Critique Degenesis : Rebirth Edition [2016]

Avis critique rédigé par Mathieu F. le jeudi 22 octobre 2015 à 13h00

Le jeu de rôle de l'année...

Degenesis est un jeu de rôles créé il y a plus de dix ans (en 2003) par Marko Djurdjevic et Christian Günther. Après plusieurs expériences réussies (notamment chez Marvel), ils ont a priori décidé de créer une société dédiée à cette licence, entourés de nombreux talents, comme Jelena Kevic-Djurdjevic ou encore Gerald Parel et Michal Ivan. D'abord sorti en allemand, Degenesis Rebirth Edition est le premier pas vers une grosse gamme qui ne s'arrêtera visiblement pas au jeu de rôle…

 


Mais qu'est-ce que c'est, en fait ? Eh bien, Degenesis Rebirth Edition (ou RE) est la deuxième édition, se déroulant dix ans après les événements de la première version, d'un jeu de rôle post-apocalyptique qui, sans révolutionner le genre, apporte bon nombre de possibilités et une direction artistique absolument à couper le souffle.

C'est d'ailleurs ce qui frappe lorsqu'on aborde pour la première fois Degenesis : la sobriété propre et pro des livres (RE compte deux ouvrages de plus de trois cent pages chacun réunis en un seul pack). La police d'écriture du titre attire immédiatement le regard. Puis, on ouvre les précieux volumes, et là… c'est la claque visuelle. Aucun jeu de rôle n'aura jamais été aussi bien illustré. Chaque image, chaque personnage, chaque décor est une plongée intime dans l'univers post-apo de Degenesis et donne envie d'en découvrir plus. Même si le coeur de tout rôliste est l'imaginaire, je crois qu'aucun joueur ou meneur potentiel ne rechignera à se délecter de l'extrême qualité de l'ouvrage. Tous les éléments visuels, de la mise en page jusqu'à la façon dont les calculs de règles sont mis en évidence (dans le deuxième volume, mais j'y reviens bientôt) démontre une réflexion sérieuse, et séduit par le talent dont a fait preuve l'éditeur, le studio SixMoreVodka.

 


Degenesis : Rebirth Edition est donc présenté sous un format un peu spécial : deux ouvrages. Le premier présente l'univers et le second présente le Katharsys, le système de jeu. Commençons par le commencement : l'univers. Ce premier volume décrit quelque peu le cadre de jeu, puis les cultures (la "géopolitique", l'univers du jeu étant découpé pour le moment en sept grandes zones), les factions en présence (treize Cultes qui se tiennent la dragée haute), et enfin un chapitre dédié à l'Histoire globale (avec un grand H) de notre Terre. Pour résumer, Degenesis propose de jouer sur Terre, en 2595, plus de cinq siècles après qu'une pluie de météorites a frappé notre planète, ravageant notre civilisation, la laissant dans la panade. La période de la reconstruction qui succéda aux pillages et au chaos fut assez difficile, voyant les gouvernements et les services d'urgence s'effondrer les uns après les autres. Mais pire encore, les astéroïdes contenaient quelque chose d'inconnu jusqu'alors, que l'humanité appelle désormais le Primer. Cette force, encore mal comprise aujourd'hui, provoque de nombreuses mutations chez les sujets qu'elle touche. D'abord la faune et la flore, puis bientôt l'être humain…

Entre les conflits générés par les défauts de l'homme (foi, envie, jalousie, domination,…) et la lutte incessante de notre espèce contre le Primer, la Terre de 2595 est un endroit dangereux, sombre, glauque, où l'espoir (ou son absence) sont au cœur de la narration. L'histoire est terriblement intéressante, et j'ai dévoré la version anglaise avec passion, toujours désireux d'en apprendre davantage sur ce monde. Il en ressort que Degenesis présente un univers empli de possibilités, dense et complexe, où les secrets se disputent une place de choix face aux conflits politiques et aux intérêts personnels. Aucun jeu ne m'avait donné autant d'idées de scénarios et de campagnes à sa lecture depuis Vampire : la Mascarade. On retrouve d'ailleurs une ambiance noire et oppressante assez similaire à la gamme de White Wolf. Peut-être est-ce lié au fait que l'un est présenté comme Gothic Punk alors que l'autre est présenté sous le label Primal Punk ? En tout cas, toutes les énigmes restées sans réponses dans le premier volume ne trouveront pas leur réponse dans le second, et me laissent dans l'expectative de les retrouver, au moins survolées, dans les futurs produits de la gamme ! Quelle délicieuse torture !


Le second volume présente donc les règles du jeu, toute la liste d'équipement ainsi qu'un chapitre dédié aux futurs meneurs de jeu. Le Katharsys, disons-le sans ambages, est diablement réussi. Je l'ai présenté à des joueurs débutants qui ont compris les bases du système en quelques minutes, et pourtant, les règles permettent pas mal de subtilités quant aux options de jeu, surtout vis-à-vis des combats (meurtriers, d'ailleurs : deux à trois coups maximum suffisent pour mettre à terre un adversaire – du moins un humain).

Le système est basé sur l'ajout d'un attribut plus une compétence, le tout formant un pool de dés à six faces à lancer. Chaque 4, 5 ou 6 obtenu sur les D6 donne un succès, et il faut un certain nombre de succès pour réussir une action (de 1 à 10, en gros, avec une moyenne fréquente de 2 à 4). En outre, chaque 6 est appelé un Trigger (un "déclencheur"), et plus on a de Triggers si l'action est réussie, plus efficace sera la réussite (on est alors plus rapide, plus performant dans l'action entreprise). Les Triggers servent également à déclencher des actions spéciales lors des combats, comme déclencher le mécanisme d'une arme pour infliger des dégâts supplémentaires ! Simple, mais efficace. Et voilà ! En quelques lignes, il est possible de décrire le cœur du système, tout en laissant une porte ouverte vers des subtilités (les attaques spéciales par exemple).

 


Chaque personnage créé doit adhérer au concept du "CCC", autrement dit "Culture, Concept et Culte". Vous choisissez votre Culture parmi les sept proposées (Borca, Franka, Pollen, Africa, Purgare, Hybrispania et les sauvages Balkans), votre Concept parmi les vingt et un proposés (de Destructeur à Protecteur, en passant par Dirigeant, Elu, Chercheur ou Voyageur), et le Culte dont va faire partie le personnage parmi les treize existants.

Ces derniers sont l'un des points les plus importants de la création de personnage. La progression se fera en effet forcément par l'intermédiaire d'un de ces Cultes, et le jeu encourage fortement à ce que chaque passage de Rang s'accompagne d'une quête, d'un défi ou d'un rituel de passage roleplay, même si c'est optionnel au besoin. A ce niveau, le choix est varié : les Spitaliers sont des scientifiques, médecins et guerriers qui cherchent à vaincre le Primer pour faire triompher l'humanité ; les Chroniqueurs sont des technologues qui cultivent le mystère et le complot ; les Juges sont des défenseurs de la loi qui protègent et dirigent l'une des plus grandes cités d'Europe, Justitian ; les Helvétiques sont les descendants de l'armée suisse, devenus en partie mercenaires, qui contrôlent le plus grand point de passage terrestre d'Europe via leurs forteresses montagnardes ; les Anabaptistes sont des fanatiques héritiers du passé religieux catholique et / ou protestant; les Jehammediens sont d'autres zélés et guerriers qui rappellent fortement la religion juive cette fois ; les Apocalyptiques sont maîtres des plaisirs et de la corruption de l'âme humaine ; les Néolybiens sont des marchands, explorateurs et chasseurs qui contrôlent l'Afrique ; les Scourgers sont les descendants des guerriers tribaux africains ; et enfin les Anubiens sont les chefs religieux de l'Afrique qui semblent avoir une relation fort étrange avec le Primer africain (différent du Primer européen, visiblement).

 


Il est extrêmement difficile de donner un résumé efficace de l'univers de Marko Djurdjevic et Christian Günther tant il fourmille de détails et de profondeur. A mes yeux, Degenesis est LE jeu de rôles de 2015–2016, et ne demande qu'à se bonifier encore avec le temps tant il reste de pistes à explorer. Et c'est d'ailleurs bien parti pour, SixMoreVodka proposant déjà en ligne des premières infos sur In Thy Blood, un livre de campagne, et on entend également parler d'autres ouvrages à venir.

Ceci dit, ne nous leurrons pas, Degenesis n'est pas exempt de défauts. J'en ai relevé trois : le premier et le deuxième sont inhérents à l'architecture du livre : trop d'informations que je considère plutôt orientées pour le meneur de jeu se cachent dans les pages des deux volumes à la vue des joueurs potentiels. La timeline de la fin du premier volume, par exemple, aurait mérité deux versions : une pour les joueurs et une pour les MJ. La version joueur aurait d'ailleurs gagné à être donnée directement en début de premier volume, histoire d'avoir une idée plus précise des termes et éléments abordés dans le reste de la présentation du monde, qui peut paraître un peu floue par moments (je l'ai dit et je le répète : l'univers est dense et complexe !).

Enfin, le troisième point noir : SixMoreVodka ne donne pas assez d'informations pratiques et concrètes sur la vie sur Terre en 2595. On comprend l'idée générale (il y a globalement quatre niveaux de technologies que l'on rencontre selon l'endroit où l'on se trouve, en partant d'une vie tribale/clanique jusqu'à quelques rares et mystérieux lieux high-tech), mais le joueur (et le meneur) y aurait gagné à avoir quelques paragraphes de plus sur la manière dont se passe concrètement la vie de deux ou trois personnages de milieux sociaux différents dans chaque culture. Si ce troisième défaut est plutôt mineur (aisément remplacé par un peu d'imagination), les deux premiers sont plus embêtants, et je me prends à essayer de travailler de mon côté pour fournir une sorte de livret à destination des joueurs, et à interdire à mes joueurs de consulter les ouvrages des auteurs. C'est dommage ! Cela dit, Degenesis reste pour moi une excellente découverte, dont je suis devenu l'un des plus grands fans ! Jamais univers post-apocalyptique n'aura eu une aussi bonne mise en avant dans le monde des jeux de rôles sur table.

 

La conclusion de à propos du Jeu de rôle : Degenesis : Rebirth Edition [2016]

Auteur Mathieu F.
93

Même si pas exempt de défauts, Degenesis me semble être une excellente mise en avant du thème post-apocalyptique dans le milieu du jeu de rôle. Ses illustrations de toute beauté, la profondeur de son univers et la solidité et simplicité du système de jeu sont autant d'avantages qui font de lui LE jeu de rôle de l'année ! Et pourtant, la concurrence était rude !

On a aimé

  • Un univers graphique de très haute qualité,
  • Un background riche et dense,
  • Une ambiance géniale,
  • Des heures et des heures de jeu !
  • Un système de jeu simple à appréhender, mais pas dénué de possibilités.

On a moins bien aimé

  • La différenciation des informations,
  • Une description parfois légère de la vie au quotidien,
  • La Chronologie aurait du être au début du premier volume.

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