Critique Uxmal [2019]

Avis critique rédigé par Gaetan G. le mardi 24 mars 2020 à 09h00

Une bonne boîte familiale, simple sans être simpliste

Le studio Blue orange a lancé, fin 2019, toute une palanquée de titres reprenant des mécaniques tirées des grands classiques du jeu de société, en les simplifiant (parfois considérablement) afin de les adapter au public des 8 ans et plus.

Après Dragon Cave s’inspirant de Cerbère, Ninja Night reprenant Colt Express, voici maintenant le tour d’Uxmal aux faux airs de… Teotihuacan. Clairement, l’analogie ne saute pas forcément aux yeux cette fois-ci : Uxmal  ne reprend en effet qu’une toute petite partie de la mécanique de son grand-frère. Le placement d’ouvriers matérialisés par des dés passe complètement à la trappe, en revanche la mécanique de construction de pyramide est quasiment la même d’un jeu sur l’autre.

Et autant Dragon Cave et Ninja Night n’étaient pas forcément inoubliables, autant Uxmal tape juste. Je trouve qu’il s’agit  – et de loin – du meilleur des trois. Le titre se révèle franchement intéressant pour les plus jeunes, et dans le même temps il propose quelques variantes qui permettent d’offrir un peu de stratégie. Bref, il s’agit d’un titre 8+ qui ne finira pas au placard au bout de quelques semaines, et c’est cool. Regardons tout cela plus en détail.

Un matériel flatteur

A l’ouverture, la boîte d’Uxmal se révèle plutôt bien remplie : elle propose un plateau compteur de points, un deck de cartes, 12 Meeples en forme de prêtre et surtout une cinquantaine de tuiles en plastiques qui viennent s’assembler afin de former une pyramide maya.

Dans l’absolu, il s’agit juste de tuiles creuses que l’on vient empiler comme des lego sur le plateau de jeu. Cependant, l’ensemble rend très bien une fois sur table. On a l’impression d’avoir affaire à du massif et du solide. C’est un beau résultat, surtout quand on considère que le titre est vendu aux alentours des 25€. La direction artistique fait mouche, l’illustrateur Mehdi Merrouche est parvenu à trouver un bon compromis entre un thème fort et la lisibilité des différents éléments du jeu.

Le manuel est conforme à ce que l’on peut attendre d’un titre familial : il se révèle simple et didactique, et on peut se permettre de le lire pour présenter le système de jeu sans que tout le monde ne décroche au bout de 5 minutes. L’iconographie est réduite à sa plus simple expression – 4 symboles en tout et pour tout. C’est bien la preuve que l’on n’a pas besoin d’une complexité énorme pour s’amuser et se titiller les neurones. Le manuel est facilement trouvable en ligne sur le site de l’éditeur, c’est toujours mieux pour un jeu à destination des enfants et qui peut donc prendre cher en quelques minutes d’inattentions.

Une mécanique toute simple…

Le but de la partie est simple : les joueurs doivent construire une pyramide inca composée de 3 étages. Les différents étages s’assemblent les uns après les autres, ce qui signifie que la partie va durer en tout et pour tout 3 tours.

A son tour, le joueur actif dispose de 3 actions possibles. Il peut tout d’abord piocher une tuile qu’il va ensuite poser sur le plateau. Si on fait correspondre 2 symboles identiques de manière adjacente, que ce soit sur le même niveau ou sur deux niveaux différents, alors on récupère une carte idole portant le même symbole. Si l’on superpose deux symboles identiques, on gagne cette fois deux cartes idole. Tout l’art va consister à identifier l’emplacement le plus rémunérateur, vu que ce sont ces cartes qui vont permettre de marquer des points à la fin du tour.

Le joueur actif peut ensuite choisir de poser un prêtre sur le symbole de son choix. Celui-ci va rapporter des points de victoire à la fin de la manche, lorsque l’étage sera complété. Chaque symbole a une valeur en point, indiquée sur le plateau de comptage des points.

Cependant, tous les symboles n’ont pas la même valeur… Le joueur actif peut donc décider de changer la valeur des différents Dieux en dépensant des cartes symboles identique. Chaque carte dépensée augmentera ou diminuera la valeur du Dieu identique.

De ce fait, un prêtre posé lors d’un tour précédent peut tout à fait se retrouver sur un Dieu qui ne vaut rien. Si c’est le cas, il est possible de défausser des cartes symboles de son choix (identiques ou différentes), chaque carte permettant de déplacer un prêtre de 1 case.

La tour se remplit étage par étage, la manche prenant fin immédiatement lorsqu’un joueur complète l’étage actif. A ce moment-là, on procède au comptage des points de la manche : seuls les 2 dieux de plus forte valeur sont comptabilisés, les autres ne rapportent aucun point. Chaque joueur gagne la valeur en point correspondante multipliée par le nombre de cartes de cette couleur qu’il a en main. Ces cartes sont ensuite défaussées, puis les dieux en questions sont relégués dans les dernières places du classement. Les prêtres sont enlevés du plateau, et c’est parti pour un nouveau tour.

…Gentiment fourbissime quand on creuse

Le fonctionnement est tout simple, mais on peut vite se faire piéger. Par exemple, les cartes sont disponibles en nombre (très) limité. S’il n’y a plus rien à piocher, on n’a que les yeux pour pleurer. Si l’on rajoute à cela le fait que les Dieux tournent (un peu comme dans toute bonne cave du 9.3 qui se respecte) cela signifie que la récolte de cartes n’est jamais inutile.

Même si la chance n’est pas avec vous et que vous n’avez accès qu’à des idoles moisies, vous allez être en position de force pour les tours suivants. Cerise sur le gâteau, vos petits camarades ne pourront pas piocher les idoles en questions puisqu’elles seront chez vous. Vos camarades tenteront bien de changer la valeur des Dieux en cours de route, mais vous resterez néanmoins en position de force. Pensez bien à garder un œil sur les actions de vos petits camarades histoire d’avoir toujours le dernier mot.

Comme tout aura de l’intérêt au final, l’essentiel est de maximiser le nombre de cartes récupérées par tour : 1 c’est nul, 2 c’est correct, 3 c’est 50% de plus mine de rien et 4 c’est festival ! Tour après tour, c’est cette petite différence qui construira la victoire finale. Pour le reste, Uxmal est un titre opportuniste dans lequel la configuration du plateau peut considérablement changer pendant la partie.

Jeu de main, jeu de rabouin

Un peu l’air de rien, Uxmal appartient à la catégorie des jeux d’enflure, mais des jeux d’enflure gentils.  Chaque mouvement est en effet un arbitrage entre se renforcer à titre individuel (poser une tuile), marquer des points (poser un prêtre) ou changer les rapports de force (modifier la valeur des Dieux).

La pression du temps est sensible : plus le niveau se remplit, plus le premier a intérêt à finir vite pour figer les rapports de force existants. De fait, le titre offre régulièrement quelques jolis moments de tension : est-ce que je place la dernière tuile, ou est-ce que j’en profite pour rebattre les cartes au risque que le joueur suivant ne fasse de même ? Bref c’est sympa, et les interactions permanentes entre les joueurs font qu’on ne s’ennuie pas une seconde.

Après, on est clairement sur du jeu d’opportunisme. La pioche de la tuile contraint énormément la stratégie du tour. Cependant, le fait que l’on conserve les cartes inutilisées et qu’elles nous donnent un avantage sur les prochains tours permettent de limiter l’influence de la chance. On peut arbitrer entre le court et le moyen terme.

On peut aussi très bien s’amuser en jouant sans se prendre la tête. De fait, Uxmal est parfaitement jouable dès les 6 ans, si le bout de chou est un minimum habité aux jeux de société. Fort heureusement, le petit plus stratégique offert par le titre lui permettra de ne pas prendre la poussière en 15 jours dans un coin de votre armoire à jeu. C’est personnellement le genre de titre que je recherche : immédiatement accessible, mais doté de suffisamment de rejouabilité et de stratégie pour que les plus jeunes se sentent progresser de partie en partie.

Le jeu propose plusieurs également variantes sur le placement des prêtres (ils restent en place d’un tour sur l’autre et/ou leur nombre diminue à chaque tour) à utiliser sans modérations. Avec celles-ci, le titre se transforme en titre familial+ pas aussi simple qu’il n’y paraît, tout-à-fait sortable lors d’une soirée jeu entre amis. Bref, Uxmal est une excellente surprise, à tester et à faire tester sans modération. C’est un jeu simple mais pas simpliste, qui ne prends pas son public pour un idiot.

L'essentiel en quelques mots

Mécanique : pose de tuile + construction de main
A Uxmal, on vient poser des tuiles sur le plateau pour assembler une pyramide inca. Ladite tuile va permettre de récolter des cartes en fonction des symboles identiques que l’on parvient à accoler. Ces cartes vont permettre de gagner des points, mais elles peuvent également être dépensées pour changer le nombre de points rapportés par un symbole en particulier.

Public cible : familial, accessible dès 6 ans
Le titre est hyper accessible, vous pouvez y jouer dès 6 ans avec des enfants bien à l’aise avec le jeu de société ou dès 8 ans sinon. Le jeu n’est pas simpliste et même les adultes pourront prendre plaisir à jouer : les variantes évoluées sont malignes à souhait.

Nombre de joueur : 2 à 4. Plus posé à 2 et plus compétitif à 4
Le jeu se joue exactement de la même manière à 2 comme à 4. Je préfère les parties à 4 joueurs, plus tendues et imprévisibles. Mais le jeu est également excellent à 2, facile à sortir et pas trop long

Durée de partie : 30 minutes
Passé la première partie, forcément un peu plus longue, le titre se joue en une bonne demi-heure. On ne renchaine pas forcément sur une revanche.

Interaction : compétitif, un peu puputte mais pas trop
Le jeu est un arbitrage permanent entre la récolte de carte et leur utilisation pour pénaliser les autres. Il est donc recommandé de regarder le nombre de cartes possédées par les uns et les autres afin de les pénaliser, mais la partie ne se résume pas non plus à enchaîner les crasses envers les autres.

Rejouabilité : moyenne
La configuration de partie est globalement la même à chaque fois, d’où le fait qu’on n’enchaine pas forcément les sessions de jeu. Mais Uxmal est avant tout un jeu d’opportunisme, on réagit au contexte plutôt que de construire sa stratégie pendant toute la partie.

Courbe de progression : correcte pour les plus jeunes
AU début on peste si la chance n’est pas avec nous, puis on apprend progressivement à construire sa stratégie sur plusieurs manches ou à jouer avec la fin du chrono. Il y a donc une petite courbe de progression, sensible surtout avec les plus jeunes et franchement agréable.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Uxmal [2019]

Auteur Gaetan G.
80

Dans Uxmal, on vient poser des tuiles afin de recréer étage après étage une pyramide maya. Chaque tuile va rapporter une ou plusieurs cartes divinités, en fonction des symboles présents sur la tuile en question ainsi que sur ses voisines. Ces cartes vont servir à gagner des points à chaque tour, mais il est également possible de s’en débarrasser afin de modifier le nombre de points rapportés par les différents symboles.

Le résultat est simple, visuellement accrocheur et accessible dès 8 ans – voire 6 si l’enfant en question est à l’aise avec les jeux de plateau. Cerise sur le gâteau, l’ensemble se révèle doté d’une bonne profondeur stratégique. Au début on peste parce que les tuiles que l’on pioche ne permettent pas de gagner de points de victoire sur le tour. Au bout d’un moment, on se met à construire une stratégie sur plusieurs tours et on poutre gentiment ses petits camarades. De plus, le jeu nécessite d’arbitrer en permanence entre la récolte de ressource et leur utilisation pour maximiser les points de victoires associés.

Bref, une excellente surprise et un titre franchement recommandable, que vous pourrez ressortir pendant longtemps car vous n’en aurez pas fait le tour en 3 parties.

On a aimé

  • Une belle direction artistique
  • Très simple à appréhender
  • Matos impressionnant pour le prix
  • Les variantes stratégiques, qui décuplent l’air de rien la profondeur du jeu

On a moins bien aimé

  • Un peu fouillis à 4, les interactions sont vraiment fortes

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