Critique King Rising 2: les deux mondes [2012]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le mercredi 29 février 2012 à 00h40
King Risible
Au cœur d’une forêt verte, mais très verte, derrière une grande porte de carton-pâte peinte en bleue, crèche un roi et sa cour de dix figurants. Hors, aujourd’hui, le monarque est contrarié. Non par le fait qu’il habite un château qui n’est composé que d’un unique mur - factice qui plus est - , ni par des problèmes dentaires (son extraordinaire sourire hollywoodien nous prouve qu’il ne souffre aucune affection de ce type), et encore moins parce qu’il porte une couronne qui lui tombe sur le nez, mais par la présence menaçante des Ténébreux (les Dark Ones, en VO), une secte d’assassins en bures dirigée par la version maléfique de mère Theresa. Puis, comme un souffle d’espoir, d’une voyante coincée dans une souche d’arche, vient à ses oreilles une ancienne prophétie lui annonçant que la solution à son problème - un héros capable de tuer la reine des assassins - se trouve dans «le Temps de l’au-delà», autrement dit notre époque. Le roi envoie alors dans le futur Elianna, une femme que l’on espère meilleure magicienne que comédienne, à la recherche du fameux héros. Parce qu’un roi, palsambleu, ça a autre chose à foutre que voyager dans le temps!
Oui, mais voilà. La magie étant ce qu’elle est - c’est à dire aussi capricieuse qu’une enfant trop gâtée -, la magicienne ramène à son roi un héros bien particulier, et pas vraiment coopératif. On pourrait même dire un brin réfractaire et cynique. En fait, On le comprend un peu. Il faut savoir que Granger, peinard dans son logis, s’apprêtait à prendre un bon bain après avoir effectué quelques libations en l’honneur d’anciens frères de combat. «Si on pouvait échanger nos places! déclare-t-il, la larme à l’œil, en levant son verre devant une vieille photo. On comprend alors que ce mec a vu du pays. Un vétéran, un dur-à-cuir. Un peu arthritique sur les bords mais vachement balaise quand même. D’ailleurs, la séquence d’introduction nous a démontré un peu ses facultés quand, sur le tatami d’un club de karaté, il a mis quatre malabars hors d’état de nuire rien qu’avec la puissance de son regard bovin, la précision de ses coups mollassons et deux répliques assassines.
Donc, pour en revenir à notre histoire, Granger se préparait pour un moment de détente mérité quand, sans y être invités, surgissent dans son appartement des agités revêtus de robes à capuche. Des moines pouilleux, chaussant une paire de tennis déguisée en chausses médiévales, armés d’opinels en toc, qui se jettent sur lui en hurlant. Comme ça, sans raison apparente. Agacé (on le serait à moins), Granger leur met son poing dans la gueule. Et son pied, aussi. Et un coup de poêle à frire. Puis, alors qu’il est sur le point d’être submergé par le nombre, surgit la magicienne bien roulée. On se demande alors comment les tueurs ont pu arriver sur les lieux avant elle, étant donné qu’elle est la seule à posséder l’artefact - une bague - permettant de voyager dans le temps. Bon, elle a dû s’attarder en route pour faire du lèche-vitrine. Ou se repoudrer le nez après un si long voyage. Ha, ces femmes! Enfin, mieux vaut tard que jamais, et le combat bascule en faveur de Granger et sa nouvelle amie.
Puis, sans perdre un instant, la magicienne use de son bracelet magique pour créer une porte dimensionnelle - bleue, bien entendue. «Le passage est ouvert ! La prophétie ! Nous avons cinq secondes !», s’exclame alors la magicienne, une fois le danger éloigné. Le vieux baroudeur à l’air endormi ne comprend rien. Son regard passe de celui d’un bovin à celui d’un merlan frit…. Avant de se retrouver aspiré par le vortex. Pschouttt!... Et voilà les deux aventuriers du temps projetés dans l’étrange univers médiéval. Pas de bol pour la magicienne, son arrivée se fait sur la lame d’un couteau. Elle crève dans un râle. Le spectateur, lui est heureux. Il pense qu’il n’aura plus à supporter cette actrice exécrable (en fait, il se trompe). Granger, lui, est sauvé in extremis par l’arrivé du roi et son armée de dix péquins, des soudards équipés de boucliers en carton et de lances en caoutchouc.
S’en suit alors une étrange discussion entre Granger et le roi. Morceaux choisis :
- Comment t’appelles-t-on donc, dans ton époque ?
Avec l’air du mec qui se fait chier sévère : « Granger… »
- Granger, un nom pour le moins inhabituel. »
- Vous verriez le nombre de coup qu’il m’a permis de tirer. »
- Coups ? Qu’est-ce-que ça veut dire ?
- Hé ! hé !
- Ha ! ha ! ha ! ça veut dire, coucher avec une femme ?
- Tache de surveiller ta langue en présence de notre roi !, intervient brusquement le capitaine de la garde
- Cela n’a aucune importance, Allard… Nous sommes tous des hommes sous nos étoffes », s’amuse alors le roi.
- Ouais. » confirme Granger.
Rapidement, les rapports entre Granger et le capitaine de la garde - un barbu au regard sombre - deviennent houleux car ce dernier trouve qu'il manque de respect envers le roi (ce qui n’est pas faux, comme vous avez pu le lire plus haut). Mais Granger ne se démonte pas et profite de son immunité diplomatique:
- Dites-moi, mon vieux, il y a des gens qui vous apprécient ici? Et les femmes, hein, elles pensent quoi de vous? Ah, je vois, vous êtes plutôt du genre à aimer les grosses épées, les toges et les sandales!
Quel boute-en-train, ce Granger!
La nuit tombée, retiré dans ses appartements (en fait, une cabane à outils maquillée en chambre d’auberge médiévale), Granger se voit faire des propositions alléchantes par une jolie blonde habillée d’une housse de traversin. Il repousse l’invitation, sans même prendre la peine de déballer la marchandise pour en vérifier la qualité. Hein? Alors, Granger, des problèmes de prostate? Une pénurie de Viagra? Pfff, du coup, l’on n’a même pas droit à la vision du moindre petit bout de nichon. Dis, Uwe, faudrait te lâcher un peu, hein! Bon, Granger accepte cependant d’accueillir la blonde dans sa couche, qu’il gagne... sans prendre la peine de se laver, ni d’enlever son blouson. Mais la blonde n’est pas aussi inoffensive que l’on aurait pu le penser. Une fois Granger endormi, elle tente de le tuer mais obtient une maladresse sur son jet d’attaque furtive (en même temps, elle est blonde, alors...). Elle s’empale sur son propre couteau et meure, non sans avoir auparavant lâché une réplique mémorable:
- C’est ainsi que la Sainte Mère en a décidé. Je ne peux aller contre sa volonté. Ils ne retrouveront qu’une coquille vide. Mais sache que je ne demanderai pas ton pardon. » Euh, OK…
Le lendemain, Granger (pour mémoire, rappelez-vous que dans le premier volet, le héros, joué par Jason Statham s’appelait Farmer... Quel petit futé cet Uwe Böll!), accompagné du capitaine, de quelques gardes et d’une guérisseuse (qu’il a culbuté durant la nuit, finalement les brunes lui font plus d’effet que les blondes), part pour accomplir sa quête: tuer la mère supérieure. Le groupe pénètre dans un inexpugnable sous-bois situé probablement dans la banlieue de Vancouver, qui fait partie du territoire des Ténébreux. C’est terriblement anxiogène. Dans le même temps, on découvre que le roi n’est pas aussi cool que l’on aurait pu le penser. Un peu plus tard, au détour d’un sentier, la petite expédition de Granger tombe dans une embuscade. Si les gentils en sortent victorieux, ils n’arrivent pas à obtenir de renseignements de leur unique prisonnier, promptement exécuté par le capitaine Débilos. «Monde médiéval de merde! s’écrie Granger, dégouté. Les survivants rassemblent alors leurs affaires et reprennent leur périple. Les quelques poses ravitaillement nous donnent l’occasion d’assister à de passionnantes discussions entre Granger et Manhatten (si, si !), la guérisseuse :
- Dans le temps de l’au-delà, est-ce que les attentes des femmes sont les mêmes ?
- Non… Si… Non… Hum… C’est… euh… compliqué. »
- Je voudrais en savoir plus sur les médicaments de ton époque. » Bien oui, en plus d’une cruche, c’est une guérisseuse, ne l’oublions pas.
- Il y a ce qu’on appelle des antibiotiques.
- Anti ?.. Sourire de ravissante idiote.
- Biotique. »
- Hum ! Anti… biotique. Comme une potion ?
- En quelque sorte. Qu’on injecte ou qu’on avale.
Manhatten pose alors sa tête sur l’épaule de Granger.
- Et comment les fabrique-t-on ?
- Euh… Avec de la moisissure de fromage.
- De fromage ?
- Oui.
- Avec du froooooomage…. Fromaaaage. » Manhatten s’assoupit. Dommage, Granger aurait pu lui demander si elle avait des projets.
Bon, je vous fais grâce des détails concernant la suite mais sachez que tout ce petit monde va se retrouver séparé et paumé dans la forêt. Le capitaine, lui, s’est sacrifié pour permettre à Granger d’échapper à un nouveau traquenard des Ténébreux. Grâce à cet acte héroïque, Granger atteint la cache de la Sainte Mère et de se voir dévoiler – oh, surprise ! – les secrets liés à ses origines. Ecoutant les confidences de la Sainte Mère, le spectateur prend conscience que tout cela est totalement incohérent. Granger, lui, est trop con pour s’en rendre compte et fait copain-copain avec les Ténébreux.
- Vous irez dans la forêt noire et en ramènerez le catalyseur, dit la responsable des Ténébreux. La Sainte Mère, une fois sa tache accomplie, s’est empressée de mourir. Veinarde.
- Qu’est-ce que c’est ? interroge Granger.
- J’ignore quelle est sa forme.
- Et comment suis-je censé le trouver ?
- Il est dit que l’Elu cherchera le Catalyseur. C’est écrit. Il en sera donc ainsi.
- C’est vrai qu’elle est vachement noire cette forêt. Je croyais que c’était une expression médiévale.
- Nul homme n’est jamais revenu vivant de la Forêt Noire. Des forces obscures sont à l’œuvre dans ces bois. On parle de sorcellerie et de créatures invraisemblables.
- Voilà qui est énigmatique… dit alors Granger, l’air perplexe.
Pénétrant dans la Forêt Noire, Granger butte dans un tas d’os. « Seul un grizzly ferait ça » en déduit ce spécialiste en survie alors qu’il examine un crane explosé. Il entend un bruit. Arrive alors dans le champ de caméra... un dragon! «Bon, j’aurai préféré que tu sois un grizzly» rajoute le héros. Excité par la vision de ce visiteur venu du futur, le dragon, jusqu’alors très discret, se décide à peser un peu plus sur le déroulement de l’intrigue. Il met à cœur de cramer, déchiqueter, dévorer et aplatir tous les humains de la région, sans faire de distinction. « C’est le Catalyseur! S’extasie la chef des Ténébreux. Ah, oui, bon, si tu le dis. Bref, le dragon va foutre un sacré bordel et aller même jusqu’à cramer le mur de polystyrène. Finalement, c’est le parti du roi qui souffre le plus de la situation. Pas grave, car l’on sait maintenant que ce type est en fait un félon usurpateur. C’est probablement pour cela que la couronne n’était pas à sa taille. La vache, quel souci du détail! Fuyant le dragon, l’ire populaire et Granger, le roi déchu utilise un passage pour se rendre au 21éme siècle, suivi de près par notre héros, qui a un compte à régler avec lui.
Uwe Boll, qui nous a pourtant habitués à réaliser des films pourris, arrive encore une fois à nous surprendre avec sa dernière création. Car ce deuxième volet de King Rising, budgétisé à un peu plus de 7 millions de dollars, est peut-être ce que le cinéaste allemand à fait de pire. Le problème de ce nouveau film inspiré de l’univers du jeu Dungeon Siege n’est pas qu’il soit plus cheap que le précédent (qui avait couté la bagatelle de 60 millions de dollars), mais que tout, mais absolument tout, atteint le summum du ridicule. Costumes risibles, décors en carton-pâte, humour débile, jeu d’acteur calamiteux, dialogues surréalistes et scénario stupide sont au programme de ce faux film d’heroic fantasy qui récupère grossièrement le pitch d’Evil Dead III : l'armée des ténèbres, avec son antihéros qui se retrouve propulsé au rang de sauveur d’un peuple via une prophétie à deux balles. De plus, comme Uwe Böll ne dispose plus de moyens confortables mais reste ambitieux dans ses prétentions, il utilise les pires techniques pour masquer la misère de son film. Cela entraine des chorégraphies de combat quasiment illisibles car filmées caméra à l’épaule par un cadreur s’agitant comme s’il était atteint d’une crise d’épilepsie, et des soporifiques scènes de transitions construite à base de plans montés en champ-contre-champ mais interprété par des comédiens jouant comme des pieds. Enfin, quand il ose deux ou trois plans grue, c’est pour nous offrir des visions d’ensemble composée de figurants et de décors factices qui évoquent des scènes de séries TV comme Hercule ou Xéna.
En fait, hormis le fait que la nullité de l’ensemble puisse être apte à amuser l’amateur de nanars (je dois avouer que de nombreuses scènes m’ont fait rire) - un aspect qui peut encourager à regarder le film jusqu’à son terme -, le seul intérêt de In the Name of King 2 réside dans son dragon qui - surprise! - est plutôt réussi. Cela vient peut-être du fait que les effets spéciaux n’ont pas été confié à une équipe de tacherons roumains désargentés mais à un jeune studio canadien supervisé par l’allemand Michaël Massias, qui a fait ses armes aux maquillages sur des films d’Uwe Böll (Bloodrayne: The Third Reich et Auschwitz). Quoiqu’il en soit, il en ressort un dragon bien digitalisé et animé, et assez bien intégré dans les décors réels. Même les jets de flamme numériques arrivent à éviter le ridicule, tout en restant perfectibles.
Enfin, un petit mot sur la distribution. Le temps où Uwe Böll arrivait à réunir des castings prestigieux comme celui de King Rising (à cette occasion, il avait accompli une sacrée performance en parvenant à ridiculiser un parterre composé de Jason Statham, Leelee Sobieski, John Rhys-Davies, Ron Perlman,Claire Forlani, Kristanna Loken, Matthew Lillard, Ray Liotta et… Burt Reynolds!) semble définitivement révolu. Ici, la plus grande partie du casting est composée d’acteurs de seconde zone donnant la réplique à une poignée de comédiens peu côtés ou semi-retraités. C’est un Dolph Lundgren très fatigué qui interprète le rôle de Granger, le vétéran grognon. Le pauvre a de plus en plus de mal à bouger son impressionnante carcasse, et comme son jeu d’acteur ne s’est guère amélioré... Restent quelques répliques qui, sortant de la bouche de ce colosse, sont autant de véritables bulles d’air comiques au cœur d’une narration insipide. La séquence où il simule, seul dans sa chambre, un combat de cape et d’épée vaut également le coup d’œil. Le rôle du méchant a été confié au peu charismatique Lochlyn Munro, un acteur de séries B que connaissent bien les amateurs de séries TV et les spectateurs de la chaine Syfy. Enfin, on retrouve une nouvelle fois dans un film d’Uwe Böll le modèle norvégien Natassia Malthe, qui pourrait être assimilée à un succédané peu réjouissant de Milla Jovovich. Elle incarne ici la guérisseuse... qui ne guérit pas grand chose.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : King Rising 2: les deux mondes [2012]
Incorrigible, insatiable, Uwe Böll nous offre avec In the Name of King 2 une œuvre d’une nullité quasi absolue. Alors, certes, le tout est tellement pourri que bon nombre de passages prêtent à rire (notamment grâces à la nature surréaliste des dialogues) - ce qui ne va pas manquer d’attirer l’attention du fan de nanars - mais force est d’admettre que ce film est une sacrée bouse. C’est tellement mauvais que l’on presque choqué de découvrir un dragon numérisé à la réalisation potable.
On a aimé
- Involontairement drôle
- Le dragon, correctement numérisé
On a moins bien aimé
- Un scénario bourré d’incohérences
- Des dialogues débiles
- Une réalisation brouillonne
- Niveau d’interprétation calamiteux
- Décors et costumes cheap
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