Critique Ernest et Célestine #1 [2012]
Avis critique rédigé par Bastien L. le dimanche 11 avril 2021 à 09h00
Des souris et des ours
Le cinéma d'animation français de dessins-animés a toujours su nous offrir de véritables pépites notamment à travers les travaux de Paul Grimault (Le Roi et l'Oiseau...), René Laloux (La Planète sauvage, Les Maîtres du temps...), Michel Ocelot (Kirikou...) ou Sylvain Chomet (Les Triplettes de Belleville...) pour ne citer que quelques exemples et longs-métrages marquants. Une belle liste que rejoint aisément Ernest et Célestine.
Au départ, Ernest et Célestine est une série de livres pour enfants réalisée par l'écrivaine et illustratrice Belge Gabrielle Vincent entre 1981 et 2000, année de décès de cette grande dame de la littérature. Cette série populaire intrigua évidemment des producteurs français et belges qui en préparèrent l'adaptation en film d'animation distribué par Studio Canal et qui arriva dans les salles françaises fin 2012. Production franco-belge, le film est réalisé par le français Benjamin Renner dont c'est le premier gros projet à ce poste où il est accompagné par le tandem belge Stéphane Aubier et Vincent Patar plus expérimenté. Ces deux derniers à l'univers marqué sont surtout connus pour le délirant Panique au village (2009). Pour adapter cette série de courtes aventures en un long-métrage d'une seule histoire, on a fait confiance à l'écrivain français Daniel Pennac chargé de retranscrire l'essence de l’œuvre de Gabrielle Vincent. Même idée pour une direction artistique gardant un aspect illustration avec une certaine épure...
Le film raconte la rencontre entre deux personnages issus de mondes séparés. Célestine la petite souris orpheline et passionnée de dessin rêvant de devenir artiste. Elle est méfiante quant aux mises en garde des adultes contre les ours vivant au-dessus de sa tête et déclarés ennemis des souris vivant dans les sous-sols de la ville. Elle est poussée à devenir dentiste et doit donc partir la nuit à la surface pour récupérer des dents de lait d'oursons qui serviront à remplacer les incisives cassées de souris pour qui cette perte promet un funeste destin. C'est pendant une nuit qu'une récolte dégénère et Célestine se retrouve coincée dans une poubelle. Elle y est découverte par l'ours Ernest, sorte d'artiste sans le sous qui tente de vivre de la mendicité et de rapines avant d'être accompagné malgré lui par la souris. Cette association va faire des étincelles puisque leur amitié naissante va rapidement les plonger dans l'illégalité et faire d'eux la cible de la police des ours comme des souris...
Le scénario de Daniel Pennac est un modèle du genre. Non pas qu'il soit extraordinaire ou profondément original mais parce qu'il permet au film d'être un divertissement familial intelligent plaisant aux petits comme aux grands doté d'un sous-texte intéressant et non envahissant. Le film raconte la rencontre entre deux laissés pour compte dans leur monde respectif qui vont pouvoir s'épanouir et être heureux en allant vers l'autre faisant fi des préjugés. Ces thèmes universels de l'amitié et de la tolérance sont vraiment bien traités avec une certaine pudeur via une véritable poésie du quotidien. Cela fonctionne notamment grâce à l'opposition de caractère entre l'ours mal léché déçu par la vie et la petite souris débrouillarde et pleine d'espoir. L'aventure de ces deux êtres ballottés par la vie se suit avec grand plaisir dans un film qui gère son rythme sans cahier des charges avec une structure classique au début (présentation des personnages et de leur monde) puis cela s'accélère menant à une sorte de parenthèse plus posée avant un final plus rythmé. Tout est parfaitement maîtrisé alors qu'on suit des personnages attachants dans une ambiance féerique, mélancolique et sucrée avec une petite pointe douce-amère comme avait su le faire, toute proportion gardée, Le Tombeau des Lucioles en son temps sans que Ernest et Célestine ne soit aussi dramatique, loin de là. On pourrait reprocher quelques menus défauts au scénario de Pennac comme la découverte de deux mondes laissant sur notre faim, une structure sans surprise et quelques caricatures dans le propos comme celle de l'artiste incompris.
Néanmoins, quand ce scénario est mis en images/dessins cela se fait pour notre plus grand bonheur. Mettant à l'honneur un zoo-anthropomorphisme, le film nous projette dans une sorte de France (ou de Belgique) de directe après-guerre légèrement carte postale où vivent des ours comme vous et moi. Sauf qu'en dessous d'eux on retrouve la cité des souris plus ancrées dans la roche et l'industrie. Il apparaît intéressant de voir ce monde des souris qui ne semble exister que par opposition aux ours qui eux considèrent les souris comme une simple nuisance. Cet aspect « deux mondes » aussi lointain mentalement que proche physiquement n'est malheureusement pas assez traité malgré quelques scènes. L'histoire est mise en scène grâce à une direction artistique somptueuse retranscrivant bien l'aspect livre pour enfant avec une approche assez épurée et l'utilisation de couleurs froides pour coller aux tons doux-amères de cette amitié. Nos yeux se perdent avec un grand bonheur dans la qualité des dessins et des décors fleurant la nostalgie. Que cela soit les intérieurs fourmillant de détails ou des panoramas naturels sublimes, on se régale. On peut néanmoins mettre à débat l'épure proposée par le film qui offre un vrai cachet et une grande originalité même si les décors paraissent parfois vide voire incomplet quand ils ne disparaissent pas quand le rythme s'emballe. Cela semble rappeler involontairement la modestie de la production.
En revanche, la qualité de l'animation est rarement prise à défaut. Les deux personnages principaux font ressentir leur physique différent et bougent avec crédibilité comme pour le reste des protagonistes. La fluidité est de mise notamment quand une masse grouillante de souris poursuis nos héros et on ressent bien la force des ours quand ils se mettent en colère. Mais ce sont surtout les interactions avec les objets qui permettent d'offrir au film ses plus beaux moments quand Ernest et Célestine démontrent leurs talents d'artistes. Bref, on aura beau dire ce que l'on veut, quand les techniques d'animation 2D sont à ce point maîtrisées, cela est tellement plus magique et vivant que les images de synthèses... Pour ce qui est de la mise en scène, elle s'avère pendant tout le film très classique se mettant complètement au service de l'histoire et de l'animation avant d'être plus marquée et inventive lors du dernier acte du film. L'histoire se divise alors en deux parties qui se répondent comme un écho et dont les événements soulignent assez bien le sous-texte social du film. Cela démontre le savoir-faire comme la retenue de Vincent Patar, Stéphane Aubier et Benjamin Renner que l'on sent complètement au service du projet. Enfin, on peut saluer la grande tenue du casting vocal à commencer par les deux héros. Lambert Wilson est génial et inspiré en Ernest tandis que Pauline Brunner offre une Célestine plus posée et malicieuse qui sied bien au personnage.
La conclusion de Bastien L. à propos du Film d'animation : Ernest et Célestine #1 [2012]
Même s'il souffre de menus défauts et d'un certain classicisme scénaristique comme artistique, Ernest et Célestine n'en est pas moins un grand film d'animation. Une œuvre que nous pouvons regarder avec fierté en tant que Français car elle offre vraiment ce que doit être le cinéma c'est à dire une affaire de sensations plus que d'une simple histoire à raconter. L'ambiance enfantine et douce-amère du film donne envie de se pelotonner en famille sous un gros plaid un après-midi d'hiver afin de passer un vrai bon moment.
On a aimé
- Une excellente ambiance douce-amère
- Une direction artistique originale
- Une animation excellente
On a moins bien aimé
- L'univers aurait mérité plus de profondeur
- Le choix de l'épure dans les décors pas toujours convaincant
- Une histoire trop classique ?
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