Critique Le treizième guerrier [1999]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le dimanche 28 janvier 2007 à 18h22
13ème guerrier pour le nord, 1ier bide pour McTiernan
Exilé pour avoir séduit la femme d’un diplomate de haut rang, un noble arabe croise la route d’une expédition viking. Mis en cause par les oracles lors d’une cérémonie mortuaire, il accepte d’accompagner un groupe de guerrier dans le Nord, afin de libérer un village d’une menace inconnue et mortelle…
John McTiernan avait tout les moyens pour réussir un grand film : un budget colossal de 160 millions de dollars, un roman (Les Mangeurs de Morts) qui est l’un meilleurs que Michael Crichton n’ait jamais écrit (même si de nombreux critiques littéraires considèrent comme médiocre la bibliographie du créateur de Jurassic Park), la présence de l’auteur comme conseiller et l’appui d’une équipe technique plus qu’expérimentée dans le domaine des effets spéciaux biens sanguinolents: le K.N.B FX Group.
Mais cet optimisme clairement affiché lors de l’annonce du projet était sans compter sur les impératifs d’un studio comme Touchstone qui força McTiernan à couper de nombreuses scènes jugées trop violentes ou inutiles, et sur l’excès de prétention d’un réalisateur voulant donner à son œuvre un cachet ‘’arty’’ alors que le film aurait peut-être dû s’orienter tout simplement vers le film d’aventure épique sans concession.
Le premier élément perturbateur – des coupes importunes situées n’importe où dans le fil narratif – entraîne des situations ridicules, comme celle d’un Antonio Banderas apprenant la langue nordique en une nuit, tout simplement en écoutant des vikings (aux attitudes très caricaturales qui peuvent faire sourire les historiens) raconter des blagues au coin du feu, ou assimilant en quelques heures le maniement de l’épée et le port de l’armure. Une nécessité artistique destinée à rendre la star espagnole plus importante que son personnage ne l’est dans le livre, où il se pose essentiellement comme témoin et comme porteur d’une foi supplémentaire.
En effet, désigné par les oracles (une vieille sorcière édentée qui se roule par terre, et qui lit dans des ossements au lieu de runes), le treizième guerrier, treizième mois de l’année de la tradition nordique (très mal expliqué dans le film, ce treizième mois ne se produit pas tous les ans puisqu’il sert à rattraper le déficit journalier des mois scandinaves qui ne comptent que 30 jours), représente en fait l’appui complémentaire pour équilibrer un cycle du temps imparfait, voire bancal. Plus qu’un simple individu (on constate en effet que dans le film, il ne sert à rien en tant qu’homme d’arme), c’est son coté monothéiste qui apporte au panthéon viking un dieu de plus, afin de lutter contre des berserkers abyssaux, précurseur du Ragnarok. Hors, le fait de supprimer tout l’apport mystique et théologique de l’Etranger déséquilibre l’histoire, et enlève toute justification à sa présence dans ce groupe de héros élus. On finit par se demander qu’est-ce que cet Arabe fout là… à part donner un rôle de bellâtre à Antonio Banderas.
Pourtant, résolument mythologique, le scénario – tout en accumulant les incohérences - parvient à conserver au fil du temps son aspect fantastique. Ce sont plutôt les errances sur la nature des créatures qui tendent à prouver que le cinéaste ne sait trop sur quel pied danser. Le fait de révéler que les Wendols sont des humanoïdes n’enlèvent en rien le fait que cette race est plus orientée du coté de l’orc des Terres du Milieu (on aperçoit même subrepticement des crocs et un visage simiesque) que de la troupe de barbares venus du Nord. De toutes manières, plus au Nord, pour les vikings, il n’y a rien (hormis la mystérieuse Thulé) et en l’an 900, il y a bien longtemps que toute tribu anthropophage a disparu en Europe (même les Pictes avaient été assimilés depuis des lustres). Un peu mal à l’aise avec cette conception, John McTiernan préfère alors cultiver l’ambiguïté, avec la présence d’un Antonio Banderas qui se demande durant la majeure partie du film si les Wendols sont des humains ou non. Cependant, de la même manière que les vikings qui luttent pour leur subsistance, le spectateur n’en a rien à faire et ne se pose plus la question depuis longtemps, tant le coté légendaire du récit a définitivement posé des bases fantastiques. Et cela finit par devenir agaçant…
Ensuite, l’une des raisons de l’échec commercial (et à mon avis artistique) du Treizième Guerrier (rappelons également que dans la tradition nordique, le chiffre 13 est porteur de chance) est le choix de la photographie. L’idée de filmer la plupart des séquences de combat à la lueur des torches est une gageure, un exploit en soi, là-dessus, il n’y a aucun doute. Mais quand un spectateur visionne un film épique, il a envie de voir des batailles !! Même si l’on « devine » que l’ensemble des séquences est parfaitement chorégraphié, il faut bien dire que le fait de froncer les sourcils pour essayer de deviner quelque chose du combat finit par être relativement pénible. Par certains moment, l’on a beau écarquillé les yeux, on y voit que dalle, et moi, ça a finit vraiment par me gaver… Et j’ai finit par décrocher complètement du récit.
Bon, assez tapé sur ce film et sur ce bon vieux McTiernan qui m’a donné tant de bonheur cinéphilique, car il y a quand même de bonnes choses à tirer de ce Treizième Guerrier ! Tout d’abord, la photographie (en dehors des scènes d’action, j’insiste) est tout simplement prodigieuse, avec des jeux de lumières fantastiques sur ces contrées brumeuses, un effort considérable qui donne à l’atmosphère dégagée par l’œuvre un indéniable cachet fantasmagorique. Je me suis régalé à admirer ces paysages glacés et ces montagnes enfouies sous ces manteaux ouatés. Ensuite, la reconstitution du village sur oppidum, les costumes d’époque, tous les détails ‘’historiques’’ (même le knörr n’a plus sa tête de dragon monté sur la proue lorsqu’il accoste les rivages amis) sont d’une précision et d’une qualité irréprochable, bien représentative de la période des Ages Sombres. On ne peut nier qu’un effort de ce coté là a été accompli, et cela à satisfait mon coté amateur d’Histoire.
Puis, vient le jeu de ces acteurs inconnus, pour la plupart scandinaves. Tous accomplissent d’excellentes performances et amènent au métrage une très utile sensation de véracité. Oublions donc la futile amourette entre l’ambassadeur arabe (décidément, il a pour habitude de coucher avec les femmes de chef, celui-là…) et la princesse et apprécions plutôt les échanges - fraternels ou rivaux – entre ces braves hommes du Nord. Quand à Antonio Banderas, il s’en sort plutôt bien, malgré un rôle délicat qui le fait basculer entre le bouffon de service et le candide ahuri. Il est cependant certain que cela ne restera pas son meilleur rôle…
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : Le treizième guerrier [1999]
Le film se devait être un digne successeur de Conan ; de la dark fantasy de haut vol, fortement épique, résolument nihiliste et incontestablement gore. Au final, Le Treizième Guerrier reste l’un des plus gros bides commercial des studios Touchstone qui marque le début de la fin pour un John McTiernan pour le coup bien naïf. Trop prétentieux, mal monté, le film est assurément raté, et les scènes de combats, expéditives et peu lisibles, ne rattrapent pas l’affaire. Restent quelques photographies élégantes sur les paysages nordiques, des costumes d’excellente facture, et un jeu d’acteur de qualité.
On a aimé
- Photographies, costumes et décors
- Le jeu d’acteur de qualité
- Histoire originale
On a moins bien aimé
- Réalisation trop subjective dans les scènes d’action
- Montage brouillon
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