Critique Neuromancien #1 [1985]

Avis critique rédigé par Manu B. le mardi 27 juin 2006 à 06h50

Un chef d'oeuvre !

« Le ciel au-dessus du port était couleur télé calée sur un émetteur hors service. « Faudrait pas m’prendre pour un camé, entendit dire Case tandis qu’il se frayait un passage dans la foule pour gagner la porte du Tchat. C'est juste que mon organisme souffre d'une énorme carence en drogue. » C’était un accent de la Conurb et une vanne de la Conurb. Le tchatsubo était un bar pour expatriés de profession ; vous pouviez y zoner une semaine sans jamais entendre deux mots japonais… »
Henry Case est un ancien cow-boy, hacker à une époque révolue, depuis que sa connexion neurale a été négligemment et irréversiblement « endommagée » par ses anciens patrons alors qu’il était pris la main dans le sac en train de les doubler sur de la marchandise. Depuis, il zone à Chiba, près de Ninsei, au Japon, banlieue sordide où il refourgue le matériel qu’il peut, pour survivre et s’acheter sa came quotidienne. C’est alors que se présentent Armitage et la mystérieuse Molly avec ses yeux miroirs, pour lui proposer une obscure mission, en échange de lui permettre de se plonger à nouveau dans la matrice…
Difficile, inaccessible, nébuleux, brouillon. Beaucoup de qualificatifs sont donnés à ce roman. Et pourtant...
Et pourtant ce n'est qu'à la deuxième lecture que j'ai vraiment apprécié à sa juste valeur ce pur chef-d'oeuvre. Chef d'oeuvre ? Oui. Complètement si l'on prend la peine de relire ce monument et qu'on attribue généralement comme une des romans fondateurs du mouvement cyberpunk.
Il est une chose à savoir avant d'entreprendre sa lecture, c'est que si l'on veut commencer le cyberpunk, ce n'est pas ici qu'il faut s'y aventurer en premier. D'une part le style de William Gibson, et d'autre part l'univers dense et noir en ont fait fuir plus d'un. Préférez la schismatrice de Bruce Sterling ou bien le Cablé de Walter Jon Williams, plus accessibles. Et si vous voulez quand même vous aventurer avec William Gibson, préférez la trilogie du bridge dont le premier volet est Lumière virtuelle. Le style y est plus épuré, le monde moins sombre.
Mais revenons à Neuromancien. La difficulté est ce style mais aussi cette multitude de lieux dans lesquels on a vite fait de s'égarer. Henry case parcourt des lieux aussi divers que le Japon, la Conurb, Istanbul ou bien Lumierrante. Et à chaque étape va correspondre un point clé de l'intrigue dans laquelle le héros (disons plutôt anti-héros) est plongé jusqu'au cou. D'abord sur Terre, Chiba au japon, point de départ de ce polar hors normes, puis la Conurb, la mégalopole américaine et Istanbul.
Le style et les lieux. Mais comment ne pas tomber sous le charme d'un style inimitable et imagé:
« l’été dans la Conurb, les foules qui ondulent comme l’herbe couchée par le vent, un champ de chair humaine balayé par des courants soudains de désir et de récompense. »
La Terre est maintenant est un ensemble de lieux à la culture bien caractéristique. Ainsi, le Japon, la Conurb des anciens Etats Unis ou Istambul abritent une quantité non négligeable de personnes en marge. Quoique ce mot soit mal utilisé à partir du moment où c'est le monsieur tout le monde qui devient hors norme. Les rues sont parcourues par de multiples groupes issue de la contre-culture: punks, gothics, Jack Draculas sont partout où la rue est presque devenue un ghetto sur une grande partie de ces mégalopoles gigantesques. Et ces ghettos regorgent d'une faune telle que les hackers, dans ces ruelles sombres ou bien ces bâtiments désaffectés.
Leur job est de casser la glace, cette forteresse qui se dresse autour des donjons des multinationales dans le monde virtuel. Leur travail quotidien est de construire ces artifices pour prendre d'assaut ces châteaux forts numériques sous forme de logiciels. Des noms de légendaires hackers restent dans les mémoires des plus jeunes craqueurs, grâce à de hauts faits de brisure de glace. On se fait un nom avec ce métier. Des histoires courent, une religion prend forme.
Une religion qui prend également forme dans la RV à laquelle on se branche grâce aux trodes, où des dieux vaudous, « faux prophètes » semblent parcourir ce monde numérique. D'où viennent ils, qui sont ils ? Cela fait partie de la mission de Henry Case. S'il est impossible de rester constamment dans la RV à cause des besoins organiques des hommes, comment expliquer la présence de ces entités si ce n'est qu'elles n'ont pas une origine biologique... sont-elles vraiment des dieux ? Ce côté mystique de l'univers de William Gibson a été le moins compris mais prend tout son sens lors du passage de Henry Case dans l'espace, Zonelibre, Sion et Lumierrante, le château où toutes les explications viendront à temps. Le concept des IA en est la clé, la cause et la conséquence.
Alors, après ces quelques considérations, ce roman nous semble beaucoup plus limpide. Disons le clairement, ce roman difficile est réservé aux lecteurs confirmés de cyberpunk, mais reconnaissons l'extraordinaire coup d'éclat de ce romancier dans ces années 80.
« Ratz officiait au comptoir, avec son bras artificiel qui tressautait sur un rythme monotone pour remplir les choppes de Kirin-pression. Il vit Case et lui sourit de toutes dents, treillis d’acier est-europées et de caries brunâtres. Case se trouva une place près du bar, entre le bronzage improbable d’une pute à lonny Zone et l’uniforme impeccable d’un grand marin africain dont les pommettes s’ornaient des balafres régulières de marques tribales. »
C'est un style, une voix, un chef d'oeuvre.

La conclusion de à propos du Roman : Neuromancien #1 [1985]

Auteur Manu B.
95

Neuromancien est un roman d'un auteur exigeant pour lecteurs patients et attentifs au moindre détail. C'est l'une des références du mouvement cyberpunk, à ne pas laisser entre toutes les mains.

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