Critique Vice-Versa 2 [2024]

Critique de la version française.

L'histoire de cinéma est jalonnée de suites données à des films considérés comme des chef-d’œuvres avec des fortunes diverses. C'est aujourd'hui au tour de Vice-Versa 2 de s'offrir à nous.

Sorti en 2015, le premier Vice-Versa est souvent vu comme le dernier grand film du studio Pixar qui connaît depuis une réelle perte de vitesse critique comme publique pour de nombreuses raisons. Le film de Pete Docter permettait de démontrer le génie du studio californien dans une œuvre incroyable et émouvante qui fut un énorme succès jamais démenti. Il faut donc attendre près de 10 ans pour voir une séquelle alors que Pixar avait un peu freiné sur cette politique des suites tandis que le réalisateur Pete Docter était passé à Soul (2020) avant de devenir un des vice-président du studio. Dans le même temps, Pixar connaît quelques déconvenues avec des films moins populaires et surtout la politique de Disney d'utiliser le studio plus pour alimenter Disney+ que les salles de cinéma. Néanmoins, la production de Vice-Versa 2 commence vers 2020 avec Pete Docter passant la main (tout en étant producteur exécutif) à Kelsey Mann qui pris en charge le scénario. Une solution en interne pour le premier film de cet Américain que l'on retrouve aux génériques de Monstres Academy, Le Voyage d'Arlo ou encore En Avant. Il retrouve la scénariste du premier opus, Meg LeFauve, tout en s'entourant autant de psychologues que d'adolescents pour préparer son récit devant faire intervenir de nouvelles émotions en plus des 5 originales. Le film sortit sur les écrans du monde entier en juin 2024 pour un bon retour critique et surtout un triomphe public dépassant rapidement les 1,2 milliards de dollars au box-office pour un budget d'environ 200 millions. Pixar semble plus vivant que jamais !

Pour rappel, le film se déroule principalement dans l'esprit d'une jeune fille américaine Riley où cinq personnages représentant des émotions dirigent sa vie. Il y a Joie, Colère, Peur, Dégoût et Tristesse aux comportements et volontés liés à leur nom. La petite Riley a bien grandi aimée de ses parents et entourée de ses amies étant même devenue une championne de hockey sur glace attitrant l’œil de l'entraîneuse du lycée qui l'invite elle et ses deux meilleures amies à une sorte de stage de pré-saison. Mais le matin du départ, un gros bouton rouge clignote sur la console de contrôle des cinq émotions annonçant l'arrivée de la puberté pour Riley. Les émotions sont désemparées surtout quand apparaissent des nouveaux venus : Anxiété, Envie, Embarras et Ennui. Pour Riley, son monde aussi est chamboulée quand elle apprend que ses deux amies ne seront pas dans le même lycée qu'elle alors qu'elle va faire la rencontre de ses potentielles futures coéquipières et amies dont la championne Valentina. Elle se trouve donc à un croisement de sa vie entre le passé de l'enfance et le futur de l’adolescente. Au même moment, le même tiraillement a lieu dans son esprit alors que Joie veut profiter à fond des derniers moments avec ses amies tandis que Anxiété veut faire une croix dessus pour s'assurer une future vie sociale. Cette dernière va avoir le dernier mot et réussit à faire disparaître la personnalité de Riley au fond de son esprit comme de faire enfermer les cinq première émotions qui vont tout faire pour se libérer et tenter de sauver Riley...

Le film reprend donc le concept génial du premier opus sans vraiment le bousculer si ce n'est l'arrivée des nouvelles émotions. Le principal défaut du film est que l'effet de surprise n'existe plus avec un concept déjà connu qui n'arrive pas à être vraiment renouvelé. De même, le début du film est assez laborieux dans la mise en place des nouveaux enjeux comme des nouvelles émotions. Tout va trop vite, trop fort... Mais après ce premier tiers un peu abrupt, on est complètement happé par cette intrigue d'une solidité et d'une efficacité à toute épreuve avec un final riche en rebondissements et surtout en émotions. Le film se penche évidemment sur le passage à l'adolescence (beaucoup plus psychologique et social que physique) de Riley avec une personnalité évidemment changeante. Le film met littéralement en images des poncifs de la psychologie comme le fait de ne pas laisser l'anxiété prendre le dessus, de ne pas se laisser contrôler pas ses émotions ou encore qu'on ne peut enfouir les mauvais souvenirs qui finiront par remonter à la surface... Tout cela est vraiment bien fait et toujours bien amené comme de nombreux nouveaux décors qu'on prend plaisir à découvrir évoquant toujours magnifiquement des éléments de notre psyché que cela soit les secret, les espoirs ou encore le sarcasme... Le tout afin de faire comprendre aux jeunes spectateurs que toutes les émotions sont normales si on sait les contrôler et que le bon comme le mauvais nous construisent au quotidien. Des thématiques bien amenées sont jamais être moralistes.

Le film est aussi une comédie d'aventure quand on suit le chemin de Joie et des siens pour reprendre le contrôle tandis que Riley doit affronter son quotidien comme une série d'épreuves décisives. Cela permet de très bien rythmer ce film de 90 minutes qui se dévore avec plaisir sans aucun temps mort mais sans pour autant vouloir à tout prix nous interpeller. L'humour fonctionne pour tous les publics avec les fameux double-sens qui en appellent aux parents tout en n'hésitant pas à aller dans la parodie (notamment des jeux vidéo japonais) ou encore dans le cartoon avec quelques scènes très efficaces. Le tout fonctionne aussi grâce à une direction artistique toujours aussi sublime et originale qui est complètement dans la continuité du premier opus. Que cela soit le design des nouvelles émotions comme les lieux que l'on découvre. Tout déborde de couleurs chaudes et chaque découverte est un réel plaisir offrant des friandises visuelles constantes. Le « vrai monde » de Riley est totalement dans la lignée de la DA de Pixar depuis 30 ans permettant un bon ancrage plus réaliste par rapport aux esprits que l'on visite. Une nouvelle fois, on ne peut être qu'impressionnés de la maîtrise du film à bien mélanger les deux mondes au sein de son intrigue et de sa partie artistique. Le tout pour une œuvre sur les émotions et le passage à l'âge adulte au message universel tout en restant bien ancrée dans sa culture américaine avec son système scolaire et le sport qui y est rattaché.

Vice-Versa 2 est une réussite artistique certes mais aussi une réussite technique avec une qualité d'animation une nouvelle fois bien au-dessus du lot. Ce n'est pas aussi impressionnant que Elémentaire sorti l'an passé mais c'est toujours aussi sublime et bluffant. Les êtres humains ont des animations, dont faciales, encore plus réalistes. On savoure la manière dont les émotions et autres personnages du monde de l'esprit sont animés avec des comportements qui donnent parfaitement sens à leur nom. La manière dont Ennui s'affale, dont Anxiété s'agite ou comment Embarras se cache sont de bons exemples. Par ailleurs, Pixar se fait aussi plaisir en proposant d'autres styles d'animation (comme dans le premier opus) qui font mouche à chaque fois. Tout cela est parfaitement organisé et orchestré par Kelsey Mann qui démontre qu'il a les épaules solides pour gérer une telle production. Il maîtrise très bien le rythme propre à la comédie tout en sachant offrir une réalisation qui sied au sport mis en avant tout en gérant parfaitement les émotions que procure le film. Une mise en scène certes assez académique dans l'ensemble mais complètement dédiée au récit, au propos tant les idées sont au service de l'évolution psychologique de Riley. Le casting vocal français mené par des acteurs confirmés fonctionne parfaitement tant ils disparaissent derrière leur rôle que cela soit Charlotte Le Bon (Joie), Gilles Lellouche (Colère), Pierre Niney (Peur) ou Adèle Exarchopoulos (Ennui). Les comédiens de doublage qui les accompagnent sont au diapason dont Dorothée Pousséo en Anxiété.

On vous le conseille si vous aimez Vice-Versa, Inception, La Maison de Mickey...