 2 explorateurs, 2 zeppelins, 1 camp de base). Ensuite, trois cartes Technologie sont placées face visible à côté du plateau de jeu. La partie peut commencer.

Les pions des joueurs

 

Chaque joueur effectue son tour avant de passer la main à son voisin de gauche. Celui-ci se compose de trois phases :

- Préparation : le joueur actif perçoit les ressources qui lui sont dues, calcule le nombre de dés qu’il va lancer et organise le débarquement de ses zeppelins s’il y a lieu d’être.

- Actions : plusieurs options vous sont offertes en fonction des résultats de vos jets de dés. Vous pourrez conquérir un territoire (occupé ou non) ; placer un ou plusieurs dés en défense ; dépenser des cubes de ressources afin de modifier les résultats des dés ; voler une invention, un artefact ou un cristal de somnium ; racheter l’un de vos pions éliminé précédemment placé dans le cimetière des machines ; acheter une carte Technologie ; sacrifier un cristal de somnium afin de lancer un dé supplémentaire.

- Fin du tour : le joueur actif récolte ses éventuels cristaux de somnium sachant qu’il faudra accumuler deux points d’extraction afin d’obtenir un cristal (une foreuse placée sur un filon rapporte deux points d’extraction tandis que les autres tuiles n’en procure qu’un seul). Pour conclure le tour, on défausse les cubes de ressources en surplus (3 maximum) et une nouvelle carte Technologie est piochée si l’une d’entre elles a été achetée durant la phase Actions.

La conquête des tuiles demeure le cœur du jeu. En effet, afin de placer vos pions sur le plateau de jeu, vous devrez effectuer des sommes ou des suites en combinant les résultats de vos jets de dés. Si la tuile visée est occupée par un pion adverse et défendu par un dé, vous devrez non seulement remplir la condition d’acquisition de la tuile mais aussi dépasser, à l’aide d’un dé, le chiffre indiqué sur le dé de défense. Chose à savoir: une tuile ne peut comporter qu'un seul pion à la fois.

Exemple de conquête de tuile

 

La partie prend fin dès que l’un des joueurs remplit l’une des trois conditions de victoire.

 

 

GENTILSHOMMES DE FORTUNE… OU D’INFORTUNE

Wiraqocha est un jeu agréable dans sa pratique mais souffrant d’un certain manque d’originalité. L’idée d’utiliser des dés afin d’accomplir des actions de jeu n’est pas neuve et le jeu de Sit Down ! aura certainement du mal à se hisser au niveau des références du genre que sont Yspahan et Kingsburg. Le premier est beaucoup plus tactique, le second plus thématique ; il paraît donc difficile à Wiraqocha de trouver sa place surtout quand le public visé reste celui des joueurs avertis voire occasionnels. Plusieurs aspects présentent le jeu de Henri Kermarrec comme un produit ludique réservé à une certaine tranche de joueurs : un titre exotique mais peu parlant et un univers steampunk séduisant mais finalement très en retrait face aux mécanismes de jeu et pas forcément en adéquation avec ces derniers. Et pourtant le travail graphique de Yuio donne envie de se lancer dans l’aventure. Tout cela donne l’impression que Wiraqocha navigue entre deux eaux sans vraiment parvenir à trouver sa place.

Concernant le système de jeu, on notera l’omniprésence d’un hasard plus ou moins maîtrisable. Même si certaines actions de jeu permettront de modifier les résultats de vos dés, vous ne serez jamais à l’abri d’un jet désastreux souvent handicapant. A la fois frustrant et capable de titiller votre capacité d’adaptation, cet aspect demeure la pierre angulaire du jeu. Face à ce côté aléatoire, vous tenterez de compenser par l’optimisation de vos coups tout en abandonnant toute forme d’anticipation. En effet, Wiraqocha étant un jeu d’opportuniste, il vous sera difficile d’entreprendre une stratégie sur plusieurs tours. Les coups sont très agressifs et tendent à générer des situations de jeu très changeantes dans les configurations à trois et quatre joueurs. On notera également un aspect « kingmaking » se dégageant au fil des parties réunissant plus de deux participants : dès qu’un joueur prendra le dessus sur les autres, il se fera rapidement rappeler à l’ordre, ce qui aura pour effet de favoriser nettement les adversaires placés en embuscade. Par conséquent, les choix des joueurs en retard auront tendance à désigner le vainqueur potentiel et cela malgré des retournements de situation omniprésents tout au long du jeu. Seule la fin de partie semble manquer de souffle, les cartes étant déjà plus ou moins distribuées.

D’autre part, on notera la faible récurrence de la condition de victoire liée à la construction du Léviathan. En effet, les parties étant relativement courtes, il vous sera difficile d’accumuler les cartes Technologie nécessaires à l’accomplissement de cette voie. Certes, ces cartes apportent un réel intérêt tactique au jeu, mais seulement en tant qu’outil permettant de remplir les deux autres conditions. De même, la carte Rayon de la mort possède la faculté d’annihiler la condition de victoire reposant sur la récolte des quatre artefacts ; un poil frustrant surtout lorsque vous venez de récupérer cette troisième relique tant convoitée…

Malgré ces quelques défauts, Wiraqocha s’illustre par l’aspect dynamique et agressif de ses parties. Le rythme est relativement soutenu tout en sollicitant vos talents d’opportuniste. Cette course à la victoire réveillera en vous votre côté requin aux dents longues. Jouer sans pitié ; tel est le credo de Wiraqocha. Une partie ne s’étendra jamais au-delà d’une quarantaine de minutes. Un format relativement court pour ce genre de gabarit, qui permettra de remettre le couvert titillant ainsi votre désir de performances. Vous pourrez également compter sur un renouvellement conséquent des parties assuré par la compostion aléatoire du plateau de jeu et deux variantes proposées à la fin du livret de règles: l'une reposant sur une tuile Territoire optionnelle (Cavernes), l'autre sur un système de prise pions entre joueurs. Ces deux ajouts tendent à exacerber l'aspect agressif du jeu et la mobilité des pièces, rapprochant ainsi Wiraqocha de l'univers du jeu abstrait.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Wiraqocha [2011]

Auteur Benoît F.
67

Wiraqocha est le premier jeu de l'éditeur belge Sit Down!. Comme tout premier né qui se respecte, ce joli bambin du plat pays souffre de quelques erreurs de jeunesse. Tout cela donne l'impression que Wiraqocha ne fait que survoler le jeu qu'il aurait pu être. Pourtant le potentiel est bel et bien là, autant d'un point de vue mécanique qu'esthétique, et Yuio apparaît comme un illustrateur qui n'a pas dit son dernier dans le monde ludique. Le côté opportuniste du jeu en ravira certains tandis que d'autres feront la moue tout en accusant des jets de dés trop récurrents pour pouvoir élaborer une stratégie viable. Mais Wiraqocha n'est pas de cette trempe: tout se joue à l'instant T; l'optimisation d'un coup passera forcément par l'amélioration de votre situation et la dégradation de celle des autres joueurs. Ici, point d'aventurier contre tout guerrier! La jungle est une épouse impitoyable.

On a aimé

  • Le design graphique
  • Le rythme des parties
  • Un jeu d'opportuniste qui ne fera pas l'unanimité
  • Des règles simples

On a moins bien aimé

  • Un thème transparent
  • Un aspect "kingmaking" à plus de deux joueurs
  • Une condition de victoire pas adaptée au format du jeu
  • Un aspect aléatoire pouvant être source de frustration

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