Critique Sang maudit! #2 [2012]

Ce deuxième tome débute sur un flashback. En six planches, l’on y découvre une tranche de vie du seigneur Magrite Yourznar, l’ogre considéré comme le responsable de l’annihilation de son espèce. Le récit se déroule à un moment clé de sa vie, quand sa sœur Plectrude l’incite à prendre épouse, lui présente moult prétendantes et que, malheureusement, il donne amoureux de.. son futur déjeuner ! Ainsi, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, on ne trouve pas en Magrite un traitre poussé par la haine mais un poète victime des caprices du destin. De retour au présent, on retrouve Maxillien vivant une existence de hors-la-loi. En compagnie d’une bande de brigands qui lui obéit aveuglement, il passe sans cesse être les mailles  des sbires du Nécrate Atrarus et écume les ruines des chateaux ogres,  dans sa quête de la recette alchimique de Magrite. Et c’est à ses cotés que la jolie Hémacyte, invité forcée, va prendre conscience de son héritage génétique.

Après un premier tome très réussi, Iggy et Ludwig Alizon nous propose avec Sang Maudit ! le deuxième opus d’une série qui appréhende les ogres d’une manière très originale. Ici, les ogres ne sont pas de simples figurants monstrueux mais des personnages dotés de personnalités, des individualités attachantes victimes de préjugés. Certes, du temps de leur domination, les ogres se nourrissaient, entre autres, de chair humaine, mais c’est derniers représentaient, dans la structure sociale de Venaysia, une caste inférieure, quasi animale. Les ogres, eux, incarnaient le haut de la société, le sommet de la civilisation. Magicien, poète, alchimiste, romancier, l’ogre est à Venaysia l’incarnation d’un certain esprit des Lumières… mais avec plusieurs rangées de dents !

S’il est impossible de ne pas comparer l’univers d’Ogres à celui de Troy (Jean-Louis Mourier et Christophe Arleston appréhendent de la manière les trolls dans leur série Trolls de Troy), force est aussi de dire que souvent, dans le domaine de l’humour et de la force narrative, l’œuvre d’Iggy et Alizon se révèle bien plus efficace que les derniers opus de la série star des éditions Soleil (victime d’un véritable essoufflement). On appréciera, par exemple, la récupération des contes populaires (comme Jack et le haricot magique). De plus, avec l’arrivée d’Audrey Alwett, qui rejoint Iggy au scénario, le récit se doit insuffler un nouvel élan, plus féminin, qui met en valeur les personnages de Hémacyte et Plectrude, déjà bien lotis via les dessins très sexy d’Alizon, un dessinateur qui parvient à éviter la vulgarité grâce à son élégance de trait.  Ainsi, notre excellente impression ressentie à la lecture du premier tome se voit ici confirmée, avec une trame bien fignolée, qui s’appuie sur des gags visuels et de gentils jeux de mots, et finalement bien moins « facile » que l’on aurait pu le penser au premier abord. Bref, ce Sang maudits! ne se lit pas, il se dévore… avec un appétit d’ogre !