Critique Faery Ring [2024]
Avis critique rédigé par Gaetan G. le samedi 30 novembre 2024 à 08h00
mangez-moi, mangez-moi, mangez-moi
La forte inflation que l’on subit tous a également touché de plein fouet le monde du jeu de société, dont l’essentiel des coûts est constitué de matériaux bien concrets (papier, carton et plastique) et de coûts logistiques (en d’autres termes, du pétrole).
Les éditeurs ont fait un gros travail pour renforcer leur gamme aux alentours des 30 €uros, histoire de ne pas se couper des familles et des joueurs occasionnels. Mine de rien, l’essentiel des ventes se situent là.
Dans le même temps, le marché croule sous les nouvelles sorties… Impossible donc de sortir des clones de SkyJo à la chaîne : il faut tout-à-la-fois se démarquer, prendre des risques, tout en étant capable de le faire avec des ressources réduites au minimum.
Fort heureusement, ces contraintes réussissent plutôt bien aux studios du groupe Asmodee qui enchaînent les hits avec une régularité de métronome : Captain Flip en début d’année, Harmonies aux printemps, Faery ring fin de l’été et Duck & Cover tout récemment.
Et ça tombe bien, car c’est justement Faery ring qui va passer sur le grill aujourd’hui. Le titre est bon : vous avez vu la note et il n’y a pas de suspens. Mais est-ce juste un n-ième jeu qui buzze et qui va finir au fond du placard dans 2 mois ? Se destine-t ’il uniquement à un public familial, ou en a-t’il suffisamment sous le pied pour intéresser aussi des joueurs plus confirmés ? Mérite-t ‘il de finir sur la liste au Père Noël, session 2024 ? C’est ce que l’on va voir maintenant.
Une histoire toute mignonne…
Faery ring nous propose de créer notre petit village champignon, et d’y loger tout une colonie de fées avant les rigueurs de l’hiver :
« Un rayon de lune se pose dans la clairière. Les fées s’éveillent et s’envolent. Les champignons sortent de terre, un cercle se forme. Les premières lucioles s’y posent. La magie est de retour dans la forêt, et les préparatifs avant l’hiver commencent…
Entrez dans le monde enchanteur de Fairy Ring ! Créez votre village de champignons pour accueillir les fées de la clairière. Guidez votre fée habilement, de village en village, à travers le cercle de champignons pour récolter un maximum de Mana, l’énergie magique des fées. Vous avez deux saisons pour vous développer avant l’arrivée de l’hiver. Chaque décision compte pour remporter la victoire ! »
Bref, le titre repose sur un background propre, efficace et dans l’air du temps…. Même s’il est un poil passe-partout.
On peut d’ailleurs faire exactement la même remarque pour l’identité visuelle : il y a une base verte, beaucoup de couleur flashy par-dessus, pleins de formes douces. L’ensemble est conçu pour être passe-partout et convenir à tout le monde, pas pour fracturer des rétines ou rester dans les mémoires.
Cependant, ne ronchonnons pas car l’essentiel est là : le thème fait corps avec les mécaniques (on parle de fées qui volètent de fleur en fleur et de champignon en champignon) et on sent bien qu’on n’est pas venu plaquer 3 illustrations sur un concept lambda.
… Et un matos à l’avenant
Niveau matériel, la boîte est dotée d’un thermoformage carton bien fichu qui tient les éléments du jeu, et les ressources sont mises dans des sachets cartonnés.
Les pions joueurs sont en acrylique, ce qui semble devenir de plus en plus la norme. Perso, je valide : le rendu est incomparablement plus classe qu’avec des standees en carton.
Les règles, pour finir, sont impeccables : le manuel est clair et concis et le jeu ne devrait poser aucun problème de prise en main, y compris pour Tata Momonne. Comptez 5 minutes montre en main pour faire le tour des mécaniques, ce qui est parfaitement approprié au public visé.
Une version PDF du manuel est disponible sur le site de l’éditeur en cas de besoin, mais l’exemplaire fourni avec la boîte est largement suffisant vu que vous ne l’ouvrirez jamais en cours de partie.
Des mécaniques simples
Regardons maintenant comment on joue. Chaque joueur commence la partie avec une carte posée devant soi et 7 cartes en main, plus une petite figurine en acrylique disposée sur la carte disposée face visible.
Tout le monde choisit une carte de sa main, la pose devant soi face cachée puis passe les restantes à son voisin de gauche pour le prochain tour.
Le premier joueur révèle sa carte, puis il choisit où il la pose. Cela peut être, au choix, soit sur un nouvel emplacement situé à droite ou à gauche des cartes déjà posées, soit au-dessus d’une carte déjà posée du même type. En général, on alterne les deux pendant la partie : le fait de créer une nouvelle colonne permet de se donner de nouvelles opportunités de scorer, tandis que le fait d’upgrader une colonne existante permet de gagner plus de points, mais forcément moins souvent.
Chaque carte comporte principalement deux informations : un type, et une valeur de déplacement.
Pour le type, pas grand-chose à en dire : il existe 6 champignons différents, ce qui représente autant de stratégies de développement. On va en détailler les effets un peu plus bas, une fois qu’on aura passé en revue l’ensemble des mécaniques.
Le déplacement est lié à la phase suivante. Une fois que la carte est posée, le joueur déplace en effet sa figurine d’autant de cartes que la valeur de déplacement, toujours dans le sens horaire.
Le petit twist du jeu, c’est que l’ensemble des cartes jouées forment le fameux cercle qui donne son nom au jeu. Une fois qu’on a passé toutes les cartes de son plateau, hop, on passe sur les cartes de son voisin de gauche, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on ait terminé son déplacement.
Deux cas de figure peuvent alors se présenter. Si un joueur finit son déplacement chez lui, il marque les points du champignon concerné et basta. En revanche, si un joueur finit son déplacement sur un champignon adverse, alors les deux vont pouvoir marquer des points : le propriétaire du champignon va scorer comme si c’était lui qui s’était arrêté dessus, et le joueur actif va pouvoir activer un de ses propres champignons du même type. S’il n’en a pas, tant pis pour lui ; il ne marque aucun point.
On passe ensuite au joueur suivant. Il active la même routine (révélation de la carte, pose, déplacement, scoring) et ainsi de suite jusqu’à ce que tout le monde ait joué.
Le premier joueur change, et c’est reparti pour un tour. Lorsque tout le monde a joué 6 cartes, on défausse la dernière et on refait une seconde manche avec de nouvelles cartes plus puissantes.
Il n’y a pas de scoring additionnel en fin de partie, ce qui est appréciable à l’heure les jeux multiplies les salades de points (souvent indigestes, au passage).
Mais pas dénuées d’intérêt
Parlons maintenant un peu stratégie. Comme on l’a dit précédemment, il existe 6 types de champignon différents :
- Le Magicodrome apporte des points immédiatement, sans condition particulière
- Le Belvédère rapporte des points en fonction de sa hauteur. Plus il est haut, plus ça score
- Le Pollenarium rapporte des ponts en fonction du nombre de champignons différents dans votre village. C’est l’opposé du Belvédère
- L’Académie rapporte autant de point que la valeur de déplacement du joueur qui tombe dessus
- Le Luminarium rapporte 1 point par dessin de luciole visible dans votre village
- La Source rapporte des points à chaque fois qu’un joueur la traverse sans s’y arrêter
On peut grosso-modo les répartir en 3 grandes stratégies : rush (Source, Académie), collection (Pollenarium, Luminarium) et empilement (Magicodrome, Belvédère).
Les stratégies monocolores ne fonctionnent pas et il faut impérativement se diversifier. Soyez certain que si vous avez un Belvédère géant à 24 points, vos adversaires feront tout ce qu’ils peuvent pour ne pas s’arrêter dessus (à moins, bien sûr, qu’ils n’aient exactement le même à la maison). De fait, certains joueurs pourront avoir l’impression qu’on fait toujours plus ou moins la même chose.
Cependant, ça n’a pas que des mauvais côtés : ça oblige à surveiller en permanence le jeu de ses adversaires, afin de placer les bonnes tuiles qui vont les inciter à s’arrêter chez vous.
Faery Ring n’est clairement pas un jeu d’affrontement. Au contraire, tout l’art consiste à deviner ce qui va attirer ses adversaires, tout en se débrouillant pour en profiter plus qu’eux.
En fin de partie, les combos sont franchement gratifiants et il n’est pas rare de scorer du 20 ou 30 points par tour.
Le petit twist mécanique du jeu est également sympathique, je n’ai pas le souvenir d’un autre titre qui repose sur une mécanique similaire.
Petit bémol sur le draft, en revanche, qui n’amène pas grand-chose en termes de stratégie. Certes, un joueur voit passer 86 cartes pendant la partie (la moitié pendant la première manche et la moitié pendant la seconde) mais ce n’est pas nécessaire de les retenir pour gagner. On peut parfaitement jouer au fil de l’eau.
Et au rayon des trucs qui n’amènent pas grand-chose, citons également le système de comptage de point. Le jeu a en effet deux ressources : le mana, que l’on récolte à la fin de son tour, et les points de victoire que l’on échange (1 point de victoire valant 20 manas). Les scores tournent aux alentours des 120 à 180 points, soit entre 6 et 8 points de victoire plus un peu de monnaie en mana. Il aurait mieux valu quelques pièces de 50 et de 100 et de rester sur une seule ressource, plutôt que d’en mettre deux et faire des maths à longueur de partie.
100% calibrées pour un public familial
En résumé, Faery Ring est un jeu de construction de moteur et de draft, pensé avant tout pour un public familial :
- 5 minutes pour les règles et la mise en place ;
- Un matos visuellement flatteur ;
- Un bon compromis entre la profondeur et la prise de tête ;
- Le tout pour un prix contenu de 25 à 30 €uros.
Pour moi, c’est un titre qu’il est toujours bon d’avoir dans sa ludothèque, car on est sûr de pouvoir sortir souvent et facilement (y compris d’ailleurs avec des gens peu ou pas joueurs) et ce sera sans surprise un des gros cartons des fêtes de fin d’année. Le titre est conçu pour ça.
Depuis son arrivée au club, c’est le titre le plus joué et le plus demandé. Une partie se finit, une autre s’enchaîne. Et le succès du titre ne se dément pas, il reste toujours aussi demandé après plusieurs mois.
Mais pour les gros joueurs, du coup ?
Pour les plus gros joueurs, en revanche, le constat a été un poil plus mitigé… Mais pas forcément pour de bonnes raisons !
Une première partie de mes joueurs experts est clairement passé à côté du titre. Je pense que c’est notamment parce que ce type de joueur n’est pas câblé pour Faery Ring : par défaut, il va chercher à faire une stratégie très tranchée, voire monocolore, afin maximiser les synergies et les multiplicateurs. Or, elle ne fonctionne pas du tout ici. Au contraire, elle va pénaliser les interactions avec les autres puisque tout le monde va s’efforcer de vous éviter. D’où une impression de jeu plat et sans contrôle.
D’autres ont eu une première impression négative, mais qui s’est améliorée au fil des parties. Certains ont même fini par reconnaître, mais du bout des lèvres parce que faut pas déconner non plus, que « ça va c’est pas si mal, ça se laisse jouer quoi ».
Et c’est là tout le paradoxe de Faery Ring ! les joueurs familiaux rentreront tout de suite dedans tandis que les joueurs plus matures risqueront de passer à côté, au moins dans un premier temps. Je les invite donc à faire deux ou trois parties avant de se faire une idée ferme et définitive, parce qu’encore une fois c’est pour moi un bon titre pour toute ludothèque qui se respecte. C’est le titre idéal à sortir pour accueillir des petits nouveaux à la maison sans leur faire peur…
La conclusion de Gaetan G. à propos du Jeu de société : Faery Ring [2024]
En conclusion, Faery Ring est un excellent petit jeu de draft et de construction de moteur :
- Draft, parce que le jeu a comme un faux air de 7 Wonders : on commence la partie avec 7 cartes en main. A chaque tour, on en choisit une avant de passer les autres au joueur à sa gauche.
- Construction de moteur, parce que chaque carte représente un champignon que l’on va venir ajouter à son domaine, soit pour renforcer les gains d’un champignon du même type déjà posé, soit pour se créer de nouvelles opportunités de scoring.
La petite subtilité du jeu, c’est que les colonies de tous les joueurs forment un grand cercle. Après avoir placé sa carte, le joueur actif déplace également sa petite figurine du nombre de case indiquées dessus.
Si ma propre figurine arrive chez moi, je suis le seul à marquer des points. Si elle arrive chez un adversaire, ce dernier marque des points, tandis que je peux scorer un seul et unique champignon du même type situé chez moi.
Mine de rien, ça ouvre pas mal de possibilités stratégiques : est-ce que c’est la valeur qui va vous intéresser, ou le type de champignon ? Est-ce que vous vous concentrerez sur un ou deux champignons, avec le risque que vos adversaires les évitent consciencieusement à chaque tour, ou est-ce que vous vous étalerez à mort afin de marquer peu de points mais souvent ? Honnêtement, il y a quelques stratégies sympas à tester !
De fait, le titre fonctionne du feu de Dieu avec un public familial. C’est simple, accessible, on peut jouer n’importe comment en se faisant plaisir mais la réflexion est tout de même valorisée. Bref, impossible que le titre prenne la poussière, tant il est facile à sortir. A l’asso, il ne quitte pas les tables de jeu depuis que nous l’avons reçu.
En revanche, le constat est un peu plus mitigé avec un public plus expert, essentiellement parce que le jeu va à contre-courant des mécaniques habituelles pour ce genre de public. Essayez d’attendre 2 ou 3 parties avant de trancher, c’est quand même mine de rien le genre de jeu parfait à avoir dans sa ludothèque lorsqu’on doit accueillir de nouveaux joueurs sans leur faire peur.
On a aimé
- 5 minutes pour la lecture des règles et la mise en place
- Parfaitement calibré pour un public familial...
- ... Mais pas dénué de profondeur pour autant
- Un titre parfait à avoir dans sa ludothèque quand on accueille des joueurs de passage
On a moins bien aimé
- Direction artistique passe-partout, manque un poil de prise de risque
- Pas mal de joueurs confirmés sont passés à côté et ont trouvé ça plat
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