Critique Hugo Cabret [2011]
Avis critique rédigé par Richard B. le lundi 12 décembre 2011 à 08h24
Le grand héritage.
Martin Scorsese et moi c'est une grande histoire d'amour et de haine. Ainsi, si je reconnais en ce réalisateur une grande maîtrise de l'art de mettre en image un film, son cinéma ne m'a que trop rarement parlé (je retiendrais La Dernière Tentation du Christ, La Couleur de l'argent ou plus récemment Shutter Island). Mais lorsque je pense à des merveilles telles que Les Nerfs à vif de Jack Lee Thompson ou à Infernal Affairs d’Andrew Lau et Alan Mak, je ne peux que vomir ce qu'en a fait par la suite Scorsese. De plus, son goût prononcé pour rendre la violence presque "amusante" dans ses films de gangsters m'a toujours dérangé. Au-delà, j'ai toujours été fasciné par l'amour qu'il voue au cinéma. Scorsese ne peut être accusé de faire du cinéma pour du business, sa sincérité et sa culture étant hors de tout soupçon, pouvant même figurer comme un modèle du genre. Ce dernier a d'ailleurs créé une organisation dédiée à la préservation des films. Il suffisait donc d'attendre qu'un jour Scorsese parle de cinéma et de passion, pour qu'enfin je puisse admirer une de ses œuvres autant que le technicien et cinéphile. Ce film est arrivé, il se nomme : Hugo Cabret.
Hugo Cabret est le nom d'un jeune garçon qui vit dans les entrailles de la gare de Paris-Montparnasse. Tout ce qui lui reste de son père est un goût particulier pour réparer les choses, un bloc-notes, et un automate aux pièces manquantes. Alors qu’Hugo tente une expédition pour subtiliser du matériel à un marchand de jouets et de sucreries, il se fait happer par ce dernier. S'il finit par s'échapper, le vendeur eut le temps de se saisir du bloc-notes du jeune garçon. Dès lors, Hugo fera tout pour essayer de récupérer son bien le plus précieux.
Avec Hugo Cabret Martin Scorsese signe certainement le film le plus différent et le plus positif de toute sa carrière, et pourtant certainement le plus personnel. Il ne peut en être autrement lorsque l'on voit le message d'amour délivré à l'art et plus particulièrement à celui du septième. Si l’on peut croire que Martin Scorsese livre là son premier film dédié uniquement aux enfants, cela reviendrait à résumer à peu de choses l'intelligence du scénario de John Logan et surtout l'œuvre de Brian Selznick dont il s'inspire. Si la base est construite pour attirer en premier lieu le jeune public, il est aisé de voir que l'histoire possède de multiples couches de lectures. Le plus sage aurait été de ne pas divulguer le nom d'un cinéaste qui a chamboulé le monde du cinéma, et laissé place ainsi à la découverte totale, mais les diverses sources officielles divulguant déjà le rôle tenu par Ben Kingsley, il n'y a guère de secret à évoquer ce personnage. Ainsi, le fameux marchand de jouets et de sucreries de la gare n'est nul autre que le brillant Georges Méliès et à travers lui, de même qu'avec le père d’Hugo (interprété par Jude Law), il ne sera nulle autre question que d'héritage, de passion, et de magie. On n’oubliera pas de citer le personnage de Monsieur Labisse (interprété par Christopher Lee), libraire qui, indirectement, sera là pour évoquer l'importance de l'imagination à travers les livres. À travers la quête d’Hugo, il y a aussi tout un bestiaire de personnages qui se cherchent, qui sont cassés de l'intérieur, tels des machines (à l'image de son automate), et qui ne demanderaient qu'à être réparés. Hugo Cabret est tout aussi bien un film d'aventures - l'histoire d'un garçon qui traverse de multiples péripéties, pour essayer de réparer son automate - qu'un film sur l'art dans un sens large, le don de faire rêver que celui autour de la complexité humaine, dont le moindre rouage pourrait amener son lot de conséquences.
Si sur le papier Hugo Cabret a déjà tout pour être un bon film, Martin Scorsese sublime l'ensemble. Dès le premier plan, on se retrouve devant un Paris aussi tangible que fantasmé. Un Paris enneigé tel qu'on rêverait de le voir, plus lumineux, mais aussi plus gothique que jamais. D'un plan large de la grande ville, Scorsese nous guide par un plan-séquence mémorable jusque dans les entrailles d'une gare. À cette vision, il est amusant de voir comment certains cinéastes américains savent bien mieux fantasmer que nous la grande ville française (on se rappelle cette même année du Paris de Woody Allen dans Minuit à Paris). Il est d'ailleurs tout aussi amusant de voir qu'il faudra attendre Scorsese pour voir les œuvres de Georges Méliès sublimées et démontrer que dans notre propre pays nous sommes incapables de nous ériger comme dignes héritiers de ce qu'il a su si bien créer. Et pourtant lorsqu'on voit ce film que Martin Scorsese nous conte, nous ne pouvons êtres que fiers de l'image qu'il renvoie de notre culture. On parle de Jules Verne, des frères Lumière, du train en gare de La Ciotat et de multiples œuvres de Méliès, tout cela dans une ville très loin d'être aussi belle que décrite à l'écran. Les images que met en mouvement Martin Scorsese sont d'une richesse incroyable, on y trouve autant de détails qui pourraient être historiques qu’issus de l'imagination. Il parait impossible de faire la distinction entre le vrai et le faux et Scorsese tel le digne héritier de Méliès nous fait juste croire à l'histoire qu'il nous raconte.
Les louanges autour d’Hugo Cabret ne peuvent s'arrêter là puisque ce dernier arrive même à surpasser James Cameron dans l'utilisation de la 3D, imposant presque le film à être vu seulement ainsi tant le procédé s'inscrit dans le récit et fait le parallèle avec l'évolution du cinéma à travers les âges. De par sa façon de gérer les profondeurs de champ, ses choix de mettre au-devant des détails bien significatifs, d'amener sa caméra à être placé dans des endroits impossibles, le cinéaste démontre une fois pour toutes que mis entre de bonnes mains, le relief peut devenir une véritable expérience cinématographique, un vrai outil d'expression et de narration supplémentaire et non pas le gadget exploité par certains.
La maîtrise technique et l'intelligence d'une histoire ne seraient pas grand-chose si tout cela n'était pas vécu par des acteurs capables d'offrir le meilleur d'eux-mêmes. En premier lieu, Asa Butterfield, non déjà dépourvu d'expérience, mais qui montre ici sa capacité à porter un rôle-titre sur ses épaules. Le gamin possède un véritable charisme sur écran et ne commet pas un seul faux pas sur toute la longueur. Pour le côté "enfants prodiges", nous sommes servis ici puisqu’on retrouve Chloe Moretz qui depuis sa prestation dans Kick-Ass n'arrête pas de nous étonner à trouver le ton toujours juste, cela même si aucun de ses personnages viennent à se ressembler. Beaucoup d'actrices plus âgées pourraient venir à lui envier son talent et la richesse de ses rôles. La plus grosse surprise côté casting provient certainement de Sasha Baron Cohen, acteur que, jusqu'à hier, je trouvais insupportable (d'ailleurs jusqu'à hier j'aurais difficilement catégorisé ce dernier comme acteur). D'où ma grande surprise d'avoir ressenti de la compassion et de l'amusement pour ce gardien de gare, allant même jusqu'à me faire oublier qui était celui qui se cachait derrière ce personnage. Pour le reste, nous pourrions évoquer autant de louanges pour Ben Kingsley, qui retrouve ici un personnage tout aussi puissant que celui qu'il avant campé dans La Liste de Schindler, pour Helen McCrory interprétant merveilleusement le personnage de Jeanne d'Alcy, ou encore pour les présences plus restreintes mais loin d'être anecdotiques de Christopher Lee et Jude Law.
Difficile ici de ne pas évoquer la musique du compositeur Howard Shore (Le Seigneur des Anneaux) qui a réussi à créer une musique à la fois nostalgique (par la présence d'accordéons) et féérique (on pense parfois au meilleur d'Elfman). À l’écran on est totalement transporté par la musique, quasiment autant que par les images, un peu comme une cerise sur un gâteau déjà bien savoureux.
La conclusion de Richard B. à propos du Film : Hugo Cabret [2011]
Avec Hugo Cabret Martin Scorsese signe certainement son meilleur film (du moins, c'est le cas pour l'auteur de ces lignes), mais surtout une œuvre aussi personnelle que poétique. Hugo Cabret est de ces films faits de diamant brut qu'on n'oublie pas, il est fait avec tant de cœur qu'il émerveillera et bouleversera de 7 à 77 ans sous condition de croire encore un peu en la magie et à l'illusion que demain peut être meilleur. Courrez dans vos salles, enfilez vos lunettes 3D et découvrez pourquoi le cinéma reste une invention magique !
On a aimé
- Une réalisation en tout point parfaite
- Une histoire particulièrement riche
- Un vrai film en 3D
- Le plus beau message d'amour qu'on puisse faire au cinéma.
On a moins bien aimé
- Une double fin qui peut amener une baisse de rythme dans le dernier acte.
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