Critique La Chute de la maison Usher [1961]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le vendredi 24 janvier 2014 à 17h19
Une sale histoire de famille
Le jour où Philip Winthrop décida de se rendre à la maison des Usher pour y retrouver Madeline, sa fiancée, il ne s’attendait certainement pas à y recevoir un accueil aussi froid. Après un long et éprouvant voyage depuis Boston, avoir traversé les environs désolés de ce domaine isolé, il se voit reçu par un majordome des plus étranges, qui l’introduit mal volontiers auprès de Roderick, le frère de Madeline. Là, le visiteur est carrément éconduit par ce qui s’avère être un désagréable personnage, qui prétend sa sœur malade et alitée. Tenant tête au maître des lieux, Philip refuse d’obtempérer et de quitter les lieux tant qu’il n’a pas pu s’entretenir avec sa promise. Et seule l’apparition soudaine de Madeline, au teint pale et fatigué, évite au jeune homme une mise à la porte des plus humiliantes. Décidé à passer la nuit au manoir pour, le matin venu, emmener sa belle loin de cet endroit lugubre, Philip s’installe dans une chambre d’hôte...
La chute de la maison Usher, l’une des nouvelles les plus célèbres d’Edgar Allan Poe a déjà fait, en 1961, l’objet de plusieurs adaptations cinématographiques (on pense surtout à celle, datant de 1928, écrite par Luis Buñuel et réalisée par Jean Epstein). On aurait donc pu croire le sujet un peu éventé. Mais cela serait mal connaitre les capacités d’écriture de Richard Matheson, qui nous propose ici une version quelque peu remaniée, qui tente de renforcer l’aspect dramatique du texte par l’introduction d’un amour entre Madeline et Philip. Ici, en effet, le visiteur n’est plus mandé par Roderick, bien au contraire, sa visite est impromptue et sous souhaitée (on note aussi l’abandon de la première personne, propre à la nouvelle, avec l’absence de voix off). Il nait donc de ce changement une forte rivalité entre les deux personnages, qui entraine quelques séquences dialoguées à la forte dramaturgie. A coté de cela, Richard Matheson a également modifié la nature de l’élément surnaturel. Si Edgar Allan Poe a fait de la maison une sorte d’entité «vivante» par sa symbiose avec la végétation qui l’envahit, Richard Matheson préfère jouer la carte du conte gothique est définissant le manoir comme une maison hantée par le Mal. Un Mal grandissant, nourri des exactions de la lignée Usher. Au final, on apprécie le fait que ces «modifications» renouvèlent l’intrigue, certes, mais il faut cependant ajouter que le déroulement du récit n’est pas toujours aussi limpide que l’on aurait pu l’espérer, certains détails faisant naitre des questionnements qui ne seront pas clairement résolus. Dommage.
Réalisateur du film, Roger Corman, alors en plein début de son trip Edgar Allan Poe (viendrons ensuite Le Corbeau, La Chambre des tortures, L'Enterré vivant,Le Masque de la Mort rouge, La Tombe de Ligeia et La Malédiction d'Arkham – qui emprunte aussi à Howard Phillips Lovecraft) use de la nature intime de l’histoire (uniquement quatre personnages dans un nombre minimal de lieux)pour la mise en place d’une véritable pièce de théâtre aux élégants décors gothiques. De la grande salle à manger à la crypte poussiéreuse, il alterne ainsi les séquences comme autant de superbes tableaux, la qualité du rendu visuel étant appuyée par la superbe photographie de Floyd Crosby, la musique anxiogène de Les Baxter et quelques effets sonores achevant de faire de cette demeure agonisante une abomination. Quand à l’aspect horrifique, s’il est assez discret et principalement réservé pour le final, force est d’admettre que le spectacle d’une Madeline ensanglantée au visage déformé par la démence est en tout point saisissant. Bref, la réalisation de Roger Corman est l’un des gros points forts du métrage, et nous font un peu oublier les petits problèmes d’un scénario pas toujours très clair. Enfin, restait à trouver les comédiens capables de magnifier toute la force dramatique du texte. Pas de soucis quand l’on sait qu’à cette époque Roger Corman compte dans son écurie le grand Vincent Price.
On connait notre bonhomme. Et son manque de retenue. Comme l’on pouvait s’y attendre, porté par ce rôle fort d’homme se croyant porteur d’une malédiction ancestrale, le comédien, teint en blond, en fait des tonnes, joue avec excès des sourcils, des brusques changements de physionomie et de comportement, et fait de son personnage un schizophrène paranoïaque et hypocondriaque. Mais, finalement, l’exubérance de son jeu, tant elle exploite l’essence théâtrale du récit et colle à cette ambiance de démence latente, fait de son personnage une sorte de matérialisation de l’atmosphère du film. Roderick Usher est un personnage difficile à appréhender, que l’on s’amuse à détester mais aussi à plaindre… et à croire.
Il est presque inutile de préciser que l’acteur tire tant la couverture à lui que le reste du casting a du mal à se tailler une place à ses cotés. Pourtant, il n’y a pas grand chose à reprocher à Mark Damon (Philip Winthrop), Myrna Fahey (Madeline) et Harry Ellerbe (Bristol), qui offrent tous trois des performances des plus honnêtes. S’il fallait en distinguer un plus particulièrement, je citerais Harry Ellerbe, qui est vraiment très bon, et même touchant, dans le rôle de ce brave et vieux domestique dépassé par les évènements.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : La Chute de la maison Usher [1961]
Réalisation luxueuse, interprétation hallucinée de Vincent Price, ambiance gothique envoutante, La chute de la maison Usher est un excellent spectacle qui ne pèche que par le scénario, pas inintéressant mais perfectible, de Richard Matheson. Avec ce bon film, Roger Corman lance sa série d’adaptations des œuvres d’Edgar Alan Poe. Un succès qui va en entrainer d’autres.
On a aimé
- Une réalisation à l’esthétique séduisante
Un Vincent Price halluciné
Une atmosphère gothique efficace
Une relecture intéressante
On a moins bien aimé
Quelques failles dans le scénario
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