Nous avons rencontré l'Homme sans Nom
Un éditeur de l'imaginaire mystérieux !
Nous sommes allés à la rencontre de l’Homme sans Nom, un éditeur de l’imaginaire qui nous a révélé ses projets.
Pour nos lecteurs, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour, je suis donc Dimitri Pawlowski, fondateur des éditions de l’Homme Sans Nom, et accessoirement rôliste (depuis un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître), cinéphile et amateurs des cultures de l’imaginaire au sens large.
Et comme gérer une maison d’édition n’est pas suffisant, je mène deux autres activités de front : j’ai monté avec un ami installé au Japon un studio de traduction de jeu vidéo (nous avons notamment réalisé les traductions de Disgaea 4 et 5, ou encore de Danganronpa V3), et je suis le cofondateur de la formation d’auteurs de Licares, à l’initiative d’Oren Miller, dont je publie les romans policiers. Cela reste au final des activités très complémentaires, et je prends un grand plaisir à pouvoir les combiner, même si cela implique parfois (bon, toujours, en fait) des semaines un peu denses !
Dimitri, parle-nous de la maison d’édition l’Homme sans Nom? De quand date sa création et qu’est-ce qui a motivé cette aventure ?
L’idée des éditions HSN est née je dirais fin 2008, d’une façon assez amusante quand on y pense : j’étais joueur sur un serveur RP sur World of Warcraft, et, MMORPG oblige, on discute avec les gens de qui nous sommes derrière les avatars. À l’époque, je travaillais déjà dans le monde du livre, en tant que secrétaire d’édition en maison d’édition de manga. Entre cette facette professionnelle, et le fait que j’avais une activité assez littéraire dans le jeu, j’ai quelques auteurs et autrices qui m’ont demandé si je pouvais leur faire un retour sur le texte, un bon restau à la clef pour me remercier ! Une forme de bêta-lecture avant que ça prenne forme organisée comme maintenant.
Et du coup, quand mon expérience en maison d’édition de manga s’est terminée, je me suis posé une question simple : allais-je utiliser mes économies pour passer le permis et acheter une voiture, ou bien pour monter un projet, vu que j’avais remarqué qu’il y avait plein de bons textes qui ne trouvaient pas éditeur ? J’ai mis un peu de temps à lancer le projet : je tenais à être diffusé et distribué en librairie ; les discussions que j’avais eues avec des amis dans le monde de l’édition (et je ne remercierai jamais assez Olivier Dombret de Bragelonne des conseils qu’il a pu me donner, je ne serais probablement pas là aujourd’hui sans lui) m’avaient permis de me décider sur ce point : je tenais à mettre un pied en librairie, même si je me doutais qu’au début ça ne serait pas forcément très rémunérateur.
Et rapidement, la politique autour de la maison d’édition s’est affirmée autour des trois genres de l’imaginaire, et du polar dans un second temps, toujours dans une volonté de ne pas trop publier (les premiers romans sont sortis au printemps 2011, et avec les dix ans de la maison d’édition l’an prochain, j’aurai publié environ une petite quarantaine de titres), et de me positionner essentiellement dans une volonté de découvrir de nouveaux auteurs et autrices francophones ; je ne m’interdis évidemment pas de travailler avec des auteurs qui ont déjà publié avant, mais l’idée est de réellement faire un bout de chemin dans les carrières d’auteurs et d’autrices de talent.
Comment es-tu arrivé au métier d'éditeur ?
Je pense que j’ai eu un parcours globalement toujours lié aux domaines artistiques ; déjà d’un point de vue familial, entouré d’une professeure de danse, d’un ferronnier d’art et d’une première main de couture ; ensuite dans mes centres d’intérêt, très rapidement liés autour de la lecture, et des mondes imaginaires. Biberonné aux Livres dont vous êtes le héros (que je collectionne encore aujourd’hui !), je me suis rapidement tourné vers les jeux de rôle ; j’ai notamment organisé sept éditions d’une convention sur Vincennes (94), amené le jeu de rôle dans les murs de Japan Expo, et, peut-être le fait d’armes rôlistique dont je suis le plus fier, organisé la venue de Mike Pondsmith au Salon ISC de l’imaginaire en… 2002.
En parallèle d’études de lettres classiques, puis de cinéma, j’ai commencé à pigé dans des magazines de culture de l’imaginaire, au sein du groupe FJM : conditions de travail assez inconcevables, mais le moins qu’on puisse dire, c’est que ça formait à l’écriture rapide ! Tout en continuant des études dans d’autres domaines, avant tout pour gagner en culture et en connaissances, j’ai continué à piger à droite à gauche, jusqu’à me retrouver à faire un remplacement de congé maternité dans une librairie, puis à rejoindre l’équipe de Punch Comics (destiné à devenir Taïfu Comics), étant appelé à un poste de secrétaire d’édition par un de ses fondateurs. L’expérience a duré deux ans, avec au milieu un poste de commissaire général de la première édition de Japan Expo qui a eu lieu à Villepinte, et la boucle se boucle sur la création de la maison d’édition.
Au final, j’ai utilisé un mélange de compétences théoriques et d’apprentissage sur le tas pour l’application de ces compétences, et c’est ce qui a mené à l’évolution, aux forces (mais aussi probablement aux faiblesses, je suis fier du projet, mais j’essaie de ne pas être trop orgueilleux le concernant) de l’Homme Sans Nom.
Pourquoi ce nom l’Homme sans Nom ?
Vu que ce n’est plus trop un secret, je raconte le pourquoi plus facilement qu’à mes débuts, quand je tenais à garder le mystère. Trouver le bon nom pour une maison d’édition est loin d’être évident, on ne doit pas se louper, ça va nous accompagner toute la vie de la maison, refléter son identité, ses particularités, devoir attirer l’attention, avoir la bonne connotation.
Et autant, comme tout le monde, j’ai mes petits talents personnels secrets, autant « trouver des noms » n’en fait pas partie (mon enfer absolu en partie de jeu de rôle, notamment) ; du coup, après quelques heures à tester des trucs, à poser de nouvelles tentatives sur le papier, sans que rien me convainque réellement, je me suis dit « Pourquoi pas les éditions Sans Nom, vu que je ne trouve pas de nom ? ». Sauf qu’il manquait quelque chose, il y avait de l’idée (du moins par rapport aux très discutables tentatives précédentes), mais c’était comme un plat qu’on vient de cuisiner en reproduisant une recette, mais sans avoir l’ingrédient secret : il manque une pointe de saveur. Et j’ai repensé à ce que m’avaient dit les gens de Bragelonne, sur le fait qu’ils étaient fans d'Alexandre Dumas, et que ça expliquait le choix du nom. Et, assez naturellement, le mot « homme » est arrivé pour compléter l’ensemble. Si Ulysse est un de mes personnages de la mythologie grecque préféré (comme beaucoup de gens de ma génération, probablement, merci la série de Jean Chalopin), je suis aussi, voire surtout, un grand fan de Clint Eastwood, et quel « homme sans nom » plus connu que lui dans ses westerns ?
Et c’est comme ça que je me suis retrouvé à fonder les éditions de l’Homme Sans Nom !
Quel est l’ouvrage déjà édité dont tu es le plus fier ?
C’est rude, comme question, un peu comme de demander de choisir à un parent quel est son enfant préféré ! Je vais du coup comme tout le monde avec ce genre de questions tricher un peu.
Je vais évoquer mon dernier « gros coup de cœur », qui est Les Bras de Morphée, un roman assez improbable, à la fois avec son point de départ, et la façon dont je me suis retrouvé à l’éditer. En effet, j’ai donné une réponse positive environ… une semaine après avoir reçu le texte, tant et si bien que l’auteur s’est au début - et de manière tout à fait logique - posé des questions sur qui j’étais, se demandant notamment si je n’étais pas une maison d’édition à compte d’auteur ! C’était vraiment une forme d’alignement des planètes : une ouverture de soumission de manuscrits, le premier texte que j’ai attrapé, et j’ai été totalement embarqué. Et Les Bras de Morphée, avec son point de départ de SF décalée - « Qu’est-ce qui se se passerait si l’humanité dormait en moyenne 20 heures par jour ? » - est devenu un de nos très beaux succès critiques et publics.
Mais je suis aussi particulièrement fier de La 25e Heure (et ses suites), qui va d’ailleurs en septembre connaître une adaptation en BD scénarisée par Feldrik Rivat, l’auteur des romans, chez les Humanos, ou encore de Que passe l’hiver, roman qui a contribué à faire de David Bry le Coup de cœur des Imaginales 2019. Et particulièrement heureux d’avoir pu sortir les trois romans policiers d’Oren Miller, qui a tout pour moi pour devenir la nouvelle voix francophone dans ce domaine somme toute très concurrentiel.
Et, évidemment, de tous les autres, mais l’approche de HSN est de fonctionner de manière très proche des auteurs et de ne publier que des titres en lesquels nous croyons ET qui nous ont plu personnellement au sein de l’équipe, donc, c’est plutôt normal…
Quels sont les projets de la maison pour 2020 voire 2021?
Avec les événements sanitaires que nous avons connus, l’année 2020 a été radicalement chamboulée, et des cinq sorties prévues pour l’année, j’ai choisi de réduire un peu la voilure pour éviter des accidents de parcours, vu que notre fonctionnement a pour but de l’éviter et de permettre à chaque roman d’avoir autant que possible sa chance en librairie.
Du coup, pour 2020, nous tournerons à trois sorties, deux qui viennent d’arriver au mois de juin (initialement prévues pour avril et mai). Tout d’abord, Les Chats des neiges ne sont plus blancs en hiver, très beau premier roman de fantasy à l’ambiance poétique et envoûtante qui bouscule avec soin les codes du genre ; pour l’anecdote, j’ai signé avec l’autrice suite à une rencontre au speed dating des Imaginales 2018, et cela s’est passé d’une façon assez amusante : le format des rencontres fait que chaque auteur et autrice a environ 10 minutes pour présenter son roman et échanger avec l’éditeur qu’il ou elle a en face, et j’ai arrêté Noémie Wiorek dès sa première phrase de présentation ; je ne l’ai pas laissée se décomposer trop longtemps, et l’ai rassurée en lui disant que cette accroche m’avait donné envie de lire le livre, et qu’il n’y avait pas besoin qu’elle m’en dise plus pour cela. « Les Chats des neiges ne sont plus blancs en hiver raconte l’histoire d’Agnieszka, jeune femme chargée de ramener l’hiver disparu. » Suffisant pour m’emporter dans l’univers de Noémie.
Le second titre part dans une tout autre direction, avec une couverture autrement plus directe, et un ton de fable pop et punk assez décalée autour d’une étrange… pandémie (promis, le roman avait été finalisé longtemps avant les derniers événements) qui rend les victimes avides de manger les gens qu’ils croisent. Et le lecteur suit le quotidien d’une victime de cette étrange maladie, un père de famille sans histoire, ce qui permet à Julia Richard, l’autrice, de retourner très astucieusement les thématiques du zombie, et d’offrir un roman percutant, qui a du… mordant, et qu’on pourrait voir un peu comme un « qu’est-ce qu’aurait donné Fight club s’il avait été écrit en 2020 ? ».
Et au second semestre, ce sera un des événements de l’année pour L’Homme Sans Nom, avec le nouveau roman de David Bry, La Princesse au visage de nuit, un « conte de fées pour adultes » extrêmement touchant, poignant, et universel.
Du coup, pour l’an prochain, les deux dernières nouveautés initialement prévues pour 2020 seront au programme, avec Célestopol - 1922, le nouveau recueil de nouvelles dans l’univers de Célestopol créé par Emmanuel Chastellière ; si nous ne publions « de base » pas de recueils de nouvelles, celui-ci a réussi à nous emporter, d’autant que, comme Célestopol, 1922 garde un fil rouge, des personnages récurrents, formant une sorte de pont avec une facette de roman. Également au programme, le nouveau texte de Romain Delplancq, l’auteur de L’Appel des Illustres, très attendu par ses fans (qui viennent régulièrement lui demander en salons où il en est de l’écriture). Également, et nous en attendons beaucoup, le nouveau roman de Yann Bécu, qui sera dans la veine des Bras de Morphée en matière de tonalité, et qui risque de frapper fort à nouveau.
Et, évidemment, comme nous fêterons nos 10 ans l’an prochain, nous prévoyons diverses petites choses supplémentaires, mais rien n’est encore confirmé & calé à 100 %, donc je ne veux pas m’engager et nous porter la poisse !
Que peut-on te souhaiter pour l’avenir ?
De manière très pragmatique, de sortir en bon état de la situation actuelle qui reste compliquée. De pouvoir continuer à découvrir des auteurs et des autrices de talent, et de les mener toujours plus loin et plus haut. Et, du coup, de pouvoir fêter nos 20 ans en étant toujours vaillants !
Merci Dimitri, que 2021 soit propice à l'Homme sans Nom !
Publié le vendredi 3 juillet 2020 à 09h00
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