Critique Perdido Street Station, Tome 2 [2003]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le vendredi 6 octobre 2006 à 10h39

Cité de cauchemars...

Les gorgones fleuretaient dans des ballets aériens horribles et lascifs. Tentacules, membres : elles se caressaient mutuellement, dépliaient de nouveaux atours qu’elles n’avaient jamais deviné jusque-là. Les trois moins abîmées entraînèrent leur sœur, la victime de La Fileuse, sur des bouffées de fumée et d’air. Peu à peu, celle-ci, la plus atteinte, cessa de lécher sa multitude de plaies de sa langue frémissante, et entreprit de caresser ses pareilles. Leur charge érotique était contagieuse en diable…
La Nouvelle-Crobuzon. La ville cosmopolite, depuis longtemps siège des hommes-oiseaux, des hommes-batraciens et des femmes-cafards, mais aussi siège des hommes. Aujourd’hui, terrain de chasse des Gorgones, ces terrifiantes mites dévoreuses d’esprit qui la nuit venue, chient des étrons de cauchemars qui viennent hanter le sommeil des citadins.
Dans ce tome 2 de Perdido Street Station, l’auteur China Miéville nous invite à accompagner la savant bedonnant Isaac dan der Grimnebulin dans une horrible aventure urbaine. En compagnie de ses amis, le renégat Garuda Yagharek (qui passe du statut d’élément central à simple compagnon de route), la journaliste Derkahn Journoir (qui remplace la Khépri Lin, cette dernière devenant élément de quête), et quelques hommes de main, sur un sentier de rédemption qui va l’amener à rencontrer une pléiades de créatures improbables et d’intelligences insoupçonnées, organiques ou artificielles.
Le décor ayant été mis en place dans le tome 1, l’auteur nous plonge rapidement dans le déroulement d’un grand nombre d’évènements parallèles mais interdépendants qui amplifient la sensation de grouillement qu’émane la cité. Avec un style d’écriture très détaillée et cinématographique, les adversaires sont rapidement définis, la récompense primaire mise en évidence, mais les conséquences restent flous et entraînent le lecteur dans une soif de curiosité malsaine. Une sorte de voyeurisme pervers alimenté par des descriptions crues et une totale absence de véritable héros dans le sens littéral du terme.
Les influences lovecraftiennes deviennent de plus en plus marquées, les Gorgones pouvant rappeler aux amateurs ces horribles Fungi de Yuggoth. En plus abject. En effet, China Miéville s’attarde à souiller tout ce qu’il décrit au fur et à mesure qu’Isaac progresse sur son chemin de croix, transformant progressivement la Nouvelle-Crobuzon en un gigantesque labyrinthe bâti sur une décharge d’excréments organiques et mécaniques. Ça grouille, ça pullule, ça suinte, ça bave et ça chie en tout lieux et à toute heure. Rarement lut fantasy aussi glauque. Et aussi géniale. Car Perdido Street Station n’est pas qu’une simple quête gore et cruelle, c’est également un trou glauque bouillonnant de métaphores et de références théologiques que le lecteur peut s’amuser à décrypter, comme il pourrait le faire avec un roman de William Burroughs ou de Mervyn Peake (La Nouvelle-Crobuzon me rappelle fortement le château de Gormenghast).
La fin, cruellement pessimiste, reflète parfaitement le contenu de cette histoire dans laquelle tous les intervenants ne sont finalement que des pions d’un destin complètement fada, illustré de manière ironique par une araignée interdimentionnelle capricieuse et quelque peu gâteuse ainsi qu’un fumeux débat sur la notion de Choix.

La conclusion de à propos du Roman : Perdido Street Station, Tome 2 [2003]

Auteur Nicolas L.
95

Le tome conclue de manière prévisible mais géniale les aventures de Perdido Street Station. Mélange de fantasy et de steampunk efficace et horrifique, l’œuvre de China Miéville est un fantastique creuset bouillonnant d’idées originales qui tiennent le lecteur en haleine jusqu’à un dénouement pessimiste et fataliste. Un futur classique.

On a aimé

  • Très habile mélange de genre
  • Atmosphère glauque bien retranscrit
  • Traitement adulte bien maîtrisé
  • Imaginaire très riche

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