Critique Etoiles, garde à vous ! [1974]
Avis critique rédigé par Manu B. le dimanche 2 avril 2006 à 06h42
Starship troopers
"A chaque fois, avant de sauter, j'ai les chocottes.
J'ai eu droit à la préparation hypnotique et à toutes injections et, raisonnablement, on pourrait penser que je ne peux pas avoir peur..."
Après le drame atomique qui a ravagé la Terre, il a fallu remettre un semblant d'ordre pour unifier les forces humaines. D'autant que, cette unité servira à résister à la menace Arachnides, des extra-terrestres agressifs qui n'ont d'autre but que d'exterminer les hommes. Juan Rico est l'une des jeunes recrues en partance au front...
Robert Heinlein est un romancier tout à fait étonnant. Il a fait parler beaucoup de lui à travers son oeuvre cosmopolite et couvrant différents thèmes universels, politiques (double étoile), militaires (starship troopers) sociaux et même religieux (en terre étrangère, révolte sur la lune). Un homme touche à tout, en autre qu'il serait réducteur de vouloir classer.
C'est pourquoi classer son oeuvre dans le "militariste voire fascisant", comme Claude Ecken dans le n°8 de Bifrost, par exemple, mérite réflexion car il est vrai que l'ambiguïté était grande, d'entrée, à la lecture de sa dédicace: "Au juteux Arthur George Smith, soldat, citoyen, homme de science, et à tous les adjudants de tous les temps qui ont oeuvré pour faire de jeunes garçons des hommes."
Je ne suis pas pro-militariste pas plus qu'anti-militariste, en aillant passé ma période réglementaire sous les drapeaux, donc c'est avec un oeil plutôt impartial que j'ai lu ce roman si polémique.
Heinlein est de toute évidence un grand conteur car il amène le sujet sur la guerre du point de vue du soldat, à l'inverse de tout un tas d'autres oeuvres insipides de space opera qui mettent en scène des officiers ou que sais-je. Juan Rico est de la chair à canon et il va au front comme nombre de ses camarades: le trouillomètre à zéro. Et ce qui occupe son esprit au moment de la descente des cargos transporteurs de troupes sur les planètes grouillantes d'Arachnides, c'est de ne pas faire dans son froc et ne pas rendre son dernier repas. La guerre, c'est ça quand on est au front, et Heinlein le décrit en connaissance de cause, puisqu'il était là lorsque la grande guerre a éclaté. Parce que la guerre contre les Arachnides, c'est sa guerre contre les Allemands, sa deuxième guerre mondiale. Et comment exorciser ses souvenirs, sinon à travers un roman ?
Le grand reproche que l'on fait au roman est surtout cette armée au pouvoir. Il est vrai que Heinlein parle du retour de l'ordre grâce l'armée, et la citoyenneté qui offre au candidat des perspectives en qualité de travail et famille, qui ne peuvent avoir lieu sans après avoir passé ses années réglementaires à l'armée.
Sauf que dans cette armée en pleine guerre, on sait quand on y entre mais on ne sait pas quand on en revient, si l'on revient...
Cet aspect dérange, Heinlein doit être militariste dans l'âme, sauf qu'il explique la raison d'une solution si radicale. Pourquoi l'armée a-t-elle du s'imposer comme maître à jouer pour la civilisation: pour rétablir l'ordre, tout simplement. ça me fait au penser roman les solariens de Spinrad, ou la guerre éternelle de Haldmemann, sans que la polémique fasse rage. La faillite de la civilisation, le cataclysme atomique avait éliminé toutes les institutions, et dans ce cas, la barbarie, l'anarchie a toujours fait son chemin. Regardez autour de vous, dans et en dehors de vos frontières, dès lors qu'il n'y a plus d'institution, plus de règles, plus de morale, le chaos, la barbarie traîne se guêtres. Heinlein est un visionnaire, il décrit une situation d'aujourd'hui-même, dans nos rues, dans nos pays: "meurtre, drogue, viol et vandalisme faisaient partie de la vie quotidienne" pour reprendre la citation de Claude Ecken.
Sauf que, j'ai vu dans ce roman un deuxième degré, où l'abus d'ordre tuait l'ordre, une lecture entre les lignes qui m'ont donné une interprétation différente. Heinlein y attaque sévèrement les institutions de l'armée lorsqu'il commence par "A l'école, nous avions étudié certaines armées du passé où les hommes étaient traités comme des esclaves", enchaîne par "une armée organisée pour perdre des guerres", au premier degré.
Ainsi, ce roman n'est pas vraiment une propagande promilitariste, mais plutôt une critique du fonctionnement de cette structure, "de la dégradation de l'armée du XXème siècle".
Et puis franchement, peut on réellement faire l'apologie de la guerre ?
Finalement, beaucoup de bruit pour rien, ce roman est un roman poignant d'un soldat qui a souffert pendant une formation incroyablement dure avec le fameux sergent Zim, puis son arrivée dans l'horreur de la guerre, avec des ennemies Arachnides inhumains et sans pitié. C'est un roman sur la guerre, certes, mais pas pour la guerre.
Le deuxième degré que Verhoeven a placé cyniquement dans son film retranscrit tout à fait l'esprit général du roman, mais de manière exacerbée.
Un très beau roman.
La conclusion de Manu B. à propos du Roman : Etoiles, garde à vous ! [1974]
Starship troopers est un roman à prendre au deuxième degré. C'est une critique de l'atrocité et de l'absurdité de la guerre, et surtout du système organisationnel de l'armée. Un magnifique roman. Une claque littéraire.
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