Critique L'Enigme du Cadran Solaire, 1610 [2007]

"Il n'est pas donné à n'importe qui de préparer l'assassinat du roi de France et de commencer en battant son propre serviteur..."
14 mai 1610. Valentin Raoul de Rochefort s'est mis dans un beau pétrin. Au service du Duc de Sully (qui est gouverneur de la Bastille, ministre surintendant des finances, Grand maître de l'artillerie et Grand voyer de France, mais aussi ancien compagnon d'armes de Henry de Navarre - dit Henry IV-), Rochefort organise et réussit, contre toute attente, à faire assassiner le roi par Ravaillac, sous la pression de Marie de Medicis. La seule voie est la fuite de Paris. Sauf que le jeune Dariole, duelliste émérite, se met sur son chemin...
Mary Gentle est une romancière anglaise précoce. Elle publie son premier roman jeunesse à 21 ans. Trente ans plus tard, elle fait partie des grands auteurs (féminins) du Royaume-Uni. Parmi ses oeuvres les plus connues, on compte notamment le livre de cendres (en quatre tomes dans la collection Lunes d'encre de Denoël: la guerrière oubliée, la puissance de Carthage, les machines sauvages et la dispersion des ténèbres) et les fils de la sorcière. Elle alterne science fiction et fantasy historique, dont la composante fantasy est assez ténu par moment. Dans l'énigme du cadran solaire, l'histoire se mêle aux mathématiques divinatoires.
Réputée comme telle, Mary Gentle semble s'appuyer sur de solides bases historiques pour camper son intrigue et ses personnages fictifs. Raoul Valentin de Rochefort (plus quelque autres patronymes), Dariole, Robert Fludd et Saburo se fondent de manière subtile dans le background historique, au milieu des hauts faits de l'histoire parmi les Henri IV (qu'on n'aperçoit que fugitivement, du coup), le Duc de Sully, Marie de Médicis, Jacques 1er d'Angleterre, Henri Stuart, Robert Carr... Ça sent l'authentique, dans la manière dont elle décrit les rues crasseuses de Paris ou de Londres, dans celle des relations hommes-femmes, ou bien dans celle dont on traite les laquais par la haute noblesse. Dans cette époque qu'elle a su recréer, elle installe ses personnages de manière crédible sans bouleverser le cours du temps, mais en laissant le lecteur dans le doute: va-t-elle ou non bouleverser le cours des événements? Va-t-on se diriger vers une uchronie où le futur (notre présent) se trouve complètement chamboulé ? Elle place le lecteur sur une corde raide.
Question personnage, Mary Gentle choisit la forme de la première personne du singulier, ce qui rend le témoignage plus crédible encore, par les mémoires de Rochefort. Or, notre bonhomme étant à la fois bon duelliste, espion et tueur, il est aussi faible côté chair, et se découvre des pulsions sexuelles pour le moins curieuses pour ce genre de personnage, ce qui le rend plus humain et le classe irrémédiablement dans la catégorie des anti-héros. Ses relations avec Dariole sont on ne peut plus ambiguës, son comportement des plus empotés. C'est le côté humoristique de ces échanges, ajoutés à quelques situations cocasses qui rendent ce roman digne des grands romans de cape et d'épée. Le plaisir est évident, accentué par les descriptions de scènes de combat épiques et très facilement visualisables.
Pour la forme, et c'est mon bémol, le livre en deux tomes fait plus de mille pages, qu'il faut pouvoir digérer. J'ai trouvé quelques longueurs par endroits qui freinent de temps en temps le rythme et des personnages et de l'intrigue. En même temps, quand on referme le livre, on se dit qu'on a passé de beaux grands moments d'aventure.