Critique Tumbbad [2018]

Critique après la projection du film lors de l'édition 2019 du BIFFF.

La dernière fois que j'ai vu un film fantastique indien, c'était en 2016 et ça s'appelait Miruthan. Au programme, il y avait des zombies, mais aussi des chansons, des danses, des couleurs et des paillettes. C'était sympa - pour peu qu'on aime Bollywood - mais ça ne cassait pas des briques non plus. Du coup, lorsque le BIFFF a proposé la projection de Tumbbad, un film de genre indien garanti sans chansons, je me suis dit qu'on allait peut être tenir une curiosité bien sympathique. Le long-métrage ayant fait l'ouverture de la semaine de la critique de la dernière Mostra de Venise, on sentait bien qu'on n'allait pas assister au premier nanar bollywoodien venu.

Et effectivement, Tumbbad a très bonne tenue. Il s'agit d'un film qui déborde clairement d'ambitions, et si toutes ne sont pas forcément concrétisées (rythme en dent de scie, CGI approximatifs), on ne peut lui retirer le fait d'avoir cherché à raconter de fort belle façon une histoire somme toute vue et revue. Le long-métrage nous raconte la vie de l'un des gardiens d'une malédiction ancestrale, de son plus jeune âge à sa mort. Habilement découpé en chapitre séparés les uns des autres par de longues périodes temporelles, Tumbbad tient de la légende mythologique indienne, mais également de la fable humaine qui va voir évoluer ce personnage qui s'est construit autour de sa mission sacrée.

Les deux réalisateurs, Rahi Anil Barve et Adesh Prasad (dont c'est le premier long-métrage), livrent ici une fresque qui fait plaisir à voir. Esthétiquement très soigné, leur film s'éloigne volontairement des canons bollywoodiens pour donner une vision de l'Inde - notamment tout le pan rural - que l'on n'est pas habitué à voir au cinéma. Jouant avec des atours anxiogènes (il pleut tout le temps, l'action se passe soit dans des entendues désertes soit dans des endroits clôts), ils posent une ambiance assez unique, parfaitement mise en valeur par une photographie qui sait magnifier aussi bien les prises de vues extérieures que les décors.

Si Tumbbad est intéressant dans ce qu'il montre, il l'est également dans ce qu'il raconte. La construction du personnage principal (parfaitement interprété par Sohum Shah) est passionnante tant elle s'évertue à dessiner un protagoniste complexe. On se prend tour à tour à aimer, à détester ou même ne plus vraiment comprendre ce héros que l'on voit évoluer sur de nombreuses décennies. Là aussi se trouve l'une des autres forces du film : sa façon de marier la petite histoire dans la grande Histoire pour porter un regard critique sur l'Inde et certains aspects de sa société (la place des femmes par exemple). On aurait même voulu que ça aille encore plus loin...