Critique 30 jours de nuit [2008]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le jeudi 17 janvier 2008 à 15h41
Du sang sur la neige…
A la veille du solstice d’hiver, peu désireux de subir les affres d’une longue nuit de trente jours, les quatre cinquièmes de la petite ville alaskienne de Barlow quittent les lieux pour descendre vers le sud. Seuls restent sur place le personnel nécessaire au bon fonctionnement de la raffinerie de pétrole – poumon économique de la cité –, les quelques commerçants installés dans cet endroit perdu et les trois représentants des forces de l’ordre. En tout, une petite centaine de personnes qui s’apprête a vivre, comme tous les ans, une hibernation sinistre et monotone.
Cependant, cette année, les choses vont en être autrement. Devancée par un serviteur goule chargé de leur préparer le terrain en détruisant moyens de communication et sources d’éclairage, une meute de vampires déchaînés se jette sur la ville. Le massacre commence alors, et le sang coule à flot sur le sol immaculé des rues de Barlow.
Avec dans les mains un scénario aussi épais qu’un ticket de métro et aussi linéaire que la ligne droite de Longchamp, la partie ne s’annonçait guère facile pour le cinéaste canadien David Slade. Adapté d’un comics vampirique dont je ne connais rien – ce qui n’est pas plus mal, moi qui désire par-dessus tout porter un regard neutre sur une œuvre, sans voir mon jugement parasité par des éléments référentiels -, l’histoire n’est en effet guère enthousiasmante ; des vampires qui prennent d’assaut un village isolé, en y massacrant la population.
Conscient de ce fait, le cinéaste s’est donc atteler à trouver ailleurs les éléments propres à rendre son œuvre intéressante, faisant de 30 Jours de Nuit un film reposant principalement sur un langage visuel très affirmé. Il utilise ainsi de manière très pertinente un décors impressionnant (une sorte de ville à l’architecture « western » plongée dans les neiges et l’obscurité) en y appliquant une somptueuse photographie aux bains de lumière bleus et gris qui plonge le théâtre des évènements dans une atmosphère sinistre. Une senteur de mort inéluctable, un parfum de tombeau, qui n’est pas sans rappeler The Thing, le chef d’oeuvre de John Carpenter – ce ne sera d’ailleurs pas la dernière fois que je vais établir ddes similitudes entre ce film et le cinéma de Big John.
Le deuxième point positif est le profil cosmétique des vampires et leur méthode de « chasse ». Les suceurs de sang de David Slade sont encore plus éloignés de l’archétype classique que ces écumeurs du désert créés par John Carpenter à l’occasion de son Vampires. On reste tout de même dans le même registre ; à savoir une meute de prédateurs sans pitié, de bêtes sauvages criantes et assoiffées de sang. Dans 30 Jours de Nuit, le trait bestial est d’ailleurs encore plus forcé, avec des créatures à peine humaines, au visage « Nosferatu » barbouillé de sang et à la dentition de requin (en place et lieu des habituelles canines).
Dans ces conditions, l’humain, écrasé par la Nature et dominé par les vampires, est réduit au stade de misérable vermisseau, tout juste bon à servir de friandise à des êtres surpuissants. En ressort une horrible sensation d’impuissance - propre à saisir le spectateur aux tripes - qui est très souvent excellemment mise en exergue. Le meilleur exemple est ce plan aérien sur lequel l’on domine l’artère centrale de Barlow ; dans une rue enneigée, à la blancheur partiellement souillée par des ruissellements sanglants, on distingue à peine des hommes qui, tels des insectes, sont dévorés par un essaim de mantes religieuses bondissantes et boulimiques. Seuls les cris et quelques détonations d’armes à feu nous rappellent que les pauvres victimes de cette boucherie sont nos semblables. Très saisissant…
Dernière chose positive avant de passer aux choses qui fâchent (car il y en a aussi), c’est l’aspect gore et l’absence totale de second degré. Entre les décapitations sauvages, les giclées de sang des gorges des victimes, le sadisme ludique des vampires (comme des chats, les créatures jouent de leur proies avant de les tuer) et les amputations à volonté, le film remplit parfaitement son rôle de shocker, et cela sans tomber dans l’exhibitionnisme gratuit. On rejoint encore le cinéma de John Carpenter qui a toujours considéré (sauf dans les comédies bien entendu) l’horreur comme une chose très sérieuse. On retrouve d’ailleurs dans ce 30 Jours de Nuit de nombreux éléments de Ghost of Mars.
Après les compliments, voici venu le moment des reproches. Tout d’abord, je trouve qu’il est dommage que David Slade n’ait pas eu d’autres ambitions que la mise en boîte d’une série B musclée. Ce scénario simpliste empêche en grande partie la mise en place d’un quelconque suspense et l’absence totale de profil psychologique des vampires (de simples animaux plus malins que la norme, rendant ridicule les discours philosophique de leur leader) les rends inintéressants du point de vue dramaturgique. Cette épuration est bien entendu voulue, mais je persiste à dire que le cinéaste est capable de nous offrir beaucoup mieux. Un aspect d’autant plus navrant que les protagonistes humains ne bénéficient de guère plus d’attention.
Autre conséquence de ce vide conceptuel ; la mauvaise gestion de l’écoulement du temps (et là, je m’éloigne complètement de l’avis de l’ami Richard B.). Je sais bien qu’il est difficile de matérialiser le déroulement des journées dans ce cas précis où l’on ne distingue pas le jour de la nuit, mais le manque total de matériel narratif mettant en scène la survie et l’expression de la personnalité des héros cloîtrés dans leur planque improvisée rend les scènes consacrées vides d’intérêt. Rarement vu, en effet, des séquences de huis clos aussi creuses, tant au point de vue émotionnel que purement narratif. Complètement indifférent à cet aspect, considérant ces moments comme autant de passages obligés, David Slade les bâcle et nous indique le déroulement des jours par la naissance d’une barbe sur le menton de Josh Hartnett (un peu moins fade que d'habitude) et des incrustations de textes explicites.
Pour finir… un petit coup de gueule. Ok, techniquement, le film de David Slade est bien maîtrisé. On est très impressionné, bravo. Mais de temps en temps, il ne faut pas hésiter à retenir les rênes. Car, jeune homme, pouvez-vous me dire qu’est-ce que ces effets numériques à la mode viennent faire dans votre film ? 30 Jours de Nuit, avec tous ses arguments, n’avait nullement besoin que l’on y incorpore ces pitoyables effets stroboscopiques tout droit sortis des derniers video-clips musicaux ou des téléfilms de série Z. Bien au contraire, cela contribue même à mettre à mal une excellente ambiance, basée au contraire sur d’habiles plans d’exposition. Franchement, c’est du gâchis.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : 30 jours de nuit [2008]
Série B musclée, shocker efficace, 30 Jours de Nuit remplit parfaitement son cahier des charges. Avec son scénario simpliste et ses personnages superficiels, le film ne pouvait être mieux qu’un bon petit film de divertissement. Personnellement, j’ai apprécié. La maîtrise technique de Peter Slade et ses choix esthétiques ne comptent pas pour rien dans mon jugement, et elle compense largement les faiblesses d’un scénario sans ambition et quelques petits accrocs conceptuels mineurs. Un film que les amateurs de films de genre auraient bien tort de bouder.
On a aimé
- Grande maîtrise technique, belle photographie
- Excellente atmosphère oppressante et sinistre
- Le look des vampires
- Des effets sanglants très efficaces
On a moins bien aimé
- Un scénario manquant d’ambition
- Personnages simplistes
- Des effets de style numériques inutiles
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