Philip K. Dick : Le génie halluciné ! > Points de vue sur l'oeuvre du Maitre
Une inquiétude métaphysique
L'image de l'œuvre de Philip K. Dick est très ambiguë, beaucoup pensent que nous nous trouvons devant des romans valorisés par une aura d'irrationnel paranoïaque, flottant dans des brumes d'amphétamines. Mais peut-être est-ce le contraire d'un quelconque délire. Dans l'ensemble de ses textes perce une profonde inquiétude métaphysique.
La double question centrale qui demeure chez l'auteur tout au long de son œuvre est la suivante : « qu'est-ce qui est véritablement réel ? » et « Qu'est-ce qui constitue l'humain ? ». Ce problème est celui du simulacre, et du rapport que nous entretenons avec lui. Les réalités contrefaites ne se contentent pas du statut d'androïde inoffensif, mais elles vont chercher à nous tromper, à nous dominer, à détruire notre humanité. Le doute « Dickien » est permanent et général, c'est une inquiétude psychologique, politique et métaphysique permanente.
Inquiétude psychologique lorsqu'il se pose la question de nos rapports à autrui et à nous-mêmes : la personne que j'ai en face de moi est-elle bien ce qu'elle parait être ? Puis-je faire confiance à mes propres souvenirs ?
Inquiétude politique, car Dick est obnubilé par cette fameuse « théorie du complot ». Entre ce que chacun peut percevoir de l'organisation socio-politique, par le biais des médias en particulier, et la véritable nature du pouvoir et des intérêts de ceux qui le détienne, toutes les falsifications sont possibles. Ainsi, la totalité du monde dans lequel nous vivons peut consister en un mensonge monstrueux, il peut être lui-même un simulacre derrière lequel se cachent ceux qui tirent les ficelles. Il est possible de soupçonner que nous vivons dans une illusion.
Enfin, inquiétude métaphysique : dans quelle mesure, un état hallucinatoire peut-il nous révéler le véritable aspect de la nature intime des choses ? Ce que voit le psychotique peut-il être considéré en un sens comme réel ?
Ce besoin de comprendre, ce besoin de sens, assorti de la nécessité constamment assumée du doute, est une des manières de définir la philosophie que Philip K. Dick ne cessa jamais de pratiquer en rédigeant ses oeuvres. Même si, à la fin de sa vie, il avait réussi à trouver une réponse à l'une des deux questions qui l'obnubilait : la définition du réel. « La réalité c'est ce qui, quand on cesse d'y croire, ne s'en va pas... »
Dick et son univers n'ont pas fini de faire couler de l'encre et d'impressionner les pellicules... Et c'est tant mieux !