Critique Robocop [2014]

Avis critique rédigé par Vincent L. le samedi 8 février 2014 à 18h00

Un film malade, mais pas inintéressant...


La crise de créativité que traverse aujourd'hui le cinéma hollywoodien finit par amener les studios dans de véritables culs de sac artistiques. Les grands succès "faciles" ayant déjà fait l'objet de remakes, les producteurs en arrivent désormais à envisager de refaire des films plus déviants, plus sombres, plus violents, bref, des longs-métrages qui n'ont maintenant plus leur place dans le paysage cinématographique des blockbusters US. En cela, ce Robocop 2014 s'apparente presque à un cas d'école tant le film de Paul Verhoeven concentre tout ce qu'Hollywood ne veut/peut plus faire : violence graphique, ambiance glauque, personnages affreux sales et méchants, critique féroce de la société américaine, ironie constante, décalage dans la narration et, surtout, un jusqu'au boutisme total dans le traitement des idées. Un cocktail détonnant qui aura abouti à un chef d'oeuvre, mais qui reste définitivement ancré dans son époque et ne pourrait clairement plus exister s'il était envisagé à l'heure actuelle.

Pourtant, bien que la totalité de ses constituantes ne puissent plus être dupliquées, Robocop a tout de même fait l'objet d'un remake, et d'un remake financièrement (trop) bien loti (cent millions de dollars, soit presque dix fois plus que l'original). Malins, les producteurs sont toutefois allés chercher un vrai réalisateur pour donner du crédit à leur entreprise en tout point suicidaire. Auréolé d'un excellent premier film (Troupe d'Elite - Dans l'enfer des favelas), José Padilha avait a priori tout du parfait candidat tant son premier long-métrage condensait un certain nombre de caractéritiques "verhoeveniennes", notamment dans sa violence omniprésente, ses propos politiques très engagés ou son ambiance bien trash. Le nom était donc rassurant pour les quelques uns qui avaient vu Troupe d'Elite, mais, malheureusement, le pauvre réalisateur brésilien se sera avéré n'être qu'une simple caution artistique. C'est bien connu, Hollywood n'aime pas ce qui dépasse et qui n'est pas lisse. Dommage lorsque l'on parle de Robocop.

Robocop 2014 aura souffert d'un buzz négatif dès sa mise en chantier, et cette vindicte autour de la production du film aura été de mal en pis, de choix esthétiques a priori très discutables aux propos du réalisateur qui comparait le tournage et les relations avec les studios à l'enfer. Sans même avoir été montré au public, le remake était déjà annoncé comme un désastre, un four artistique absolu, un échec que ne voulait de toute façon pas voir un public visiblement attaché à l'original. Alors oui, clairement, Robocop version 2014 n'est pas un grand film. Il ne vaut d'ailleurs mieux pas essayer de trop le comparer à l'original, notamment parce que l'on est sur deux niveaux de cinéma radicalement différents (une vraie oeuvre artistique contre un simple divertissement tout public). Maintenant, s'il n'est pas parfait, il n'en demeure pas moins un remake - et un film - un minimum intéressant.

Que celles et ceux qui jugent à l'emporte pièce et crient au nanar en ayant simplement vu la bande-annonce (peu glorieuse il est vrai) commencent par remettre les choses dans leur contexte (vous voulez de vrais remakes nullissimes, regardez The Fog ou La Malédiction) et se souviennent de Robocop 3 (vous savez, celui où il vole pour combattre les robots ninjas), car malgré ses défauts (indéniables), le film de José Padilha contient de bonnes idées et suffisamment de substance pour s'élever au dessus de bon nombre de blockbusters actuels (oui, c'est vrai, au royaume des aveugles, les borgnes sont rois). Le vrai problème du film, finalement, c'est que s'il est intéressant dans le fond, il est loin de l'être sur la forme (ce qui est d'autant plus intéressant, d'ailleurs, que l'on se trouve généralement devant le cas contraire).

Ainsi, Robocop 2014 est un mauvais divertissement. Les quelques séquences spectaculaires sont soit de l'ordre du déjà-vu (la dernière, par exemple, sans aucune originalité), soit complètement bancales et incohérentes (la scène en vision nocturne notamment). La mise en scène de Padilha, caméra à l'épaule, n'est pas non plus très convaincante : pas vraiment épileptique, certes, lisibles, c'est certain, mais qui manque de punch et de tension, et ne sort jamais le film d'une simple dimension vidéoludique (pas déconnante avec le propos ceci dit). L'enquête principale, qui fait le lien entre toutes ces séquences grand spectacle, est quant à elle traitée par dessus la jambe (prévisible, sommaire, aussi passionnante qu'un épisode des Experts). Quant aux effets spéciaux, ils sont certes propres, mais manquent clairement de créativité et de folie (un pur travail de technicien en somme). Le scènario, enfin, multiplie les facilités et les incohérentes.

En revanche, les thématiques et les diverses idées qui sous-tendent le scénario permettent de donner au film une portée intéressante. Le discours ultra-sécuritaire de ce Robocop 2014 permet d'englober l'histoire dans un environnement géopolitique intéressant. La scène d'introduction est d'ailleurs le coup de génie du film, montrant les armes technologiques de l'OCP en train "d'amener la paix" en Iran. En écho à cela, le personnage de Robocop est présenté et utilisé comme un pur produit marketng, une arme de publicité avant d'être une arme militaire. A ce niveau, le film sait se moquer de lui-même et tourner en dérision ses divers partis-pris (la couleur noir, si critiquée, est parfaitement amenée dans l'histoire) tout en contournant ses nombreuses contraintes (il est armé d'un pistolet tazer, certes, mais cet élément est logique vis à vis du scénario). On imagine ainsi sans mal la mise en abîme avec les réunions de travail lors de la préproduction du film.

Ce remake met donc en avant des thématiques déjà existantes dans le film original, mais qui avaient été mises au second plan par Verhoeven (seul le traitement de l'information prend une place équivalente dans les deux films). En cela, Robocop 2014 est intéressant dans sa propension à être à la fois dans une certaine continuité (relative, nous sommes d'accord) tout en proposant de nouvelles choses qui s'inscrivent dans ce qu'est devenu le Hollywood des années 2010 (lisse, plat, généralement sans saveur). Le parti-pris d'humaniser le personnage principal est en revanche plus discutable. Certes, cela permet de mettre en avant un pan secondaire dans le film de 1988, mais cela donne également au film un côté très redondant avec les autres productions du même types (l'homme sous l'armure/le costume, on voit ça dans tous les films de super-héros). Le problème de ce parti-pris tient surtout dans le manque d'envergure du personnage, car l'homme dans la machine, pourquoi pas, encore aurait-il fallu que l'homme soit un peu intéressant.

​D'une manière générale, les différents protagonistes ne sont pas terriblement passionnants, et manquent même clairement de personnalité. A l'exception du personnage de Gary Oldman (un gentil pétri de bonnes intentons qui ne va prendre que mauvaises décisions), on a du mal à s'attacher à eux ou même à les détester (Vallon, le méchant, est ridiculement insipide et fait bien pâle figure face au souvenir de Clarence Boddicker). Heureusement, les acteurs font leur job et, s'ils finissent par en faire des caisses (à l'instar de Samuel L. Jackson, en pur mode cabotinage), il proposent tous des prestations correctes (bien que pour son grande retour, on aurait aimé un peu plus de la part de Michael Keaton). Dans la peau d'alex Murphy/Robocop, Joel Kinnaman n'est pas à proprement parler mauvais, mais il manque toutefois de charisme et finit par se laisser dépasser par l'aura de son costume.

La conclusion de à propos du Film : Robocop [2014]

Auteur Vincent L.
60

Si l'on peut bien entendu s'interroger sur l'intérêt intrinsèque d'un tel remake - au delà de l'aspect purement financier bien entendu - force est de constater que le résultat final n'est pas la catastrophe annoncée. Oui, Robocop version 2014 est clairement un film malade, extrêmement bancal à de nombreux points de vue, et qui ne soutient pas une seconde la comparaison avec le chef d'oeuvre de Paul Verhoeven. C'est un fait. Maintenant, si l'on met de côté toute forme de mauvaise foi et d'a priori, on se rend bien compte qu'il y avait un vrai potentiel dans cette relecture, et que malgré l'aseptisation du produit par des producteurs visiblement trop frileux, il reste tout de même dans le film un certain nombre d'éléments réellement intéressants. Robocop est ainsi plus intelligent et plus futé que la masse des blockbusters actuels, et, en dépit de ses (nombreux) défauts, cela lui donne finalement un charme, un intérêt qui en fait un divertissement correct.

On a aimé

  • Un traitement dans une certaine continuité avec l'original,
  • Des thématiques intéressantes,
  • Un petit côté satirique, timide, mais bien plaisant,
  • Des comédiens qui sauvent les meubles,
  • Un film symptomatique de l'Hollywood des années 2010.

On a moins bien aimé

  • Un film trop lisse, trop propre,
  • Des scènes d'action plutôt pauvres,
  • Des personnages qui manquent d'envergure,
  • Techniquement moyen.

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