Critique Le marteau et l'enclume #1 [2013]

Thor est un Nain comme tant d’autres, vivant au milieu de ses frères de sang et de sa famille, loin de ces humains qui les méprisent. C’est du moins ce qu’il croit. Cette certitude va être sérieusement ébranlée quand, lors d’une expédition destinée à libérer des Nains capturés par Hakonn, un tyran sanguinaire amateur de combats d’arène, il se découvre le pouvoir de contrôler la foudre. Désormais considéré comme un dieu par ses pairs et une menace par les Humains, Thor se retrouve la cible de toutes les attentions. Lui qui n’aspire qu’à une vie de tranquillité…

Quand Olivier Peru se penche sur un folklore ou une mythologie, c’est toujours en posant un regard original, à partir d’un point de vue secouant les conventions. Là encore, il nous surprend agréablement avec un scénario recyclant les principales composantes des légendes nordiques. Le plus agréable est que, loin de trahir l’esprit des sagas  scandinaves et de l’Edda Poétique, Olivier Peru effectue la manœuvre inverse, un peu comme s’il s’essayait à rajouter un épisode à cette grande œuvre que composent les textes norrois. L’intention est louable, et pleine de respect. De fait, dans ce premier tome de Mjöllnir, les initiés évolueront en terrain reconnu (le scénariste n’invite rien, il adapte) alors que le lecteur candide appréciera la simplicité et la clarté des enjeux.  En effet, l’intrigue, très accrocheuse, profitant d’un excellent découpage et de flashback bienvenus, dévoile lentement ses secrets, par le biais de révélations souvent accompagnées d’explosions de violence. Le paysage politique apparait clairement : Midgard dominé par la race humaine, un peuple Elfe en voie d’extinction, et des Nains qui tentent de se tailler une place (à la force de la hache) dans ce nouveau monde. Le tout sous le regard des Ases, ces dieux qui, de leur royaume d’Asgard, n’hésitent pas à utiliser les mortels comme des pions, pour satisfaire leurs ambitions. Les dernières planches, qui nous confortent dans nos intuitions, relancent les enjeux, en entrainant les personnages et le lecteur vers l’un des plus spectaculaires (et célèbres !) épisodes des contes et légendes nordiques : Ragnarok !

Au dessin, il n’est plus besoin de présenter Pierre-Denis Goux, l’un des fidèles collaborateurs de Jean-Luc Istin et spécialiste du genre. Ici, il laisse exprimer ses penchants pour le spectaculaire avec la mise en forme de combats épiques, extrêmement violents, donnant à cet univers un efficace aspect dark fantasy. Une atmosphère qui colle parfaitement à cet univers crépusculaire et qui illustre l’état psychologique d’anciens peuples qui luttent désespérément pour ne pas disparaitre. On apprécie notamment cette succession de gros plans sur les visages de personnages aux traits marqués, qui amène une force et un ton adulte bienvenus. Quelques très beaux dessins en pleine planche achèvent cette impression d’excellence.